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Bientôt une clinique spécialisée à Sainte-Justine

Comme Lucas et Nathan, plusieurs dizaines d’enfants ont la chance, au Québec, de participer à des projets de recherche (universitaire ou pharmaceutique) de désensibilisation orale pour des allergies alimentaires. Contrairement aux États-Unis, où ce type de traitement est offert (à fort prix) en clinique privée depuis une dizaine d’années, il n’existe pas encore d’offre clinique formelle au Canada pour la désensibilisation aux allergies alimentaires.

C’est appelé à changer sous peu : le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine devrait bientôt annoncer l’ouverture de la toute première clinique canadienne de traitement des allergies par immunothérapie orale. Le CHU Sainte-Justine a donné son appui au projet l’été dernier, mais il manquait une chose : le financement. Les programmes de désensibilisation orale coûtent cher en ressources humaines.

Un groupe de parents (ByeByeAllergies.ca) a fait une collecte de fonds et a amassé à ce jour plus de 300 000 $, indique le Dr Philippe Bégin, allergologue au CHU Sainte-Justine et au CHUM, « assez pour qu’on enclenche le processus d’implémentation de la clinique ». 

Avant l’annonce officielle, il reste à clarifier les règles, dont les critères de priorisation des patients, « parce que la demande va être là », convient le Dr Bégin, qui souligne que les recommandations de patients seront acceptées uniquement après l’annonce officielle.

S’il n’existe pas d’offre clinique formelle de désensibilisation orale au Canada, des médecins allergologues ont tout de même commencé à la pratiquer auprès des patients qui, contrairement à Lucas et à Nathan, ont un seuil de réactivité élevé. Ceux qui, par exemple, réagissent après avoir mangé 10 arachides seulement.

« Au lieu de les renvoyer à la maison [les patients dont le seuil de réactivité est élevé] et de leur dire : “N’en mange pas et reviens dans deux ans”, comme on le faisait avant, on leur dit de commencer à manger une arachide par jour, explique le Dr Philippe Bégin. Dans six mois, on va augmenter à cinq par jour, et dans six autres mois, on va réessayer notre challenge [un test sous supervision pour vérifier si l’allergie est toujours présente]. Et comme de fait, généralement, ils passent. »

Allergies multiples

Pour former le personnel en vue de l’ouverture de la clinique, l’équipe du Dr Bégin a aussi traité sept enfants qui réagissent à de très faibles quantités d’allergènes, incluant des enfants ayant des allergies multiples. Contrairement à l’approche du CUSM, qui consiste à traiter un allergène à la fois, le Dr Bégin préfère s’attaquer à tous les allergènes simultanément.

L’équipe du CHU Sainte-Justine et celle du CUSM s’entendent : la désensibilisation orale est un processus exigeant. « Ça a l’air grandiose et magique, mais ce n’est pas facile, dit le Dr Moshe Ben-Shoshan, spécialiste en allergie et immunologie pédiatrique au CUSM. La famille qui entre dans ce processus doit savoir que ça ne va pas nécessairement marcher rapidement, qu’on peut avoir des réactions [certains auront à s’administrer de l’adrénaline pendant le traitement], mais je pense qu’à long terme, ça vaut la peine. » Une fois le traitement terminé, les patients doivent continuer à consommer l’aliment sur une base régulière pour maintenir la désensibilisation.

Selon Lucas, qui suit un protocole de désensibilisation aux arachides, tous ces sacrifices en valent amplement la peine : « Quand je vais être plus grand, ça va moins me limiter et je vais pouvoir sortir avec tous mes amis », dit-il.

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