Soccer Impact

Frank Klopas aurait-il pu faire mieux ?

Les moments de réjouissance ont été rares pour l’Impact de Frank Klopas, en 2014. Sous sa gouverne, le club s’est certes qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des champions, mais a aussi connu un important recul en saison. S’il a hérité d’un groupe qui était déjà en perte de vitesse depuis l’été 2013, a-t-il fait tous les ajustements nécessaires pour le relancer ?

ÉVALUATEURS

Patrick Leduc, ancien joueur de l’Impact et analyste pour La Presse et RDS

Pat Raimondo, entraîneur de l’équipe masculine des Carabins de l’Université de Montréal et détenteur d’une licence UEFA de niveau A

Christian Schaekels, ancien joueur, concepteur de l’outil statistique visiondujeu.com et analyste pour diverses chaînes de télévision

LE RESPECT DES PROMESSES

Les performances de Justin Mapp, Andres Romero ou Dilly Duka ont permis à Klopas d’améliorer le jeu sur les ailes, l’un de ses objectifs initiaux. Par contre, le chantier de la défense n’a pas abouti au même résultat. Avant le match de cet après-midi, l’Impact a encaissé huit buts de plus qu’en 2013. « Je pense qu’on a vu assez vite que la ligne défensive n’était pas à la hauteur, surtout au début de la saison », souligne Leduc, en ajoutant que le club a mis beaucoup de temps avant de réagir. « En début d’année, il y avait deux joueurs qui revenaient de blessure, Adrian Lopez et Heath Pearce, un autre qui était toujours blessé, Nelson Rivas, et un dernier qui vieillit, Matteo Ferrari. Il y avait beaucoup d’incertitudes. » Parmi les acquisitions défensives, Futty Danso a peu joué, Gege Soriola s’est rapidement blessé et Krzysztof Król a été un échec.

Il serait toutefois grandement réducteur d’accabler uniquement le quatuor défensif. « Les deux gardiens de but n’ont pas été au niveau, et il y a eu trop d’instabilité chez les arrières centraux, ajoute Raimondo. Vu de l’extérieur, on constatait aussi que le milieu défensif acceptait plus ou moins son rôle. Cela ne semblait pas clair, ce qui était attendu d’eux. »

Si Klopas n’a pas fait la promesse d’améliorer l’éternel faible bilan montréalais sur coups de pied arrêtés offensifs, il pouvait se baser sur le Fire de Chicago, version 2013, qui avait inscrit 18 buts dans ces conditions. Pour l’Impact, c’est plutôt un incroyable zéro pointé… « C’est une faute professionnelle grave. Il doit y avoir une responsabilité, quelque part, qui n’est pas assumée, tranche Schaekels, en rappelant qu’en MLS, plus de 30 % des buts sont marqués sur les phases arrêtées. Tu ne vas pas me dire que tu ne peux pas faire une combinaison, jouer un corner en deux temps ou mettre des joueurs qui font un écran, en première zone, afin d’ouvrir la deuxième zone. »

LA GESTION DE L’EFFECTIF

En amorçant le camp d’entraînement, Klopas a hérité d’un groupe marqué par la débâcle de l’automne 2013 et auquel ont été amputés plusieurs éléments expérimentés. Pour ne rien arranger, Andrew Wenger n’a pas profité de la suspension de Marco Di Vaio pour sortir de sa torpeur. L’Italien a lui-même mis quelques mois avant de trouver son rythme de croisière. « Dans les circonstances, il a quand même fait un bon travail. C’est le troisième entraîneur en trois ans, et il n’y a pas d’identité fixe d’une année à l’autre, estime Raimondo. Ce n’était pas ses joueurs, ce n’était pas son staff, et il devait gérer tout ça et essayer d’avoir des résultats en même temps. » 

« Vers la fin de l’année, l’équipe commençait déjà à refléter sa personnalité. Il a mis les choses en place pour avoir du succès en 2015. »

— Pat Raimondo

L’arrivée de Nacho Piatti y a été pour beaucoup, notamment dans l’efficacité des contre-attaques et dans sa relation avec Di Vaio. Parmi les autres transactions estampillées du sceau Klopas, l’arrivée de Duka restera un bon coup de la saison. « Duka est un bon joueur, mais est-ce vraiment là où l’Impact avait besoin de se renforcer ?, tempère Leduc. L’Impact est aussi allé chercher Issey Nakajima-Farran, qui ne joue presque pas et qui se retrouve en forte concurrence. Il y a des surplus dans certains secteurs, alors que la défense a beaucoup de lacunes. » À noter que Klopas a énormément jonglé avec sa liste de 18 joueurs d’un match à l’autre. Les titulaires d’un samedi se sont plusieurs fois morfondus dans les tribunes le week-end suivant.

LA GESTION DES MATCHS

Chiffres à l’appui, Schaekels donne l’ampleur de la fragilité montréalaise en cours de match. En saison, l’Impact a ouvert la marque à 16 reprises, mais n’a gagné que 6 matchs. Il n’a aussi récolté que deux matchs nuls quand il a accordé le premier but du match. « Psychologiquement, le message ne passe pas, puisque les joueurs savent qu’ils ne remonteront pas s’ils encaissent le premier but. Même en menant à la mi-temps, il n’a que 50 % de victoires », poursuit-il.

Les changements, en cours de match, ont aussi suscité leur part de débats sur les réseaux sociaux et les forums. Son approche, qui est trop souvent constituée de remplacements poste pour poste, a été jugée frileuse et trop défensive. Le match contre les Red Bulls de New York, en Ligue des champions, a atteint des niveaux de grogne inégalés alors que Piatti et Di Vaio étaient sortis malgré l’importance, sur le moment, d’un deuxième but. 

« On ne connaît pas tout, sur le terrain, mais on se demande s’il est trop pessimiste ou s’il ne voit pas bien le match. »

— Patrick Leduc

« J’ai l’impression qu’il est un petit peu fataliste, lance Leduc. Il gère son match, et si ça ne marche pas, il va dire à ses patrons : “Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec les joueurs que j’ai ?” Parfois, il a l’air un peu découragé. »

LA CONFIANCE AUX JEUNES

Contrairement à Marco Schällibaum, Klopas a tenu sa promesse quant à l’utilisation des jeunes joueurs. Jamais les Karl W. Ouimette, Maxim Tissot ou Wandrille Lefèvre n’avaient eu autant de temps de jeu, même si ce dernier est le seul à avoir dépassé le cap des 1000 minutes jouées. Les autres Académiciens de l’Impact ont, quant à eux, été très peu utilisés.

« C’est l’une des choses qu’il fait bien. Mais est-ce qu’il voit réellement un potentiel ou est-ce parce qu’il n’a pas d’autres options ?, se questionne Leduc. On peut se poser la question même s’il a lancé Jérémy Gagnon-Laparé, Anthony Jackson-Hamel et les autres. Cela ne peut qu’être de bon augure pour le futur. »

À ce chapitre, l’année 2015 permettra à cette cohorte d’accumuler les situations de match. « La meilleure façon de donner confiance aux jeunes est de donner des minutes aux jeunes. Ils n’ont pas beaucoup joué, en temps réel, estime Raimondo. Mais avec la deuxième équipe, en USL Pro, cela va être très bon pour l’Impact et pour les jeunes eux-mêmes. »

LES CHANGEMENTS POUR 2015

L’immobilisme de l’hiver 2014 laissera sa place à une saison morte chargée, au cours de laquelle l’Impact devra colmater de nombreuses brèches. C’est bien simple, chaque secteur de jeu a besoin d’un remodelage, même si le trident offensif, derrière la pointe, a apporté de belles garanties. « Klopas doit continuer à s’entourer des joueurs et d’un staff avec lesquels il est confortable. Au niveau du recrutement, ils doivent chercher un joueur décisif par ligne : un défenseur central, un autre milieu de terrain pour épauler Piatti et un attaquant de pointe. Il doit aussi mettre la pression sur ses gardiens », détaille Raimondo, qui voit Klopas se concentrer dans un rôle de directeur sportif d’ici deux ans. 

La fameuse identité de l’Impact est aussi un débat sans fin tant le terme semble être lancé sans que les principaux intéressés n’aient de description à fournir. « L’Impact devrait être une équipe travaillante avec beaucoup de guerriers et qui fait mal sur les contre-attaques », résume Raimondo, en faisant écho aux propos de Schaekels. « Si on observe les qualités qu’il y avait avec les prédécesseurs de Klopas, on voit que l’Impact a été très fort quand il y avait un travail défensif conséquent, en 4-1-4-1, avec Patrice Bernier entre les lignes. Ils étaient très solides, ils marquaient un but en passant par l’axe, en contre-attaque, puis ils parvenaient à tenir le résultat. La culture de l’Impact est le travail défensif et un jeu rapide par l’axe. » Par extension, l’Impact doit évoluer avec un bloc très bas – pour mieux piéger l’adversaire dans son dos – et régler ses problèmes contre les attaques accélérées de ses adversaires.

Finalement, en matière de communication, Klopas est resté extrêmement secret avec les médias tout au long de la saison. Qu’en serait-il dans le vestiaire ? « Quand il parle, c’est toujours une cassette, alors que Jesse Marsch dévoilait une partie de son jeu et Marco Schällibaum était transparent, rappelle Leduc. La plupart des joueurs le respectent parce qu’il travaille beaucoup, mais je ne les sens pas particulièrement inspirés par ce qu’il propose. Ils ne semblent pas tous unis afin de s’assurer que l’Impact va devenir une équipe championne. Ils n’ont pas tous l’air de faire partie d’un projet collectif. »

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