Lecture

Les jeunes lisent, mais…

Les jeunes lisent plus qu’on a l’habitude de le penser. C’est l’une des conclusions possibles d’une enquête réalisée pour le compte de Scholastic, important éditeur jeunesse. Ce sondage pancanadien avance en effet que 86 % des jeunes de 6 à 17 ans « lisent actuellement ou viennent de finir un livre pour le plaisir ». Ces mêmes jeunes auraient lu en moyenne 23 livres au cours de l’année qui a précédé l’enquête.

Monique Fauteux, directrice du marketing aux Éditions Scholastic, trouve bien sûr des raisons de se réjouir dans ce sondage, qui indique en outre que la majorité des enfants aime lire pour le plaisir. « Les parents et les enfants sont très conscients de l’importance de la lecture pour développer l’imaginaire, préparer l’avenir, la réussite académique, et comme saine habitude de vie qui pourrait réduire le temps passé devant des écrans », ajoute-t-elle.

L’une des qualités de ce sondage tient précisément à son « approche positive » de la lecture, estime Olivier Dezutter, directeur du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture à l’Université de Sherbrooke. L’attention portée au rôle capital des parents dans le développement de l’intérêt pour la lecture (par la lecture à voix haute dès la petite enfance) lui semble aussi un élément très positif. Il émet toutefois plusieurs réserves quant à d’autres éléments du sondage.

Olivier Dezutter souligne d’emblée que les chercheurs savent que les gens ont tendance à surévaluer leurs pratiques culturelles, comme le nombre de livres lus. « Toutes les données sont présentées comme si elles étaient valables pour cette énorme tranche d’âge », dit-il, en faisait référence à la portion du sondage qui s’intéresse aux 6 à 17 ans. « Ça pose un problème majeur quant à la fiabilité des données. »

70 %

des 9 à 11 ans lisent actuellement un livre pour le plaisir, selon le sondage.

Les ados lisent moins

Il existe en effet un clivage entre les plus jeunes lecteurs et les adolescents, souligne le chercheur. L’intérêt pour la lecture diminue en effet vers 12 ou 13 ans, âge qui correspond à l’entrée au secondaire. Le sondage de Scholastic le souligne également. « On voit que les enfants lisent et que plus ils vieillissent, plus ils délaissent la lecture pour le plaisir », constate Monique Fauteux, qui attribue cette baisse « aux réseaux sociaux » et au fait que près d’un jeune sur deux (47 %) a du mal à trouver des livres qui l’intéressent.

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Nombre moyen de livres lus par les jeunes Québécois durant l’année qui a précédé le sondage. C’est moins qu’ailleurs au Canada.

Olivier Dezutter estime que le fait qu’un « nombre aussi élevé d’enfants prétendent aimer lire » aujourd’hui est un signe que les efforts faits pour mettre en contact les jeunes avec des livres porte des fruits. « On a beaucoup fait la promotion de la lecture et du goût pour la lecture depuis 15 ans dans les écoles et dès le plus jeune âge », souligne le chercheur.

La faute aux écrans ?

Plutôt que de s’attarder au nombre de livres lus par les enfants, il préfère souligner que ces fameux livres lus constituent une indication que la lecture est une « pratique établie » chez ces jeunes et qu’ils s’engagent dans leurs livres, qu’ils fassent 25 pages ou qu’il s’agisse d’une brique de la série Harry Potter. Il croit toutefois que d’affirmer simplement que les jeunes délaissent les livres au profit des écrans est « une fausse perspective ».

Il y a une forme de socialisation de la lecture et du livre qui passe par l’internet : les jeunes cherchent des informations, des titres à lire et partagent leurs lectures sur différentes plateformes, ce qui peut les inciter à lire davantage et notamment à lire des livres qu’ils n’auraient pas lus autrement. La baisse d’intérêt pour la lecture à l’adolescence tient davantage, selon lui, à la concurrence d’un ensemble d’activités (dont l’écoute ou la pratique de musique, le sport, etc.), pas seulement à la concurrence des écrans.

Le fait que près de 50 % des jeunes ont du mal à trouver un livre qui les intéresse lui indique cependant qu’il reste du travail à faire. « C’est une donnée importante, insiste-t-il, qui démontre la nécessité d’un accompagnement dans leurs choix de lecture. » Monique Fauteux est d’accord : « Il faudra faire un travail auprès des parents et des adultes qui sont près des enfants pour leur dire comment aller chercher les livres que les enfants aiment. »

L'enquête a été menée auprès de 1939 parents et enfants canadiens.

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