Festival Heavy Montréal

Maman métal

MÉLANIE MONGEON

Quand elle est montée sur scène vêtue d’une longue jupe noire et d’un t-shirt ajusté, Mélanie Mongeon ne pouvait pas camoufler son ventre saillant et rebondi. La menue chanteuse du groupe Fuck the Facts en était à son sixième mois de grossesse et était bien décidée à offrir une dernière prestation avant de devenir maman.

Le concert, présenté en 2010 au Roxy Theater de West Hollywood et diffusé sur le web, a énormément fait jaser. Surtout parce que la Québécoise hurle des chansons qui sont à l’opposé des douces berceuses enfantines. Son groupe, Fuck the Facts, fait du grind core, une musique métal avec influences hard core et punk. Une musique agressive, mais intelligente, selon les critiques. Son plus récent album, Die Miserable, lui a d’ailleurs valu une nomination aux prix Juno en 2012.

« J’ai tellement entendu parler de ce show ! J’ai appris que j’étais enceinte alors que nous étions en tournée, j’ai décidé de continuer. Les gars ont été patients, on devait arrêter le van toutes les heures pour que j’aille aux toilettes. Au début, j’étais très fatiguée, mais je n’ai jamais eu un aussi bon contrôle de ma voix qu’à ce moment. »

Et le bébé ? Plusieurs ont questionné son choix d’exposer le poupon à naître à une musique aussi agressive. Sa fille, aujourd’hui âgée de 3 ans et demi, adore la musique. « Elle écoute parfois du métal, mais ce n’est pas son choix, elle préfère Ari Cui Cui ou Shilvi », lance Mélanie en rigolant.

LA FILLE D’À CÔTÉ

Elle-même avoue écouter peu de métal. « J’aime l’énergie et l’intensité qui s’en dégagent, mais ça n’a pas besoin d’être un mode de vie unique. Ça se marie bien avec le reste. » L’album qui joue présentement en boucle sur son iPod ? Climax, de Beastmilk, un groupe (post-punk apocalyptique) de Finlande. Elle trouve « géniale » Emily Haines en solo. Les tubes pop bonbon ? Très peu pour elle. « Moi, c’est ce qui m’agresse. »

« J’aime la musique triste, sombre, j’aime me faire bercer. »

C’est un peu un hasard si Mélanie a abouti derrière un micro de métal. Adolescente sur la Rive-Sud, elle écoutait beaucoup de musique. Surtout du punk et du punk rock. « Je collectionnais les spectacles. Un ami qui savait que j’étais accro à la musique m’a proposé de l’accompagner à une pratique et j’ai “screamé” au micro. » Ç’a été la piqûre. Et ça dure depuis 15 ans.

« Je ne me suis jamais demandé si c’était pour moi, c’est une forme d’art qui m’a tout de suite intéressée », confie-t-elle. Pendant longtemps, néanmoins, elle n’osait pas dire qu’elle chantait du métal. « J’avais peur qu’on me juge. L’étiquette “sex, drugs & rock’n’roll” a longtemps été associée à la musique, ce qui n’est plus nécessairement vrai de nos jours. Et le métal est beaucoup moins marginal aujourd’hui. Moi, je me considère banale, la fille d’à côté. »

Sur scène, elle se démarque par une voix très puissante, un style énergique. « J’y vais spontanément, j’aime pouvoir prendre le pouls des gens qui sont dans la salle. Je me donne amplement sans penser à ce que je peux avoir l’air, sans craindre d’avoir l’air complètement folle ! » Elle admet être plus à l’aise sur scène avec l’expérience. Avec les années, sa voix s’est aussi améliorée et elle a appris à en respecter les limites.

MAMAN SUR LA ROUTE

À 35 ans, la Québécoise, qui réside maintenant en Outaouais, est toujours aussi passionnée de métal. « Parce que je suis avec un groupe créatif, qui se renouvelle sans cesse, qui n’a pas peur d’expérimenter. Je ne vois pas le temps passer. » Sauf en tournée. « Depuis que je suis maman, je trouve ça long parfois », admet-elle.

Avec Fuck the Facts, elle participe à une soixantaine de concerts par an. Les tournées durent de trois à cinq semaines. Son conjoint est aussi membre du groupe. « Pour arriver à marier emploi, musique, tournées et famille, il faut des patrons ouverts et surtout une grand-maman très présente, dit-elle. C’est un équilibre très fragile, et il faut être alerte pour garder sa bonne humeur là-dedans. L’important est de passer le plus de temps possible avec notre fille, qui n’a pas à payer pour nos choix. »

Question de faire plus de place à la vie familiale, Mélanie a donc cessé de faire le design des pochettes et t-shirts du groupe. Elle délègue de plus en plus. 

« Dans le groupe, nous sommes des personnes acharnées, de façon quasi stupide. On y croit et on travaille énormément. » 

Elle reste impliquée dans le processus créatif et écrit la plupart des textes. « Nos chansons portent sur des réflexions à caractère social ou sont inspirées de situations personnelles, de l’expérience humaine. On ne parle pas de décapitation. Je ne serais pas à l’aise d’écrire et de chanter des textes de violence. »

Elle est particulièrement fière du mini-album Amer, composé entièrement en français et lancé en juin 2013. « Je traîne toujours un calepin en tournée pour noter mes inspirations, et les idées me sont venues en français. J’ai adoré jouer avec les mots, chercher les termes justes. » Ça a donné sept chansons très bien accueillies par les fans.

Un album est actuellement en production, et une tournée suivra de toute évidence. « On se promène beaucoup en Europe, aux États-Unis. On s’est rendus au Mexique récemment. Toujours dans de petites salles. C’est ce qui fait le charme du métal. Tu as toujours l’impression d’être chez toi. » Ou presque.

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