Coalition avenir Québec

« Notre projet est à l’intérieur du Canada », affirme Legault

OTTAWA — Québec peut assurer son développement et la pérennité du français « à l’intérieur du Canada » en obtenant tous les pouvoirs en matière de langue et d’immigration. Et nul besoin d’organiser une grande messe constitutionnelle pour qu’Ottawa cède au Québec de tels pouvoirs. De simples ententes bilatérales peuvent suffire pour contourner ce piège constitutionnel, estime le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault.

De passage dans la région de l’Outaouais, hier, M. Legault à fait un saut de l’autre côté de la rivière, à Ottawa, à un jet de pierre de la colline parlementaire fédérale, afin d’expliciter les tenants et aboutissants de l’affirmation nationaliste que sa formation préconise au sein de la fédération canadienne.

Dans une entrevue de près d’une heure accordée à La Presse, M. Legault a été catégorique : « Notre projet est à l’intérieur du Canada, et je vais le dire clairement durant mon séjour en Outaouais. C’est clair. Je n’aime pas le mot fédéraliste parce que ce mot est associé à un certain statu quo. Mais ce que nous proposons, c’est une nouvelle entente avec le Canada. À la différence des grandes messes qu’on a connues avec Meech où l’on tentait de tout régler dans une rencontre, on veut y aller par étape, à la pièce, en commençant par ce qui est plus facile, des ententes bilatérales », a-t-il affirmé.

Pour souligner la sincérité de sa démarche, M. Legault n’écarte pas la possibilité de faire une tournée des capitales des autres provinces afin de bien faire comprendre ses intentions au reste du pays. Cela lui permettrait aussi d’enterrer une fois pour toutes l’accusation de ses adversaires libéraux provinciaux selon laquelle il a simplement mis en veilleuse l’option souverainiste. Mais au préalable, il veut faire une tournée du Québec.

« Pour moi, les pouvoirs les plus importants que l’on doit aller chercher à Ottawa, ce sont les pouvoirs pour défendre notre identité en matière de langue et d’immigration. Cela se règle par des ententes bilatérales. »

— François Legault, chef de la CAQ

« Nous avons consulté des constitutionnalistes. Les gens ne peuvent pas dire qu’il n’y a jamais eu d’ententes bilatérales. Il y en a eu trois dans le passé : une sur les commissions scolaires linguistiques, une sur la formation de la main-d’œuvre et une autre pour aller chercher 70 % de l’immigration », a affirmé M. Legault.

À l’heure actuelle, Québec choisit 70 % des immigrants qui arrivent sur son territoire, et le gouvernement fédéral 30 %. Si la grande majorité des immigrants choisis par Québec parlent le français, ce n’est pas le cas de ceux qui sont admis par le gouvernement fédéral dans le cadre du programme de réunification familiale.

Alors que l’on veut assurer la survie de la langue française dans un continent dominé par la langue de Shakespeare et contrer les effets du déclin démographique du Québec au Canada, le contrôle de l’immigration devient incontournable.

« Ça n’enlève rien au reste du Canada de dire qu’on donne au Québec des pouvoirs en matière de langue et d’immigration. Pour nous, c’est très important. Avec ce qui s’est passé depuis 2001, l’immigration est devenue au moins aussi importante que la langue. C’est pour cela qu’on propose des tests de français et de valeurs obligatoires à l’entrée avant d’avoir la citoyenneté. Ces valeurs, on les résume un peu à l’égalité hommes-femmes, la démocratie et évidemment le français », a dit M. Legault.

En matière de langue, le CAQ tient à ce que les sociétés à charte fédérale œuvrant au Québec comme les banques et les entreprises de télécommunications soient assujetties à la loi 101.

M. Legault a affirmé que des sondages internes démontrent que cette option recueille un large appui au sein de la population québécoise, loin devant « le fédéralisme de statu quo » de Philippe Couillard et la souveraineté pure et dure de Pierre Karl Péladeau. « C’est notre option qui est la plus appuyée actuellement. Mais elle n’est pas encore associée à la CAQ. Donc, on a encore du travail à faire à l’associer à la CAQ. Mais c’est gagnant de savoir que notre option est devant les deux autres. Donc, c’est possible. »

Il a soutenu que le gouvernement libéral de Justin Trudeau, qui a fait élire 40 députés au Québec au dernier scrutin, sera obligé d’écouter les demandes de la CAQ si elle réussit à rallier les nationalistes à son projet aux prochaines élections provinciales.

UN DÉBAT MOINS « POLARISÉ » EN 2018

Aux dernières élections provinciales, le débat s’est de nouveau polarisé sur la question constitutionnelle après l’entrée en scène de Pierre Karl Péladeau comme candidat péquiste. La CAQ a été largement pénalisée par cette polarisation, qui a profité au Parti libéral du Québec. Au prochain scrutin, François Legault croit que ce phénomène sera moins important et que l’on pourra débattre des enjeux touchant l’éducation et l’économie. « Ce n’est pas encore gagné, mais si je pensais que ce ne serait pas gagné, je ne serais plus là. Mais j’ai confiance qu’en 2018 on va avoir enfin une campagne électorale où ce sera : quel est le parti qui a le meilleur programme pour l’éducation et l’économie. Au Québec, les deux tiers des Québécois sont pour rester au Canada ».

VENDRE DE L’ÉLECTRICITÉ AUX PROVINCES DE L’OUEST

S’il effectue une tournée des capitales des provinces, François Legault aura un message constant : le Québec veut créer de la richesse pour ne plus recevoir des milliards de dollars en paiements de péréquation. « Je vise à long terme la péréquation zéro ». Dans les provinces de l’Ouest, il pourrait tester l’idée de vendre de l’électricité du Québec à la Saskatchewan et à l’Alberta, qui ont besoin d’énergie propre. « C’est très, très important. On peut dire du pétrole ouest/est contre de l’électricité est/ouest. On devrait aussi en vendre plus en Ontario. »

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