Étude

Quand le cannabis entraîne des comportements violents

Les jeunes adultes avec des troubles mentaux qui consomment du cannabis de façon régulière présentent un risque accru de manifester des comportements violents, conclut une étude de l’Institut en santé mentale de Montréal.

L’étude menée par le Dr Alexandre Dumais, psychiatre à l’Institut Philippe-Pinel, a été réalisée auprès de 1136 patients (âgés de 18 à 40 ans) qui souffrent de maladies mentales graves (schizophrénie, trouble bipolaire et dépression majeure). Environ 40 % d’entre eux avaient consommé du cannabis au cours de la dernière année. Autre détail important : ils venaient d’obtenir leur congé d’un hôpital psychiatrique.

Le Dr Dumais convient qu’à leur sortie d’hôpital, les jeunes patients sont plus fragiles, qu’ils consomment ou non du cannabis.

« C’est sûr que c’est une période névralgique, nous dit-il. Ce qu’on constate, c’est que ces comportements s’estompent avec le temps grâce à une meilleure adhésion au traitement et à un meilleur soutien de leur entourage. Mais ceux qui sont violents (on parle de vols, voies de fait, agressions, etc.) sont plus nombreux à consommer du cannabis. On parle d’un risque accru de 144 %. »

Est-ce que les résultats seraient différents si les patients interrogés ne venaient pas d’être hospitalisés ? « Je ne suis pas certain que ça changerait énormément, répond prudemment le Dr Alexandre Dumais. Mais il faudrait le mesurer. »

Une clientèle à risque

D’autres études ont fait des liens entre la consommation de cannabis et la manifestation de comportements violents, mais celle du Dr Dumais, publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry, se distingue par le fait que ces patients ont des troubles mentaux et qu’ils consomment du cannabis « de façon durable dans le temps ». Chaque fois qu’ils ont été rencontrés, ils ont avoué en avoir pris.

« Toutes les 10 semaines [pendant un an], on a demandé aux gens s’ils avaient consommé du cannabis ou non. On ne sait pas combien de fois ils en ont consommé. On n’a pas mesuré la quantité – c’est la faiblesse de notre étude, avoue-t-il –, mais en même temps, ça nous indique aussi qu’on ne parle pas nécessairement de gens qui ont une dépendance au cannabis. »

Ne serait-ce pas tout de même intéressant de savoir les quantités de cannabis consommées ? « Oui, répond le Dr Dumais, on vient de déposer une demande de subventions pour approfondir cet aspect. C’est sûr que ça pourrait nous permettre de savoir s’il y a une zone sécuritaire de consommation. Est-ce qu’une personne qui consomme une fois tous les deux mois est hors risque d’avoir un comportement violent ? On voudrait répondre à cette question. »

La poule ou l'œuf ?

Est-ce que la consommation de cannabis a lieu après un comportement violent ou avant ? Des études ont déjà démontré que la consommation d’alcool, par exemple, suivait des comportements violents. Mais le Dr Dumais est catégorique : les résultats de son étude indiquent que la consommation de cannabis précède la violence. Et qu’un comportement violent n’engendre pas une consommation accrue de cannabis.

Autre conclusion intéressante : l’association entre la consommation de cannabis et la violence est plus forte qu’avec l’alcool ou la cocaïne.

« Ça nous a beaucoup surpris, admet le Dr Dumais. Surtout pour la cocaïne. Notre hypothèse, c’est que peu de gens en consomment. Comme on parle d’une clientèle moins fortunée, on peut présumer qu’ils n’ont peut-être pas les moyens de se payer cette drogue-là. Dans le cas de l’alcool, il pouvait y avoir un risque accru, mais on n’a pas pu faire de lien entre les deux. »

Le Dr Dumais croit que d’autres études pourraient s’intéresser, par exemple, aux jeunes adultes qui ont un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), pour voir si, dans ces cas – moins graves –, il y a un lien à faire entre la consommation de cannabis et les comportements violents.

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