OPINION

À la mémoire d’Hélène, nous continuerons son combat

C’est par le courriel qui suit que nous avons appris la décision de notre amie, de glisser lentement vers la mort.

C’est par le courriel qui suit que nous avons appris la décision de notre amie de glisser lentement vers la mort.

« Chères amies,

Je crois que vous méritez de savoir ma décision. Constatant que ma santé se dégrade et que l’aide médicale à mourir se perd dans les dédales juridiques, j’ai décidé de prendre ma mort en main. Depuis dimanche, j’ai arrêté toute nourriture et boisson, ce qui m’amène à mourir dans plus ou moins 15 jours.

Je veux donc vous dire adieu.

Inutile de me téléphoner, je n’ai plus de voix pour parler. »

Notre amie a appris il y a près de 20 ans qu’elle était atteinte d’une maladie dégénérative. Tout un choc pour une femme active, sportive, intelligente, indépendante, aimant les voyages. Mais pas question pour elle de se laisser abattre.

Au fil des ans, nous l’avons vu poursuivre ses rêves de voyages, au Bhoutan pour faire du trekking ou de la voile en Croatie et en Amérique. Son courage cachait alors les restrictions de son corps malade. Année après année, elle a dû faire des deuils difficiles : préparer ses repas, jouer au tennis, marcher, nager, aller au théâtre ou au cinéma et même, ces derniers temps, écrire et lire. 

Confinée à son fauteuil électrique, tout était devenu impossible, même les soins personnels, signe évident que son corps l’abandonnait. Petit à petit, la mort prenait possession de ses membres. Elle en était consciente et impuissante avec toute l’indignité que cela comportait.

Pourtant, notre amie n’était pas suicidaire. Elle tenait à la vie et a tout essayé pour contrer les effets de la maladie. Elle est allée en Allemagne et aux États-Unis à deux reprises pour recevoir des traitements. Sans succès. Elle a continué de garder espoir, mais la loi québécoise sur l’aide médicale à mourir et celle du fédéral adoptée récemment ont anéanti ses derniers espoirs, particulièrement le flou entourant « la fin de vie » et celui de « la mort raisonnablement prévisible ».

C’est pourquoi notre amie a décidé de prendre sa mort en main en s’engageant dans un jeûne total de plusieurs jours.

Nous lui avons promis de continuer son combat pour que les laissés-pour-compte que sont les personnes atteintes d’une maladie dégénérative, sans aucun espoir de guérison, vivant souvent dans des situations pitoyables et subissant des souffrances psychologiques atroces, puissent avoir accès à l’aide médicale à mourir, si tel est leur choix.

Combien faudra-t-il encore de malades atteints d’une maladie dégénérative qui devront aller au jeûne total pour arriver dans un état de faiblesse inouï leur permettant peut-être de demander l’aide médicale à mourir ? Et encore faudra-t-il considérer le délai de 10 jours et l’approbation non seulement d’un médecin, mais de deux médecins. Notre amie a pu avoir le consentement d’un médecin, mais non d’un deuxième. Voilà l’indéfinissable. Bien compliqué pour des personnes en fin de vie.

Comme le faisait remarquer si justement le Dr Pierre Viens dans sa lettre ouverte publiée dans La Presse sous le titre « Je ne serai jamais plus comme avant » : « L’aide médicale à mourir est un vrai soin. Le dernier. Le plus beau. »

Malheureusement, notre amie n’a pas eu droit à ce dernier soin pour mourir dans la dignité comme elle l’aurait voulu.

Denise Allard, Lorraine Cayouette, Cécile Larouche, Nicole Lirette, Lucille Montminy, Jeanne Cloutier-Tanguay, de Québec ; Lisette Paradis, de Portola Valley, Californie ; Suzanne Prescott, de Mascouche ; Roseline Fleury, de Québec ; Blandine Landry, de Neuville.

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