Témoin de l’actualité 

Quand La Presse se prenait pour Jules Verne

La Presse y est allée de quelques prédictions au fil des décennies. Très sérieuses ou carrément loufoques, ces anticipations font sourire, mais aussi réfléchir sur la façon dont notre vision du monde a évolué.

— Étienne Plamondon-Émond, Collaboration spéciale

Montréal vu par un « mage »

À quoi ressemblera Montréal dans 100 ans ? La Presse a posé la question en 1905 au « mage » Papou-Gaba Abidos et rapporté ses visions dans le numéro du 21 octobre. Selon ses dires, plusieurs choses disparaîtront : les policiers, en raison de l’adoucissement des mœurs, la glace et la neige, grâce à un système de chauffage électrique souterrain, ainsi que les tramways et les automobiles, qui laisseront la place à des aéronefs. Les journaux seront aussi en voie d’extinction, selon lui : « Les nouvelles seront enregistrées sur des cylindres phonographiques et transmises, à toute heure du jour ou de la nuit, au domicile des abonnés qui n’auront la peine que de tourner une petite clef pour en jouir le récit », a annoncé le « mage ». Prophétique !

La fin du monde

Le 13 août 1898, le journal accorde une large portion de sa une à des conférences données au carré Saint-Louis par des prêtres adventistes de passage à Montréal. Un reporter va écouter ces discours selon lesquels la guerre entre les États-Unis et l’Espagne constitue un signe avant-coureur de l’Apocalypse, comme l’avait prédit un centurion romain. « Tant de lunes après la disparition de cet officier romain viendront tant de soleils, qui s’éteindront les uns après les autres, jusqu’à ce que le dernier soit remplacé par la croix lumineuse qui annonce officiellement la fin du monde. Quelle sera l’année, quel sera le jour, quelle sera l’heure ? Personne ne le dit », pouvait-on lire dans La Presse. De quoi laisser les lecteurs sur leur faim encore un siècle plus tard.

Pédaler sous l’eau

« Après avoir fait la conquête de la terre, la bicyclette va conquérir les mers », indique un article publié dans La Presse du 24 mai 1897, illustré par un scaphandrier pédalant sous l’eau. Un certain David M. Tulloch y affirme avoir réalisé quelques essais dans les fonds marins et admet devoir encore apporter certaines modifications pour répondre aux besoins des plongeurs. « Les pédales auraient besoin d’être agrandies pour que le pied de plomb puisse s’y appuyer à l’aise », dit-il. Selon Tulloch, son invention permettrait « d’aller plus vite qu’une chaloupe ». L’invention n’a finalement pas lancé une nouvelle vague !

Le vieux rêve d’aller sur la Lune

La rubrique « Les mystères de l’univers » du 21 février 1920 rapporte la volonté de Robert H. Goddard de construire une fusée. La chronique tourne en dérision la démarche du scientifique avec une « reconstitution fantaisiste » en illustration. Elle indique que les savants « déclarent impossible » un voyage habité vers la Lune et cite l’astronome Camille Flammarion, qui ne s’imagine pas un appareil capable de contourner l’astre avant « plusieurs siècles » et même « deux ou trois mille ans ». L’être humain posera finalement le pied sur la Lune moins de 50 ans plus tard. Quant à Robert H. Goddard, il fera décoller la première fusée à carburant liquide en 1926, et il donnera son nom à l’un des centres de la NASA.

Quatre heures de travail par jour

« Dans cent ans, les hommes travailleront quatre heures par jour », estime un article publié en première page de La Presse du 23 août 1923. Il rapporte les prédictions du mathématicien et ingénieur électrique Charles P. Steinmetz. Cette transformation dans les horaires de travail sera rendue possible, selon le scientifique, par l’électricité. Celle-ci recèle aussi d’autres promesses : « des nuages de fumée ne flotteront plus au-dessus des villes et les rues seront d’une propreté parfaite », prévoit-il.

33 ans avant l’an 2000

En décembre 1967, La Presse a publié une série intitulée « Notre monde en l’an 2000 ». Elle se basait sur les travaux de la Commission américaine sur l’an 2000, créée par l’American Academy of Arts and Sciences de Boston. Les prédictions ratent souvent la cible : colonies humaines dans des villes sous-marines, exploitation minière sur la Lune, véhicules se déplaçant sur un coussin d’air, voiture avec pile atomique, etc. Mais d’autres visent juste, comme les bouleversements engendrés par les avancées biomédicales et les ordinateurs. Quant à l’utilisation de ces derniers, un article prévoit une « mémoire centrale » à laquelle « seront reliés, par téléphone ou autrement, les petits ordinateurs domestiques. Vous voudrez regarder une émission de télévision de votre choix ? Légère pression du doigt sur quelques boutons et le tour sera joué. Vous voudrez consulter tel ouvrage de bibliothèque ? Même manège et les renseignements vous apparaîtront sur un écran ».

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