Avant le début de la saison, Antoine Duchesne a installé une affiche de son cru à côté de son lit. Elle contenait deux images, l’une du Tour de France 2016, l’autre des Jeux olympiques de Rio, sous lesquelles il avait écrit une phrase de motivation. Chaque soir, avant de se coucher, il la relisait.
Quelques mois plus tard, le cycliste originaire de Saguenay s’apprête à réaliser ses deux grandes ambitions. Hier matin, l’équipe française Direct Énergie a dévoilé sa sélection pour le Tour qui s’élancera samedi au Mont-Saint-Michel. Il deviendra ainsi le troisième Québécois à prendre part à la plus prestigieuse course cycliste au monde. Puis, demain, Cyclisme Canada annoncera sa sélection dans l’équipe olympique de Rio, a-t-on appris de source sûre.
Duchesne sait déjà depuis quelques semaines qu’il s’alignera sur le 103 Tour. Retranché peu avant le départ l’an dernier, il se garde cependant de se réjouir trop vite.
Encore dimanche, il suivait les championnats de France avec une certaine appréhension, au cas où un coéquipier s’illustrerait assez pour bousculer la hiérarchie. À 9 h 55 hier matin, il était devant son ordinateur à rafraîchir la page d’accueil du site internet de Direct Énergie. Cinq minutes plus tard, la bonne nouvelle est tombée sous la forme d’une courte vidéo. Bryan Coquard, le leader de l’équipe, confirmait la présence du « Caribou » et de « son accent qui [les] fait toujours mourir de rire ».
Duchesne a échangé quelques messages avec sa mère et publié une annonce sur son site internet personnel, dans laquelle il souligne à quel point il est « privilégié ». Il est ensuite parti rouler dans la grande région d’Avignon, son lieu de résidence depuis deux ans.
« Je suis juste soulagé, a-t-il confié au téléphone à son retour. Quand je l’ai appris, il y a deux semaines, je n’y croyais comme pas. Je n’étais pas encore tout à fait serein jusqu’à ce matin.
« Là, c’est plus officiel, on peut le dire à tout le monde. Enfin, après toutes ces années, ça arrive vraiment. Je le réalise un peu plus. »
— Antoine Duchesne
À sa troisième saison dans l’équipe, Duchesne a scellé sa place au printemps en gagnant le maillot à pois de meilleur grimpeur sur Paris-Nice et en offrant d’excellentes prestations dans les classiques flandriennes au profit de Coquard.
À son retour du Tour de Californie, où il a encore bien fait à la fin du mois de mai, il a eu peur après avoir été victime d’une infection des voies respiratoires. Son patron Jean-René Bernaudeau l’a cependant rassuré avant le départ du Critérium du Dauphiné, dernière grande course préparatoire, où il a progressivement retrouvé la forme.
« Pour moi, le Tour de France, c’était inimaginable il y a quelques années », a souligné Duchesne. « C’est quelque chose de beau. Je suis vraiment content. »
David Veilleux est le dernier Québécois à avoir pris part au Tour et le seul à l’avoir terminé. En 2013, dans la même équipe que Duchesne, mais avec un commanditaire différent (Europcar), il a fini 123 après les 21 étapes, annonçant sa retraite un mois et demi plus tard. En 1937, Pierre Gachon, un Montréalais natif de Paris, est devenu le premier Nord-Américain à prendre le départ de la Grande Boucle ; il a abandonné au cours de la première étape.
À 24 ans, Duchesne sera la seule recrue et l’unique non-Français de Direct Énergie parmi un effectif de neuf coureurs. La formation pro continentale (deuxième division) compte sur des vétérans aguerris comme Thomas Voeckler (14 participation) et Sylvain Chavanel (16), qui ont déjà porté le maillot jaune.
Mais sur ce Tour, les ambitions s’articulent autour de Bryan Coquard, le sprinter vedette qui a signé 13 victoires depuis le début de l’année. « Bryan est dans une forme extraordinaire, l’objectif est d’aller gagner des étapes », a affirmé Duchesne, qui aura un rôle-clé dans le train appelé à le lancer.
La première étape de samedi s’annonce particulièrement fébrile, avec le maillot jaune à la clé pour le gagnant. Les trois étapes suivantes semblent aussi destinées à un sprinter. « Les enjeux seront énormes dès le départ », ajoute le seul partant canadien cette année.
« Déjà, pour n’importe quel sprint, c’est très stressant. Ça frotte, ça gueule, ça chute. Avec le maillot jaune au bout, ce sera pire. »
— Antoine Duchesne, à propos de l’enjeu à l’arrivée de la première étape du Tour samedi
Les objectifs collectifs occupent donc toute l’attention de Duchesne, qui a terminé le Tour d’Espagne l’an dernier. Coureur « très offensif », comme l’a souligné Coquard, l’ancien champion canadien U23 espère profiter de quelques ouvertures dans les deux semaines suivantes lorsque le profil du terrain le permettra.
À moins de se « briser un os », Duchesne, allergique aux abandons, ne voit pas comment il ne rallierait pas Paris le 24 juillet. Deux semaines plus tard, si tout se passe bien, il s’élancera à l’épreuve sur route des JO de Rio avec son ami Hugo Houle et Michael Woods. La petite affiche prendra alors tout son sens.