Renaissance du Théâtre Empress

Cette fois-ci pourrait être la bonne

Autrefois flamboyant, le théâtre Empress offre un triste spectacle rue Sherbrooke Ouest, dans Notre-Dame-de-Grâce. La clôture de métal qui le protège des squatteurs attire davantage l’attention que sa majestueuse façade de pierre ornée d’éléments néo-égyptiens.

Il était pourtant voué à un brillant avenir quand il a été inauguré en 1928. Le tombeau de Toutankhamon, découvert six ans auparavant, avait inspiré autant son décor intérieur que les sculptures qui ornaient le devant de l’édifice.

Vestige de l’époque où des palais grandioses étaient construits pour présenter des films, il est barricadé depuis qu’un incendie a éclaté à l’intérieur en 1992. Exploité alors sous l’enseigne du Cinéma V, il a fermé ses portes.

Relance

Elaine Éthier est la plus acharnée de celles et ceux qui se sont mobilisés au cours des dernières années pour redonner vie à l’imposant immeuble conçu par l’architecte Alcide Chaussé.

Depuis neuf ans, elle porte un projet qui permettrait à l’Empress de reprendre sa place au sein de la communauté et de contribuer à l’essor économique des alentours. Aux prises avec moult obstacles et des changements d’administration, ayant été plus d’une fois près du but pour ensuite devoir tout recommencer, elle aurait pu se décourager et abandonner. Mais elle refuse de baisser les bras.

« Au départ, cela avait du sens de repartir le Cinéma V, explique la résidante de Notre-Dame-de-Grâce. J’ai eu tellement de plaisir à aller voir des films, à Montréal, à la belle époque des salles de répertoire. Je crois au concept de petites salles où serait diffusé du cinéma d’art, avec une programmation d’activités culturelles et sociales. » 

« Dans la communauté cinéphile du quartier, l’attachement envers le théâtre Empress est très fort. »

— Elaine Éthier

Pour faire avancer le projet et avoir de la visibilité, elle a contribué à la création de Cinéma NDG À la belle étoile – Under the Stars. L’organisme à but non lucratif, qui ne devait faire qu’une seule projection dans un parc en 2013, prépare sa septième édition, en partenariat avec l’arrondissement.

Dès le début, Mme Éthier a obtenu le soutien indéfectible de Mario Fortin, président-directeur général du Cinéma Beaubien. Il apporte une grande crédibilité au projet, pouvant témoigner de la popularité du cinéma de quartier sous sa gouverne et de l’effet positif qu’il continue d’avoir dans les environs.

« C’est certain qu’un pareil succès peut se répéter ailleurs, estime-t-il. Nous attirons 240 000 spectateurs annuellement dans nos 5 salles. 

« Le problème avec le théâtre Empress, c’est le coût d’aménagement de l’immeuble, qui est prohibitif. Cela va coûter cher de rénover l’édifice, qui est essentiellement une coquille vide. La toiture a été laissée à l’abandon, l’intérieur a été abîmé, il y a eu des infiltrations d’eau. Cela n’aide pas. »

Nouvelle direction

L’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce a acquis l’édifice en 1998. Il n’a toutefois jamais pris les choses en main, laissant à des organismes, dont Cinéma NDG, le soin de trouver le financement nécessaire pour mener à bien leur projet.

Cela devrait changer. « On a maintenant l’appui de la ville-centre, révèle la mairesse de l’arrondissement, Sue Montgomery, élue en novembre 2017 dans le camp de Projet Montréal. Les départements de la culture et du développement économique sont enthousiastes. L’endroit est spécial, en face d’un parc. Ce pourrait être une ruche de créativité publique et privée. Je pense que les gens aiment les films de répertoire, cela peut aussi être un endroit laboratoire, un centre d’art avec une mixité d’usages, avec un bistro au rez-de-chaussée, où tous peuvent aller. » 

« Ce peut devenir la pierre angulaire de ce secteur commercial. La rue Sherbrooke, dans ce coin, a besoin d’amour. »

— Sue Montgomery, mairesse de l'arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

Une étude de la structure sera faite au printemps pour voir ce qui peut être sauvé, assure-t-elle. La façade et le mur longeant la rue Old Orchard pourraient être tout ce qui peut être rescapé.

« Il y a des choses qui poussent dedans, fait-elle remarquer. On va voir. Mais c’est une priorité. On prend la situation en charge. C’est une chance unique de créer quelque chose de très vivant pour notre communauté. »

Le temps presse

Les travaux seront en cours d’ici 2021, avance Mme Montgomery. Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal, voudrait faire bouger les choses plus rapidement, avec l’annonce officielle du premier film qui y serait présenté en 2021.

« Cela fait 10-15 ans qu’on réfléchit, dit-il. Ce serait pertinent de mettre un échéancier pour l’inauguration, pour se donner une obligation. Sinon, on discute d’une feuille de papier à l’autre. »

Pendant ce temps, le patrimoine continue de se dégrader, déplore-t-il.

« C’est triste. L’immeuble a une histoire intéressante. Son décor égyptien est unique. L’actualité internationale s’est exprimée dans son architecture. Il ne faudrait pas le perdre. »

— Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal

Le plan d’action en patrimoine 2017-2018 de la Ville de Montréal, adopté à la mi-août 2017, a été élaboré pour mettre en œuvre la Politique du patrimoine, rappelle-t-il.

« Un des objectifs est de s’occuper correctement des bâtiments municipaux. La Ville, un des grands propriétaires de bâtiments patrimoniaux, doit donner l’exemple. Il faut habiter un bâtiment culturel comme l’Empress pour le conserver. Cela fait partie de la personnalité de Montréal d’avoir cela. »

Dans sa politique de développement culturel 2017-2022, la Ville de Montréal s’est engagée à agir pour que la culture demeure au cœur de l’identité montréalaise et s’épanouisse dans chaque quartier, fait-il remarquer. « Il faut voir comment l’Empress s’intègre dedans. »

Elaine Éthier garde espoir. « C’est difficile d’arrêter après tant d’années à me dédier », confie-t-elle.

Si près du but, les bons ingrédients sont peut-être enfin en place pour aller de l’avant.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.