Médias

Le 91,9 Sports dans l’incertitude

C’est maintenant officiel : l’avenir de la seule radio 100 % sportive francophone de Montréal est compromis.

Les futurs acquéreurs de la station 91,9 Sports souhaitent qu’elle change de vocation et devienne musicale. Les employés de la station ont appris la nouvelle hier matin, au moment même où le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) publiait un avis d’audience.

Leclerc Communication, qui souhaite acheter deux stations de RNC Média (le 91,9 à Montréal et CHOI-FM à Québec), « propose de changer la formule de la station [91,9 Sports] afin de passer d’une formule spécialisée à prépondérance verbale exclusivement axée sur les sports à une formule musicale », peut-on lire dans l’avis du CRTC.

Cette demande n’est toutefois pas une simple formalité. Leclerc détient déjà deux antennes francophones musicales dans le marché de Québec, soit le maximum permis par la loi. Leclerc demande donc « une exemption à la Politique sur la propriété commune » afin d’en posséder une troisième. En 2010, placé devant une situation similaire, le CRTC avait permis à Cogeco d’exploiter trois stations FM en français à Montréal.

Qu’est-ce qu’une radio musicale de Québec a à voir avec l’avenir d’une radio sportive de Montréal ? C’est que la transaction de 19 millions de dollars est liée au changement de formule du 91,9.

Statu quo

Les patrons de RNC Média rencontraient les employés du 91,9 hier matin. En plus d’avoir assuré aux employés que les contrats seraient honorés jusqu’à leur échéance, le mot d’ordre était essentiellement de continuer le travail comme si de rien n’était. L’audience du CRTC est prévue pour le 20 février prochain.

« On se doutait que ça s’en venait, personne n’est tombé en bas de sa chaise », a rappelé Georges Laraque, l’une des têtes d’affiche de la station, qui n’a toutefois pas assisté à la réunion.

« Premièrement, ce n’est pas encore fait, a-t-il poursuivi. Je pense qu’on va au moins finir la saison de hockey. On aura un nouveau champion de la Coupe Stanley avant que ce soit fait », prédit l’ancien joueur de la LNH.

« Ça doit être approuvé, des gens peuvent s’y opposer. Plein de choses peuvent arriver d’ici là. On a un super bon produit, donc on va continuer à faire notre travail. On verra rendus là. »

— Georges Laraque

« Le moral reste bon parce qu’on continue à faire notre travail et qu’on a des auditeurs de plus en plus nombreux, renchérit Louis-Philippe Guy, qui coanime Du sport le matin, avec Gilbert Delorme. On répond à un besoin dans la population. C’est un long processus et on continue à faire notre job. La seule chose que l’on peut contrôler, c’est la qualité de notre travail. »

On devine toutefois qu’un rejet de la transaction par le CRTC ne réglerait pas tout, puisque RNC Média juge visiblement avoir fait le tour du jardin avec le 91,9 Sports…

Une formule jugée non rentable

En mars dernier, Numeris publiait des résultats d’auditoire radio montrant des parts de marché de 3,9 % pour le 91,9, parmi les radios commerciales francophones de la région montréalaise. Aux yeux de Jean-François Leclerc, directeur général de Leclerc Communication, les perspectives de profitabilité sont meilleures avec une station musicale.

« Ça fait quelques années que la station opère avec des résultats mitigés, a-t-il expliqué à La Presse. On pense qu’avec un créneau musical, on a de meilleures chances d’avoir des résultats. »

« On est conscients que cette station a plusieurs fans à Montréal. On est d’accord qu’une station sportive est importante pour plusieurs. Mais les cotes d’écoute ne sont pas suffisantes pour laisser croire à un avenir prometteur. »

— Jean-François Leclerc

Leclerc émet également sur la fréquence 91,9 à Québec, sous la marque WKND. C’est cette marque que l’entreprise souhaite établir dans le marché montréalais, afin qu’elle soit présente sur la même fréquence « d’un bout à l’autre de la 20 », rappelle Jean-François Leclerc.

« Je ne vous cacherai pas qu’il y a des économies à faire. Mais il n’y aurait pas une grosse différence dans le nombre d’employés. Dans nos chiffres au CRTC, je crois qu’on parle de deux employés de moins. Ceux qui ont des compétences qui peuvent servir à une station musicale vont aider. Mais évidemment, ce sera plus difficile pour ceux qui ont surtout des compétences d’analystes sportifs. »

M. Leclerc a également assuré que l’antenne montréalaise produirait généralement son propre contenu et ne serait pas simplement un relais de ce qui est produit dans la capitale nationale.

Et Jean-Charles ?

Les doutes autour de l’avenir de la station alimentent évidemment les conjectures autour de Jean-Charles Lajoie, animateur vedette de la station. De nombreux bruits de corridor l’envoient à Qub, la nouvelle station numérique de Québecor. Mais Lajoie nie vigoureusement ces rumeurs dans son entourage. Il a indiqué par message texte à La Presse qu’il ne souhaitait pas émettre de commentaires sur la situation.

En ouverture d’émission, hier après-midi, il a lui aussi rappelé que la situation était loin d’être réglée, mais est demeuré évasif sur son avenir.

« Est-ce que je serai là lundi ? Oui. Est-ce que je serai là dans six mois, dans un an ? Je ne le sais pas », a-t-il dit en ondes.

Les rumeurs sur l’avenir de Lajoie sont notamment alimentées par le départ d’Yves Bombardier, ancien patron du 91,9, qui est passé chez Québecor.

Le départ de Lajoie laisserait un énorme trou au 91,9. Malgré un style cassant dans son travail qui ne fait pas l’unanimité parmi ses collègues, son influence lui a permis notamment de recruter l’ancien entraîneur-chef du Canadien Michel Therrien comme collaborateur pour la station.

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