La docteure répond

Quand craquent les articulations

Docteure, pourquoi les articulations craquent-elles parfois ? Que se passe-t-il ? Est-ce dangereux ? Est-ce que ça signifie une blessure grave lorsque ça arrive en pratiquant un sport ?

Nous connaissons tous quelqu’un qui aime « se faire craquer » les doigts ou le cou. Plusieurs ont également déjà entendu une cheville ou un genou craquer en pratiquant un sport. Que se passe-t-il au sein de l’articulation lorsque ces bruits sont entendus ?

Une articulation est l’endroit où au moins deux os se rejoignent, comme le genou, la cheville ou les phalanges. Elle est entourée d’une membrane, la membrane synoviale, qui sécrète un liquide visqueux, transparent et jaune pâle, le liquide synovial. Ce liquide sert à lubrifier les articulations afin d’assurer un mouvement fluide et sans douleur, en plus d’absorber les chocs, nourrir les os et le cartilage qui les recouvre et d’éliminer les déchets. Le liquide synovial est formé, entre autres, de nutriments, d’oxygène, de gaz carbonique et d’azote. Toutes les articulations en contiennent une petite quantité, habituellement invisible. Au pourtour de l’articulation, il y a des tendons, qui relient les muscles aux os, et des ligaments, qui relient les os entre eux et qui assurent la stabilité de l’articulation.

Lorsque le craquement de l’articulation est volontaire, sans douleur et souvent répétitif, il provient du liquide synovial.

C’est ce qui arrive lorsque quelqu’un s’étire le cou ou les doigts pour créer un bruit sec. Lorsque l’articulation est étirée, le liquide synovial a de l’espace pour prendre de l’expansion. Certains composants du liquide synovial, principalement le gaz carbonique, passent alors de la phase liquide à une phase gazeuse. La formation de bulles de gaz s’accompagne d’un « pop » caractéristique. Cela se produit sans douleur. C’est un peu comme ouvrir une bouteille d’eau gazéifiée. L’eau a alors plus d’espace et le gaz carbonique qu’elle contient, invisible auparavant en phase liquide, devient gazeux. On voit alors apparaître de petites bulles qui montent vers la surface. Il y a aussi à ce moment une multitude de petits « pop » qui peuvent être entendus. 

Il est habituellement difficile, voire impossible, de faire craquer une articulation de nouveau dans les minutes qui suivent. Il faut attendre que le gaz en suspension redevienne liquide et que l’articulation reprenne sa forme initiale avant de pouvoir reproduire le craquement. Comment l’éviter ? Il faut simplement cesser d’étirer à l’excès l’articulation.

Est-ce dangereux ? Une étude menée par l’allergologue Donald Unger a démontré que c’était sans danger. Cette étude lui a valu le prix Ig Nobel en médecine, une récompense parodique, en 2009. Cette étude ne contenait qu’un seul sujet : lui-même ! Il a fait craquer les doigts de sa main gauche pendant 60 ans, mais pas ceux de sa main droite. Il voulait démontrer à sa mère qu’il était faux de croire que le fait de craquer ses articulations pouvait mener à certaines formes prématurées d’arthrite.

Bien que les résultats de cette étude constituée d’un seul individu ne soient pas généralisables à toute la population, elle a poussé d’autres chercheurs à étudier la question.

D’autres études plus poussées ont ainsi été menées et ont confirmé cette théorie. Le seul risque est celui de faire fuir vos proches qui ne tolèrent pas le bruit entendu…

ATTENTION AUX TENDONS

Un autre type de craquement est celui provenant des tendons. Lorsque l’articulation bouge, les tendons se tendent et peuvent frotter contre les os, les ligaments ou d’autres tendons. Si aucune douleur n’accompagne ces bruits, ils sont bénins. Il ne s’agit que d’une caractéristique individuelle qui peut s’accentuer avec l’âge.

Par contre, lors d’un mouvement brusque, comme lors d’un traumatisme, un bruit sec est parfois entendu et signifie une atteinte plus sévère au niveau des tendons ou des ligaments. Ces bruits proviennent de blessures plus sérieuses et s’accompagnent d’une vive douleur. Dans ce cas, il est recommandé d’en parler à un médecin ou à un physiothérapeute, surtout si la blessure s’accompagne d’une enflure rapide de l’articulation, d’une douleur lors des mouvements et d’une incapacité de marcher s’il s’agit d’une blessure à une cheville ou à un genou. 

En attendant la consultation, appliquez de la glace pour 10 minutes chaque heure, élevez le membre atteint et ne l’utilisez pas. Un bandage compressif peut également aider à réduire l’enflure. Au besoin, allez chercher des béquilles à la pharmacie.

Il y a ainsi plusieurs origines aux bruits entendus au sein des articulations. Si ceux-ci s’accompagnent d’une douleur et surviennent lors d’activités physiques, il est important de les prendre au sérieux et de consulter. Pour les autres, il ne s’agit souvent que d’une caractéristique individuelle et aucunement dangereuse !

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