RÉPLIQUE

Le leadership politique, au-delà des « stéréotypes »

En réponse à la chronique de Lysiane Gagnon, « Le parti à deux têtes », publiée samedi.

L’innovation n’est jamais chose facile. Elle attire toujours son lot de détracteurs. Pourtant, à l’heure où le cynisme et la désaffection à l’égard de la classe politique et de nos institutions démocratiques atteignent des sommets, l’innovation dans notre manière de concevoir et d’exercer la politique ne semble plus une simple option, mais bien une nécessité.

Dans sa chronique, Lysiane Gagnon revendique un modèle de leadership traditionnel. Elle semble juger impensable de réformer la formule de l’exercice du pouvoir centré sur une seule personne, autoritaire, omnipotente et omniprésente.

Mon rôle de députée m’amène au contraire à constater que beaucoup de gens ne se reconnaissent plus dans le modèle traditionnel valorisé par Mme Gagnon.

Une grande partie de la population, de manière encore plus évidente dans les générations montantes, a soif de nouveaux modèles.

La collaboration et un leadership plus collégial sont d’ailleurs de plus en plus mis de l’avant dans différents milieux de la société.

Il est sans doute pertinent de rappeler d’entrée de jeu que contrairement à ce que Mme Gagnon affirme, cette idée d’avoir un partenariat inspiré de l’idée du ticket à l’américaine n’est pas une idée sortie du chapeau du chef du Parti québécois de manière improvisée. Elle a été imaginée, mûrie et discutée pendant plusieurs mois avant de se concrétiser. Plutôt que d’y voir une faiblesse, j’y vois le signe d’un chef prêt à sortir des sentiers battus, à valoriser le partage du pouvoir et le travail d’équipe, denrées trop rares en politique.

Je dois aussi corriger l’affirmation voulant que nous fassions désormais toutes nos sorties en duo !

Notre allocution ensemble au Conseil des relations internationales de Montréal était la deuxième en trois mois, et nous répondions ainsi à l’invitation en ce sens des responsables de ce forum, qui préconisaient précisément cette formule.

Nous continuons bien sûr à travailler et à faire la majorité de nos représentations publiques de manière indépendante. Mais nous croyons aussi à la force de notre partenariat et nous sommes fiers de le mettre de l’avant à différentes occasions, comme ce fut le cas jeudi dernier alors que nous présentions des idées phares de notre vision en éducation.

En ce qui concerne les attributs auxquels Mme Gagnon m’associe et qui constitueraient des « stéréotypes féminins », soit la délicatesse, la sensibilité et la recherche du consensus, sachez que ce sont des qualités que je revendique haut et fort et je revendique haut et fort qu’elles aient une place accrue en politique.

Je rappellerai que ces attributs, jumelés à une forte détermination, ont mené, alors que j’étais ministre des Services sociaux, sur une courte période de 18 mois, à des avancées comme la Loi sur les soins de fin de vie et la première Politique nationale de lutte contre l’itinérance. Peut-être aurais-je dû avoir moins de sensibilité et ne pas me préoccuper de ces enjeux, mais à lire les nombreux messages que je reçois de personnes pour qui ces réalisations ont fait toute la différence, je me dis « vivement ces stéréotypes » !

Cette sensibilité semble aussi bien reçue de celles et ceux qui voient dans ma proposition de créer une instance spécialisée pour les causes d’agressions sexuelles une réponse politique et juridique porteuse à la suite du mouvement #moiaussi.

Vous me permettrez d’ailleurs de noter l’ironie de lire une dénonciation de « stéréotypes féminins » quand Mme Gagnon promeut un modèle de pouvoir unique, façonné par des centaines d’années d’exercice par les hommes, avec la mise de l’avant de valeurs et de manières de faire qui leur étaient traditionnellement associées.

Je ne crois pas, contrairement à Mme Gagnon, qu’une femme ne fait pas avancer la cause des femmes en acceptant d’être la vice-cheffe de sa formation, en donnant un visage féminin et féministe à l’exercice du pouvoir, en ayant un rôle important au sein de son parti, à l’Assemblée nationale et dans l’espace public.

En outre, s’il y a quelque chose dont je suis convaincue, c’est qu’un peu moins d’ego et un peu plus d’équipe en politique feraient le plus grand bien. Comme le chef, mes collègues et les militants et militantes de mon parti, je souhaite jouer le rôle le plus utile pour mon équipe, afin de faire avancer les idées et les idéaux dans lesquels nous croyons.

Avoir refusé cette fonction sous prétexte que je ne serais pas la « numéro un » ou par crainte que l’on dise que je suis instrumentalisée aurait été l’inverse de l’exercice du leadership et la négation même des raisons qui amènent les femmes de conviction en politique : pouvoir faire le maximum pour changer les choses.

Et si je peux continuer à le faire dans ce nouveau rôle de vice-cheffe, forte à la fois de ma sensibilité et de toute ma détermination, cela vaudra 100 fois toutes les critiques.

RÉPONSE DE LYSIANE GAGNON

Un exercice qui sonne faux

Cette « innovation » (qui n’en est pas une si elle est inspirée du ticket à l’américaine) serait plus convaincante si elle ne reposait, à l’évidence, sur une tactique visant à agrémenter l’image impopulaire de Jean-François Lisée. 

Personnellement, je trouve que cet exercice sonne faux et amoindrit la stature du chef que le Parti québécois s’est démocratiquement donné. En tout cas, l’engouement pour le « leadership collégial » que Mme Hivon croit déceler dans l’électorat ne s’est pas encore manifesté, le PQ bicéphale restant toujours en troisième place dans les sondages.

Cette dernière affirme que je « revendique » (sic) le modèle du chef « autoritaire ». C’est ridicule et ce n’est évidemment pas ce que j’ai écrit. Ma chronique portait sur l’importance, pour un leader, d’avoir de l’autorité et d’assumer toutes ses responsabilités, ce qui ne signifie pas la même chose.

Par ailleurs, si la nature du tandem Lisée-Hivon correspond en effet au stéréotype du couple homme-femme traditionnel, cela ne signifie aucunement, comme Mme Hivon me le fait dire, que la sensibilité n’est pas importante en politique. Bien sûr que c’est important ! C’est d’ailleurs une qualité qui n’est pas l’apanage des femmes.

Mais un véritable leader ne peut se cantonner dans la recherche du consensus. Le modèle consensuel fonctionne dans les sociétés primitives ou autour d’enjeux qui ne soulèvent pas d’opposition importante. Que l’on soit homme ou femme, le leadership implique que l’on soit capable, au besoin, de trancher entre des camps opposés et cela exige, oui, de l’autorité.

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