Chronique

Le labyrinthe des permis de rénovation

L’augmentation du compte de taxes est peut-être sous contrôle à Montréal, avec une hausse de 1,9 % en 2016. Mais je vous jure que les arrondissements ne manquent pas d’imagination pour imposer toutes sortes de taxes, tarifs et frais.

Gare aux propriétaires qui ont la piqûre des rénovations avec le retour du beau temps. L’obtention d’un permis pourrait leur valoir de mauvaises surprises, comme l’a constaté un résidant d’Ahuntsic l’été dernier.

Yves St-Maurice voulait remplacer les galeries et les escaliers à l’avant de son duplex centenaire. Au début de juillet, il a entrepris des démarches pour obtenir un permis. Mais en regardant son certificat de localisation, l’arrondissement a constaté que les quatre dernières marches des escaliers qui aboutissent directement sur le trottoir empiètent sur le terrain de la Ville.

Oh, oh ! Ça ne marche pas.

M. St-Maurice devra remplacer les quatre marches en béton qui sont sur l’emprise de la Ville par des marches constituées d’un matériau démontable, au cas où l’arrondissement aurait des travaux à faire. Bon, d’accord, le résidant comprend le principe et s’y plie de bonne grâce : il fera les prochaines marches en pavé uni.

Mais les contraintes ne s’arrêtent pas là. Avant de procéder aux travaux, l’arrondissement exige qu’il obtienne un permis d’occupation permanente du territoire. Coût du permis : 128 $. Normalement, l’arrondissement impose aussi des frais d’études techniques de près de 600 $. Mais M. St-Maurice en est dispensé puisque l’empiètement existe depuis plusieurs années et qu’on peut donc considérer qu’il ne dérange personne.

Par contre, le propriétaire doit faire arpenter son terrain. Coût de l’arpenteur-géomètre : 980 $. Aïe !

Mais le comble, c’est que M. St-Maurice devra ensuite payer un loyer à la Ville, année après année.

Combien ? Quinze pour cent de la valeur du terrain occupé. Homme de chiffres, M. St-Maurice a calculé que sa facture s’élèvera à environ 300 $ par année pour les malheureux petits 2,9 m2 qu’il occupe.

Autrement dit, l’arrondissement lui imposera pour ses quatre marches un loyer presque aussi élevé que le loyer qu’il réclame à sa locataire, soit 114 $ le mètre carré. « Je trouve donc le loyer de la Ville prohibitif », dit-il.

Cette facture est d’autant plus fâchante que si le propriétaire n’avait pas fait de travaux d’embellissement de sa maison, jamais il n’aurait eu à payer de loyer. En effet, l’arrondissement attrape les gens lorsqu’ils demandent un permis, mais ne sillonne pas les rues pour repérer tous les empiètements sur le terrain de la Ville.

Et ils sont nombreux ! À Montréal, bien des maisons ont une allée, un stationnement ou un escalier qui débouche directement sur le trottoir et passe forcément sur la bande de terrain qui appartient à la Ville.

Est-ce à dire qu’ils devraient tous payer un loyer pour occupation permanente du territoire ?

Non. Le loyer est imposé seulement quand le terrain est en pente, comme chez M. St-Maurice, m’a expliqué l’arrondissement. « C’est un peu ridicule ! », s’exclame le résidant.

Mais voulez-vous savoir le pire ? Après avoir fourni tous les documents et payé tous les montants, M. St-Maurice s’est faire dire de retourner voir un arpenteur pour fournir la mesure des futures marches, plutôt que des anciennes, afin de déterminer le loyer exact. Ben voyons donc !

Mais face aux protestations du résidant, l’arrondissement a accepté de venir simplement prendre les mesures sur le terrain à la fin des travaux pour éviter les frais. Voilà qui est plein de bon sens. Mais alors, ne pourrait-on pas se passer carrément d’arpentage ?

En fin de compte, M. St-Maurice n’a obtenu son permis de construction qu’au mois de décembre, même s’il avait payé dès juillet les frais de 205 $ pour ce permis. Il n’a donc jamais pu faire ses travaux l’été dernier.

Cette histoire démontre que le processus long, complexe et coûteux pour l’obtention des permis freine l’économie, ce qui est plutôt paradoxal puisque la province de Québec et la Ville de Montréal s’évertuent à stimuler la rénovation à coups de subventions et de crédits d’impôt.

Veut-on que les gens rénovent, oui ou non ? On ne dirait pas, à voir la longue liste des permis nécessaires pour entreprendre des travaux : abattage d’arbres, conversion en copropriétés divise, dérogation, démolition, excavation, occupation temporaire de la voie publique…

L’an dernier, tous ces permis ont rapporté 29,7 millions à la Ville de Montréal. Les coûts et les délais pour l’obtention des permis ont de quoi couper l’appétit des propriétaires qui songent à faire des travaux.

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