conférence des premiers ministres

Legault ne veut pas de  « l’énergie sale » canadienne

Le premier ministre François Legault a opposé une fin de non-recevoir à ses homologues de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick qui ont relancé l’idée d’un oléoduc traversant le Québec pour exporter le pétrole de l’Ouest. « Moi, je ne me sens pas du tout gêné de refuser de l’énergie sale alors que nous, on offre de l’énergie propre à un prix compétitif », a-t-il lancé hier.

Il a tenu ces propos au terme de la conférence des premiers ministres convoquée par Justin Trudeau, à Montréal. Ce dernier est entré en collision avec certains de ses homologues provinciaux, surtout Doug Ford de l’Ontario et Scott Moe de la Saskatchewan, au sujet de l’imposition d’une taxe sur le carbone, une mesure fédérale qui ne touche pas le Québec en raison de sa participation au marché du carbone.

Outre le dossier de l’énergie, il a notamment été question des impacts du nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. M. Legault a laissé savoir que Justin Trudeau avait réitéré son engagement à donner une « pleine compensation » aux producteurs laitiers pour les pertes causées par ledit accord. Le premier ministre fédéral a signalé qu’un comité avait été formé avec les producteurs afin d’évaluer leurs besoins. 

« Ce n’est pas juste une discussion sur l’argent, c’est aussi une discussion stratégique sur comment on peut améliorer et aider le secteur laitier au Canada. »

— Justin Trudeau, premier ministre du Canada 

Des producteurs ont d’ailleurs tenu une manifestation à l’extérieur du lieu de la réunion afin de maintenir la pression sur Ottawa.

Le dossier des demandeurs d’asile a également été abordé. Justin Trudeau s’est montré ouvert à donner plus que les 136 millions qu’il a mis sur la table. Québec réclame 300 millions. Jusqu’ici, le gouvernement fédéral ne voulait l’indemniser que pour les frais d’hébergement des demandeurs. Or M. Legault souhaite également qu’il paie pour les services de santé et d’éducation.

Justin Trudeau s’est refusé à « négocier en public ». Mais il a dit avoir l’intention de tenir compte des « coûts notamment au niveau du logement », laissant donc entendre que son aide pourrait aller au-delà de cette catégorie de dépenses.

L’énergie avant tout

Le dossier de l’énergie a occupé une place importante à cette réunion. Une relance du projet d’oléoduc Énergie Est a été évoquée par certains premiers ministres. Mais M. Legault n’en veut pas. « J’ai été très, très clair : il n’y a aucune acceptabilité sociale au Québec pour avoir un oléoduc », a-t-il plaidé.

« Il y a effectivement quelques provinces, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et l’Alberta, qui aimeraient bien » que ce pipeline soit construit. « Mais en même temps, il y a le projet de Trans Mountain dans l’Ouest, Keystone aux États-Unis. Je pense que s’ils réussissent ces deux projets-là, ils vont être corrects », a affirmé M. Legault.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, trouve « préoccupante » et paradoxale la position du Québec. Il a relevé que M. Legault refusait cette demande de la part de provinces voisines alors qu’il les sollicitait pour qu’elles lui achètent de l’hydroélectricité. Or « ça doit aller dans les deux sens », a-t-il insisté.

De son côté, la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, a souligné la nécessité d’« augmenter la capacité de transport » du pétrole albertain. L’Alberta est responsable d’une bonne part de la croissance économique du Canada et finance ainsi le programme de péréquation qui profite à d’autres provinces, a-t-elle insisté. Le Québec est bénéficiaire de ce programme.

« Je comprends la situation difficile que vivent certaines provinces comme l’Alberta qui n’obtiennent pas un prix comparable au prix international pour le pétrole », a dit M. Legault. Mais le Québec a pour l’essentiel « le même problème » que l’Alberta, selon lui.

« J’ai des surplus d’hydroélectricité, j’ai des projets potentiels pour augmenter le volume d’électricité. D’autres provinces canadiennes doivent m’acheter de l’hydroélectricité ! », a-t-il lancé, s’empressant d’ajouter une précision. « Il y a une grande différence : c’est de l’énergie propre, l’hydroélectricité ! »

« Si on était capable de convaincre l’Ontario de reculer un peu sur son projet de rénover ses centrales nucléaires au coût de 20 milliards de dollars [et d’acheter de l’hydroélectricité québécoise], ce serait moins coûteux et mieux pour l’environnement, ça créerait de la richesse au Québec, ça réduirait le montant de péréquation. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Selon lui, son projet d’alliance énergétique a reçu « un certain support » du fédéral et d’autres provinces qui, comme le Québec, veulent vendre à leurs voisins de l’hydroélectricité, à savoir Terre-Neuve-et-Labrador et le Manitoba.

Justin Trudeau a montré de l’intérêt pour une implication du fédéral dans la création d’interconnexions électriques entre les provinces. Il est favorable à l’idée de rendre cette « énergie propre et renouvelable plus accessible à travers le pays ».

Le premier ministre fédéral a par ailleurs affirmé qu’« il n’y a[vait] aucun consensus » au sujet d’un pipeline vers l’est et qu’« aucun projet n’[était] sur la table pour l’instant ». TransCanada a abandonné Énergie Est notamment en raison des critiques en provenance du Québec.

Sans Doug Ford

Doug Ford brillait par son absence à la conférence de presse finale réunissant les premiers ministres – Rachel Notley a quitté la scène au beau milieu de l’événement afin de prendre l’avion. « Je pense que c’est très clair que le premier ministre Ford et moi avons une différence d’opinions sur les changements climatiques », a reconnu Justin Trudeau.

Il tient à imposer « un prix sur la pollution » avec sa taxe sur le carbone, une mesure à laquelle le premier ministre ontarien s’oppose farouchement, tout comme son homologue de la Saskatchewan.

Justin Trudeau a reproché à M. Ford d’avoir retiré sa province du marché du carbone auquel participent le Québec et la Californie. Quant au plan de lutte contre les changements climatiques présenté récemment par les conservateurs ontariens, c’est « un pas en arrière », selon lui.

Un peu plus tôt, Doug Ford a accusé M. Trudeau de demander subitement à l’Ontario de réduire plus que prévu ses émissions de gaz à effet de serre. Une taxe sur le carbone « tue l’emploi » et l’Ontario contestera cette mesure fédérale devant les tribunaux, a-t-il ajouté.

Pour Justin Trudeau, si « le désir de protéger l’environnement » est partagé par tous, « malheureusement, il y a des différences d’opinions sur comment le faire et jusqu’où il faudrait aller ».

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