OPINION SYLVAIN CHARLEBOIS

Éloge de la diversité alimentaire

Selon un récent sondage mené en février, le Canada compte quelque 466 000 véganes, ce qui équivaut environ à la population de la ville de Québec.

Nous évaluons que depuis un an, 18 % de personnes additionnelles se sont proclamées véganes. Le nombre de végétariens atteint aussi un sommet, avec 1,3 million d’adeptes au pays.

En tout, près de 6,5 millions de consommateurs canadiens ont décidé de limiter ou d’éviter la consommation de viande, pratiquement 100 000 de plus qu’en octobre dernier. Encore une fois, ces chiffres impressionnent.

L’engouement pour d’autres régimes et la quête pour un régime parfait font manifestement partie de nous.

Difficile toutefois d’expliquer un changement si rapide. Manger constitue un rituel qui se vit autant dans la collectivité, entre amis, en famille ou seul, mais en parler devient un exercice communautaire. 

Jamais auparavant nous n’avions autant parlé de véganisme, de végétarisme, ou même de flexitarisme. Toutefois, personne n’a encore trouvé ou identifié le régime optimal pour tous. Est-ce vraiment possible ?

Science et nutrition

La nutrition provient d’une science toute jeune, à la croisée de plusieurs disciplines complexes comme la chimie, la biochimie, la physiologie, la microbiologie et la psychologie. Chaque année, elle nous gâte avec ses trouvailles aussi imprévisibles que surprenantes. Mais nous sommes loin de tout connaître. Ce que l’on juge bon pour notre santé une année peut devenir mauvais l’année suivante. Ainsi va la science. Mais malgré l’incompréhension et le manque de savoir, nous devons survivre et manger. Bref, chaque repas devient presque un acte de foi.

Ce qui dicte nos choix alimentaires est plus profond que cela, viscéral. L’humain est pratiquement le seul être conscient de sa propre mort, dès un très jeune âge. Avec l’aide de la science, la nourriture devient le véhicule qui peut nous aider à vivre mieux et à moins souffrir. Pour plusieurs, elle ne se solde pas par l’ingestion de calories ; manger s’arrime avec le désir de vivre longtemps et de repousser l’inévitable. Ce principe incite probablement les consommateurs à voir la nourriture autrement et à adopter un régime plus restrictif et discipliné.

En tant qu’humains, nous constituons les omnivores les plus téméraires ayant erré sur terre. Nous mangeons de tout, mais vraiment de tout : plantes, animaux, insectes, poissons, produits naturels et artificiels, peu importe. Notre portfolio de choix alimentaires étonne.

L’extravagance de l’omnivore moderne devant ses choix alimentaires entraîne l’obligation de juger de la valeur de ce qu’il ingurgite pour ses besoins personnels.

Mais la nutrition humaine elle-même subit une série de réajustements à correctif continu. Chacun d’entre nous tente d’y trouver son compte, pour ses besoins et pour son corps, mais la motivation provient surtout de notre conviction de devenir un être plus pur et moins animal. Cette détermination varie grandement d’un individu à un autre.

Cette différentiation qui nous habite rend le dialogue collectif concernant les régimes alimentaires plutôt vicieux. Les accusations, les culpabilisations et les attaques pullulent sur les réseaux sociaux et deviennent saisissantes, inquiétantes et parfois choquantes. Certains veulent adhérer à un régime pour sauver la planète, les animaux et surtout eux-mêmes. Notre besoin de servir le village global passe par la nutrition comme jamais auparavant.

Mais nous savons que le régime parfait n’existe pas. Il peut y avoir autant de bonnes manières de manger qu’il y a de personnes, mais l’industrie et les législateurs comprennent bien mal ce concept. Une diversité alimentaire entraîne plus de choix, une offre alimentaire démocratique qui reflète les valeurs de tous. Cette diversité permettra à l’industrie de croître davantage, mais tout cela doit se faire dans le respect.

Si vous connaissez des véganes, végétariens, pesco-végétariens, flexitariens ou autres, prenez le temps de comprendre ce que leurs choix alimentaires signifient pour eux.

* Sylvain Charlebois est également directeur scientifique de l’Institut des sciences analytiques en agroalimentaire.

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