À MA MANIÈRE

Comment j’ai créé et commercialisé des protège-dessous réutilisables

Chaque semaine, une personnalité du milieu des affaires nous raconte en ses mots une page de son histoire.

Qui ? Yasmeen Khoury, fondatrice de Smartliners

Une amie, un jour, m’a raconté qu’elle avait eu une infection et que son gynécologue lui avait dit que c’était peut-être à cause de ses serviettes hygiéniques. Je me suis mise à lire sur le sujet et je n’arrête pas de lire là-dessus depuis. C’est devenu une obsession ! J’ai appris entre autres que jeter une serviette équivaut à jeter quatre sacs de plastique. Et qu’en moyenne, chaque femme utilisera 15 000 serviettes et tampons dans sa vie. Nous faisons face à de sérieux enjeux environnementaux. Par ailleurs, selon des études, nous utilisons des protège-dessous et serviettes composés de produits chimiques, de colle, de produits qui ont peut-être un impact sur nos systèmes nerveux et de reproduction. Il faut le dire aux femmes !

J’ai donc eu cette idée, il y a quatre ans : concevoir des protège-dessous et serviettes réutilisables. J’en ai parlé à plusieurs femmes et elles m’ont dit : go ! Ce printemps, ma marque Smartliners est entrée dans 300 pharmacies Jean Coutu.

La création a été assurée par moi. Il m’a fallu deux ans pour l’achever. Je voulais que ce soit comme une serviette normale et qu’elle absorbe efficacement le sang. On a longtemps travaillé sur l’épaisseur du produit. Je l’ai d’abord testé avec des amies. Une épaisseur, deux épaisseurs, ainsi de suite. Le produit final ne devait pas être trop épais. Mais ma principale préoccupation était sa forme. La finition devait être parfaite. Il y a eu beaucoup d’essais-erreurs. 

Les résultats souhaités ne sont pas arrivés du jour au lendemain. Mais je savais que j’allais y arriver !

Ma famille est dans l’industrie du textile depuis 60 ans. Le coton est 100 % biologique. Le procédé d’absorption est breveté. Il appartient à une entreprise américaine avec qui je fais des affaires. Les velcros des serviettes sont biodégradables, comme les emballages, d’ailleurs.

J’ai conçu des protège-dessous quotidiens et des serviettes pour flux « réguliers » et abondants. Leur durée de vie est estimée à cinq ans. Ils remplacent 1020 serviettes jetables ! C’est dur de se mettre en tête que c’est lavable, mais c’est comme mettre un sous-vêtement à la machine. Le produit vient dans des boîtes d’une ou quatre serviettes vendues 14,99 $. Les emballages des protège-dessous quotidiens viennent avec une petite pochette noire qui ressemble à une pochette de bijoux pour les disposer pendant la journée. C’est discret. Éventuellement, on fera quelque chose pour les autres serviettes.

La production est faite au Bangladesh dans une usine accréditée par le Service d’accréditation suisse. Mon frère travaille déjà avec cette usine pour des sous-vêtements.

Je ne pars pas de zéro. C’est dans la famille ! Cela dit, j’ai toujours voulu faire quelque chose de mon côté. J’ai une certaine drive. Je suis à la base gemmologue et j’ai d’abord souhaité ouvrir une bijouterie haut de gamme, mais je ne voyais pas quel marché j’allais attirer ici. Puis, j’ai eu l’occasion de travailler avec David Sigal qui est en joaillerie.

Pour ce projet-ci, Jean Coutu nous a appuyés et motivés. L’entreprise nous a dit qu’elle avait des demandes de clientes pour des serviettes réutilisables. Je suis contente de ce lien développé avec elle, surtout qu’elle va faire la promotion de Smartliners, entreprise que j’ai officiellement enregistrée à la fin de 2016.

On a investi 100 000 $ dans ce projet. On espère vendre 200 boîtes par magasin la première année. On cible les femmes dans la jeune trentaine. Je ne crois pas que les ados sauteront sur le produit rapidement, car on se conscientise en vieillissant. Mais j’espère que les mères sensibiliseront leurs filles. On ne peut revenir en arrière, mais on peut penser à l’avenir !

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