Palmarès

Apothic Red 2015 (Californie, États-Unis)

Note des experts québécois : 12,5/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 14,9/20

30 Mile Shiraz 2014 (sud-est de l’Australie)

Note des experts québécois : 15,3/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 15,3/20

Carinena Reserva – Monasterio De Las Viñas 2006 (Nord de l’Espagne)

Note des experts québécois : 15/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 13,2/15

Jackson-Triggs –  Reserve Merlot 2014 (Okanagan, Canada)

Note des experts québécois : 14,3/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 15,5/20

Gray Monk Pinot Noir 2015 (Okanagan, Canada)

Note des experts québécois : 13,8/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 14,4/20

Road 13 Honest John’s 2014 (Okanagan, Canada)

Note des experts québécois : 14,3/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 13,8/20

Château Eugénie cahors Tradition 2015 (Sud-ouest de la France)

Note des experts québécois : 15,2/20

Note des experts de la vallée de l’Okanagan : 14,5/20

Vin

Les palais québécois plus fins que ceux de la côte Ouest ?

Une expérience avec deux groupes d'œnologues démontrerait que l'ancrage géographique joue un rôle sur les goûts

Quand il est question de vin, « deux solitudes » se côtoient au Canada, ont conclu des chercheurs de l’Université Concordia après avoir mené des dégustations à l’aveugle auprès d’œnologues du Québec et de la Colombie-Britannique. Les Québécois détecteraient une plus vaste gamme de goûts dans les vins rouges que leurs collègues de la vallée de l’Okanagan. Les experts de la côte Ouest ont aussi accordé une note plutôt favorable à un vin qualifié d’imbuvable par plusieurs chroniqueurs spécialisés, alors que ceux de la Belle Province lui ont à peine accordé la note de passage.

« On ne peut pas dire qu’il y a un groupe qui a raison et que l’autre a tort, mais on peut conclure que le panel de Montréal a été beaucoup plus sensible aux variations et aux saveurs des vins », a souligné la chercheuse responsable de l’étude et codirectrice du Centre d’études sensorielles de Concordia, Bianca Grohmann.

Les résultats étonnants de cette expérience viennent d’être publiés dans la revue Journal of Wine Research. Ils démontrent, selon les chercheurs, que l’ancrage géographique constitue un facteur déterminant dans l’évaluation des vins.

Sept vins ont été soumis aux deux groupes : un merlot, un pinot noir, un shiraz et quatre assemblages. Le groupe de Montréal était formé de sommeliers, de journalistes spécialisés et de formateurs. Les cobayes de l’Okanagan étaient quant à eux des vignerons, des consultants, des formateurs et des scientifiques dits sensoriels. Durant 60 minutes, les participants ont dû décrire chacun des vins en quantifiant la présence de sept arômes et de neuf profils de saveurs. Ils ont ensuite dû attribuer une note sur 20 à chaque cru.

Un vin controversé apprécié dans l’ouest

Le vin Apothic Red 2015, un vin d’assemblage qui jouit d’un succès populaire, mais qui est honni par les connaisseurs, notamment en raison de son fort taux de sucre, est celui qui a reçu la pire note au sein de la cohorte québécoise, avec une moyenne de 12,5/20. Le panel de la Colombie-Britannique lui a accordé, en moyenne, 14,9/20, le plaçant au 3e rang parmi les sept vins dégustés.

Il arrive tout juste derrière le 30 Mile Shiraz, un australien qui a remporté plusieurs prix lors de compétitions internationales. Dans le palmarès des Québécois, ce vin récolte la première place. Le vin préféré des experts de la vallée de l’Okanagan était… un vin de la vallée de l’Okanagan.

« On est complètement formés par notre environnement : qui on est, où on a grandi, comment on s’est alimentés toute notre vie, c’est pour cela qu’il y a un aspect culturel au goût », a expliqué la sommelière primée Véronique Rivest. « Ça m’a fait sourire quand j’ai lu cette étude, parce que ça fait des années que je dis ça ! »

En général, le panel du Québec a décelé davantage l’acidité, l’amertume, l’équilibre et les défauts aromatiques comme l’odeur de bouchon. Les Québécois ont par ailleurs davantage identifié les goûts de chêne, d’épices, de poivron vert et de végétaux.

Les deux groupes ont cependant identifié des dominantes de baies dans des vins totalement différents.

Les goûts, ça se discute ?

Qu’est-ce qui peut expliquer des différences aussi importantes ? Bianca Grohmann avance que c’est peut-être le fait que les œnologues anglophones passent généralement par le système de formation Wine & Spirit Education Trust, fondé au Royaume-Uni en 1969, alors que les Québécois préfèrent l’approche plus puriste de l’Union des sommeliers de Paris, fondée en 1907.

Véronique Rivest a une autre hypothèse. « On parle parfois du goût américain, parce que les Américains ont été élevés au sucre. Leur alimentation, en général, a été beaucoup plus sucrée, par exemple, que s’ils avaient grandi en Italie à manger des légumes amers, illustre-t-elle. Moi, j’ai une tolérance très élevée pour l’acidité et beaucoup moins pour le sucre, donc l’Apothic Red, je prends une gorgée et eurk, je n’aime pas ça. Pour moi, ça s’approche plus de la boisson gazeuse que du vin. Dans l’Ouest, oui, il y a plus de gens dont le palais se rapproche du palais américain qu’il n’y en a au Québec. »

Le journaliste Rémy Charest, spécialisé dans le vin et la gastronomie, a aussi remarqué cette différence géographique.

« Ça va faire neuf ans que je suis juge aux National Wine Awards of Canada et c’est assez frappant qu’entre les juges de la côte Est et les juges de la côte Ouest, il y a une espèce de tension sur le fait que certains vins sont bien trop riches », dit-il.

« Ça aurait été amusant d’avoir des juges ontariens, je pense qu’ils auraient été entre les deux », ajoute-t-il.

À la SAQ, les produits de la France représentent, bon an, mal an, environ 30 % des ventes et ceux de l’Italie, 25 %. Les vins du Nouveau Monde, souligne-t-il, sont beaucoup plus populaires dans le reste du Canada.

Selon Rémy Charest, le goût se façonne selon la production locale et ce qui se trouve sur le marché.

Avec son climat chaud et semi-désertique, la vallée de l’Okanagan produit des vins assez costauds. À l’inverse, la Nouvelle-Écosse produit des blancs très vifs avec des taux d’acidité très élevés. Les œnologues des Maritimes sont donc plus accoutumés aux raisins qui donnent des vins acides, a remarqué M. Charest.

« Plus que deux solitudes, de façon générale, je pense que c’est normal que selon les régions, il y ait des tendances distinctes », dit-il.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.