MON CLIN D’œIL

Quelle est la différence entre David Saint-Jacques et un joueur du Canadien ? David Saint-Jacques est parmi les étoiles.

Opinion
Tuerie de la grande mosquée de Québec

Où en sommes-nous deux ans après ?

Le Québec s’apprête à souligner le deuxième anniversaire de la tuerie à la grande mosquée de Québec qui a eu lieu le 29 janvier 2017. Cette tuerie a laissé six pères de famille tués, six veuves, dix-sept orphelins et un père de famille tétraplégique. Plusieurs personnes qui étaient à la mosquée au moment de la tuerie seront traumatisées pour la vie.

Des activités de commémoration auront lieu à Québec, Montréal, Laval, Gatineau, Toronto et bien d’autres villes au Canada. Cependant, toutes ces activités de commémoration et toute la solidarité du monde ne pourront pas ramener à une veuve son mari ou à un orphelin son père tombé sous les balles de la haine durant la soirée tragique du 29 janvier 2017. Néanmoins, même si on ne peut rien faire pour les morts, on peut et on doit faire quelque chose pour les vivants pour s’assurer que ce terrible acte ne se reproduise plus. Nous devons agir collectivement pour protéger notre société des préjugés, de la haine et de la violence.

Nous avons fait du chemin depuis le 29 janvier 2017, mais le chemin qu’il nous reste à parcourir est long.

Voici mes constatations du progrès que nous avons fait et des défis qu’il nous reste à soulever : 

1- Auparavant, les Québécois de confession musulmane étaient souvent considérés comme les représentants du monde musulman et, par conséquent, tenus responsables de tout acte blâmable commis par un musulman dans le monde. Cette accusation par association est heureusement moins visible aujourd’hui dans notre société.

2- Auparavant, plusieurs associaient le terrorisme à l’islam. Maintenant, on peut dire qu’il y a un grand courant populaire qui réalise que le terrorisme n’a pas de religion et que le terrorisme n’a pas de nation. Le terrorisme est un crime et ses auteurs doivent rendre compte de leurs crimes.

3- La tuerie de Québec a encouragé certaines personnes à faire ce qu’on appelle du Québec-bashing en essayant de traiter les Québécois de xénophobes ou d’islamophobes. À cet égard, on peut signaler qu’avant la tuerie de la mosquée à Québec en 2017, il y a eu la fusillade de l’église à Charleston en 2015, et après la tuerie de Québec, il y a eu la tuerie de la synagogue à Pittsburgh en 2018. Cela prouve que le terrorisme n’a ni religion ni nation. Comme il ne faut pas blâmer tous les musulmans pour des crimes que certains musulmans commettent, il ne faut pas tenir tous les Québécois responsables du crime d’Alexandre Bissonnette.

4- L’élan de solidarité qu’on a vu au lendemain de la tuerie continue, même si son intensité a diminué. La solidarité émotionnelle et spontanée a cédé sa place à des actes plus réfléchis et à des projets à plus long terme. À titre d’exemple, j’ai contribué personnellement, avec le cardinal Lacroix et le rabbin Avi Finegold, à la production d’un documentaire intitulé Frères d’âmes qui sera utilisé comme un outil pédagogique pour encourager le dialogue et la compréhension mutuelle.

5- Plusieurs églises, synagogues, mosquées et organisations de la société civile ont pris l’initiative de consacrer la dernière semaine du mois de janvier de chaque année à la sensibilisation du fait musulman dans la société québécoise. L’objectif de la semaine de sensibilisation musulmane, qui est célébrée cette année jusqu’au 31 janvier, n’est pas religieux et ne vise pas à expliquer l’islam aux non-musulmans.

L’objectif est plutôt de mettre l’accent sur les Québécois de confession musulmane comme citoyens qui ont les mêmes aspirations, les mêmes droits et les mêmes obligations que tous les autres membres de la société.

6- Malgré le progrès qui est fait, il ne faut pas perdre de vue que l’intégration et le vivre-ensemble ne réussiront pas comme nous le désirons tant que les diplômes et les compétences des néo-Québécois ne seront pas reconnus. Un ingénieur qui conduit un taxi ou une infirmière qui travaille comme gardienne, faute de reconnaissance de leurs diplômes, ne pourront pas se sentir citoyens à part entière.

7- Un des plus grands défis de notre société est encore le rôle que doivent jouer les médias et les réseaux sociaux dans le projet du vivre-ensemble. Nous avons une responsabilité collective de trouver un équilibre entre la liberté d’expression et la nécessité de lutter contre la désinformation, la culture de la haine et la diabolisation de l’autre.

Finalement, c’est avec le dialogue qu’on va respecter la mémoire de nos martyrs et qu’on va réussir à offrir à nos enfants un avenir libre de préjugés, de haine et de violence.

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