Alabama

Une femme atteinte par balle accusée de l’homicide de son fœtus

Indignation en Alabama chez les défenseurs du droit à l’avortement : une femme enceinte atteinte d’une balle dans le ventre en décembre dernier a été accusée mercredi de l’homicide involontaire de son fœtus, alors que la tireuse a été innocentée.

« La seule véritable victime dans tout ça, c’est le fœtus », avait déclaré aux médias locaux le lieutenant de la police locale, Danny Reid, après l’incident. Le grand jury lui a donné raison hier en inculpant Marshae Jones, 27 ans, d’homicide involontaire. « Le fœtus a été entraîné dans un conflit contre son gré et dépendait de la protection de sa mère », a ajouté le lieutenant Reid.

En décembre dernier, à Pleasant Grove en Alabama, petite localité d’environ 10 000 habitants, Ebony Jemison a tiré dans le ventre de Marshae Jones, alors enceinte de cinq mois. La tireuse a agi à la suite d’une dispute qui concernait le père de l’enfant à naître, selon l’Associated Press. Le coup a été fatal pour le fœtus, mais pas pour la mère.

Une enquête policière a déterminé que le conflit entre les deux femmes aurait été provoqué par Marshae Jones. Le tir serait donc un acte de légitime défense et Ebony Jemison, 23 ans, a été innocentée. Selon les jurés, la femme enceinte aurait mis son fœtus en danger, puisqu’elle est à l’origine du conflit.

Selon Andréanne Bissonnette, chercheuse à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, l’affaire s’inscrit dans une tendance à la « dévalorisation de la femme au profit du droit à la vie ».

Elle estime qu’il s’agit d’une dérive de la loi restrictive sur l’avortement adoptée en Alabama en mai dernier. Cette loi place les droits du fœtus avant ceux de la femme.

« De plus en plus, le corps de la femme est contrôlé par une pluralité de lois qui créent des impacts négatifs pour les femmes. »

— Andréanne Bissonnette, chercheuse

Pourtant, l’experte affirme que la criminalisation des femmes enceintes n’est pas un phénomène nouveau. Mettre en danger un fœtus en consommant des opioïdes, par exemple, est passible de prison dans de nombreux endroits. « D’un côté, on a une restriction de l’avortement et de l’autre, une criminalisation des femmes qui mettent en danger le fœtus », note-t-elle.

Des organismes scandalisés 

La mise en accusation a provoqué la fureur des organismes de défense des droits des femmes aux États-Unis. Lynn Paltrow, directrice du groupe de défense National Advocates for Pregnant Women, a déclaré dans un communiqué que l’Alabama est l’État qui occupe la première place aux États-Unis en ce qui concerne l’inculpation de femmes pour des crimes liés à leur grossesse. Selon elle, il est commun à travers le pays de voir des femmes déclarées coupables de meurtre à la suite d’un avortement ou d’une fausse couche.

C’est pourtant la première fois que Mme Paltrow entend parler d’un cas comme celui de Marshae Jones. « C’est un niveau d’inhumanité jamais vu, a-t-elle dit, où une personne qui est elle-même victime est traitée comme une criminelle. »

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