OPINION PARTENARIAT TRANS-PACIFIQUE

Mettre fin à la gestion de l’offre

L’ouverture de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens devra passer par une remise en question de nos propres chasses gardées

En août dernier, 140 représentants influents du Congrès américain, tant démocrates que républicains, ont signé une lettre demandant au président Obama d’expulser le Canada des négociations pour le Partenariat transpacifique (PTP).

La raison ? Son entêtement à défendre son système de gestion de l’offre. Récemment, le représentant au Commerce américain, Michael Froman, a confirmé que l’accès au marché canadien demeurait un des obstacles les plus importants à la signature de cet accord historique. De son côté, la secrétaire américaine au Commerce, Penny Pritzker, déclarait qu’il était temps pour le Canada de faire des concessions « audacieuses et créatives ».

Ce qui en ressort est que l’ouverture de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens devra passer par une remise en question de nos propres chasses gardées, incluant le système de gestion de l’offre.

La gestion de l’offre coûte 276 $ aux familles canadiennes annuellement.

Contrairement aux pays qui subventionnent leur secteur agricole, il s’agit d’une manière régressive de protéger nos producteurs, car chacun doit composer avec les prix artificiellement élevés, peu importe leur revenu.

En outre, l’impact négatif croissant de ce système sur la capacité du Canada à négocier de nouveaux accords commerciaux devient de plus en plus clair. Malgré qu’un grand nombre de pays subventionnent leur secteur agricole, le Canada se retrouve souvent isolé et en position de faiblesse sur la scène internationale en raison de sa politique qui rend l’accès au marché canadien quasiment impossible.

Jamais le Canada ne devrait accepter de démanteler son système sans concession de la part des autres pays du PTP, mais il doit au moins envisager une ouverture partielle de son marché.

Avec l’Accord économique et commercial global (AECG), le Canada a doublé à 32 000 tonnes par an les quotas d’importation de fromages européens dans le but d’ouvrir le marché européen à ses producteurs de bœuf et de porc. L’industrie du bœuf est certes concentrée dans l’Ouest canadien, mais la production porcine représente aussi une part non négligeable des recettes agricoles québécoises. Or, selon les prévisions de l’OCDE, d’ici 2017, seule la Chine accaparera une plus grande part que l’Union européenne de la croissance mondiale de consommation de porc.

Il est donc simplement faux de dépeindre l’AECG et toute autre ouverture de marché comme une atteinte aux intérêts économiques du Québec au profit de l’Ouest. Selon l’OCDE, plusieurs pays faisant partie des négociations pour le PTP afficheront les taux de croissance de consommation porcine les plus élevés au monde pour la période 2007-2017. Et il n’y a pas que le porc. Selon l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, 75 % des fermes québécoises dépendent des marchés d’exportation.

En fait, si on se fie à l’exemple de l’Australie, l’industrie laitière elle-même profiterait de l’abolition de la gestion de l’offre. L’Australie opérait un système similaire au nôtre jusqu’en 2001. En 1999, l'Australian Dairy Industry Council (ADIC) elle-même a pris l’initiative d’approcher le gouvernement fédéral avec un plan de transition vers un marché laitier dérégulé.

À terme, la déréglementation a réduit le prix que reçoivent les fermiers pour leur lait, mais elle a surtout amélioré l’efficacité de l’industrie de sorte qu’aujourd’hui, celle-ci n’exporte pas moins de 40 % de sa production. Au Canada, les producteurs laitiers s’opposent au libre-échange par crainte de perdre leur monopole sur le marché canadien. En Australie, les producteurs laitiers, toujours à l’affût de nouveaux marchés, réclament le libre-échange !

Le Canada doit se demander s’il est encore raisonnable de défendre un système qui fait mal aux consommateurs canadiens, qui décourage l’innovation et l’efficacité et qui empêche d’autres secteurs agricoles canadiens de réaliser leur plein potentiel. Les pays du PTP forment un marché de 792 millions de personnes représentant 38 % du PIB mondial. 81 % des exportations canadiennes y sont dirigées. Pouvons-nous vraiment nous permettre d’en être exclus ?

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