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Beauté, argent, pouvoir… le bonheur ?

Malene Rydahl est danoise et vit à Paris depuis plus de 20 ans. Son premier livre, Heureux comme un Danois, est devenu un best-seller. Auteure et conférencière, elle expose dans Le bonheur sans illusions sa conception du bonheur, études et témoignages à l’appui. Entrevue.

Avoir beauté, argent, pouvoir, célébrité et sexe, tous ces éléments ne font pas le bonheur ?

Depuis que nous sommes petits, on nous vend le rêve du bonheur. On a été, pour la plupart, éduqués avec les histoires de Disney où les princesses se marient avec de beaux princes charmants, riches et puissants, et ils vécurent tous heureux. En réalité, quand on se penche sur la relation entre beauté, argent, pouvoir, célébrité et sexe et le fait d’être heureux, les résultats sur le bonheur sont contraires : il y a beaucoup d’insatisfaction et surtout un grand sentiment de vide. Le problème, c’est qu’il y a encore cette croyance collective que ces ingrédients vont mener au bonheur. J’ai voulu, avec ce livre, mettre en lumière des faits pour décomplexer et libérer les gens de cette croyance. On doit se concentrer sur les choses essentielles qui contribuent à notre bien-être, des choses qui se trouvent en nous et non à l’extérieur de nous.

Quelles sont ces choses importantes qui font notre bien-être ?

Tout ce qui est extérieur à soi ne peut pas nous rendre heureux. L’argent, la beauté, le sexe, ce sont des sources de plaisir qui sont consommées et nous apportent des moments de joie, certes, mais qui ne durent pas. Il faut cultiver la relation avec soi-même et trouver un sens à sa propre vie. Viktor Frankl, psychiatre et philosophe autrichien, a observé les prisonniers dans les camps de concentration. Les gens qui survivent dans des conditions atroces et qui gardent l’envie et le courage de continuer à se battre pour rester en vie sont des gens qui, malgré tout, ont trouvé un sens à leur vie, ils ont trouvé une raison profonde de vivre.

Qu’est-ce qu’une vie réussie et une vie heureuse ?

Une vie réussie est une vie où on est fidèle à soi-même. Trop souvent, on perd du temps à courir après des choses qui ne nous rendent pas heureux. Il y a aussi le fait de garder sa capacité d’émerveillement devant les petites choses de la vie et d’apprécier le moment présent. Ça rend heureux et ça fait partie du bonheur durable.

Vous dites que le bonheur ne passe notamment pas par le sexe ?

Le sexe est une source de plaisir qui devait être très simple parce qu’elle est accessible, mais elle a été prise en otage par la quête de performance à tout prix. On dit qu’il faut être un bon coup au lit ? C’est terrible ! Les gens se mettent à regarder des sites pornographiques où émotion et sexualité sont complètement dissociées et ça ne les rend pas heureux du tout.

Quelle est la différence entre plaisir et bonheur durable ?

La différence est qu’il faut avoir une relation de bienveillance avec soi-même pour un bonheur durable. Les scientifiques disent que 50 % de notre bonheur dépend de notre génétique, 40 % de notre attitude face à la vie, et 10 % de ce qui nous arrive dans la vie. Ce qui est un enseignement important. On doit apprendre à être heureux et oublier cette pression de la société qui met en valeur une vie rêvée faite d’illusions.

Et ces illusions ne font que s’accroître avec les réseaux sociaux ?

Oui, c’est pire maintenant avec les réseaux sociaux. Avant, il y avait la télévision, la publicité, le cinéma, les magazines où on voyait des célébrités qui menaient une vie rêvée, mais c’était un monde inaccessible. Maintenant, sur les médias sociaux, c’est notre voisin, nos collègues, nos camarades de classe qui exposent des photos de leur vie rêvée et qui deviennent une source de comparaison permanente. Les vacances des autres sont extraordinaires, il fait toujours beau même si en réalité la photo a été prise pendant le seul quart d’heure ensoleillé et qu’en vérité toute la famille s’engueulait. Mais on ne voit rien de tout cela sur Instagram. Toute cette mise en scène de la vie ordinaire a des effets terribles sur nous.

Les Danois sont les plus heureux du monde, pourquoi ? Quelle est la recette de leur bonheur ?

Il y a trois grands piliers au bonheur danois. D’abord, la confiance entre citoyens est très forte. Au Danemark, le taux de confiance est le plus élevé du monde, à 78 %. On aborde l’autre avec bienveillance et simplicité, qui sont des valeurs importantes dans le bonheur. Ensuite, il y a la liberté d’être soi-même et de choisir sa vie. L’école danoise développe la personnalité de l’enfant et pousse l’enfant à rester lui-même, ce qui fait qu’on vit dans une société harmonieuse où chaque métier est valorisé. Et pour finir, il y a la responsabilité individuelle dans un projet commun. C’est l’État providence, 7 Danois sur 10 sont contents de payer les impôts les plus élevés du monde parce qu’ils font partie de ce projet collectif et ne sont pas victimes du système.

Le bonheur sans illusions

Malene Rydahl

Éditions Édito

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