Éditorial : Vérificateur général

Du bon usage de la pression

Question : Qu’est-ce qui s’est amélioré à Ottawa depuis cinq ans ?

Réponse : Le français du vérificateur général du Canada. Pour les services publics, par contre, il faudra repasser.

« C’est une occasion pour moi […] de dire le message d’une autre façon afin de mettre la pression sur le gouvernement », a expliqué le vérificateur général (VG) en point de presse mardi.

Michael Ferguson vient de terminer la première moitié de son mandat de 10 ans. Il en a profité pour marquer le coup.

Plus que les problèmes constatés, c’est leur persistance qui frappe.

« Nous voyons des programmes gouvernementaux qui ne sont pas conçus pour aider les personnes qui y ont recours, des programmes où l’accent est sur ce que font les fonctionnaires et non sur les services livrés aux citoyens. […] Pour les citoyens, ces problèmes récurrents sont la source d’une frustration croissante », a-t-il déclaré en présentant son rapport mardi.

Dans le langage mesuré d’un VG, c’est l’équivalent d’un coup de poing sur la table. Avec raison :

• Les problèmes de recrutement constatés dans les Forces armées sont les mêmes qu’en 2002 et 2006. Et l’entretien des avions Hercules, qui ne devait pas être plus onéreux que celui des appareils précédents, coûte 7000 $ de plus par heure de vol.

• Le plan au ministère des Affaires autochtones en 2007 pour accélérer le règlement des revendications est un pétard mouillé : les revendications réglées depuis sont à peine plus nombreuses que les dossiers fermés sans règlement.

• Vous contestez un avis de cotisation de l’Agence du revenu ? Attendez-vous à attendre : six mois à deux ans et demi en moyenne, selon la complexité du cas. La pile de dossiers non réglés avait baissé, mais elle menace de remonter.

Ce ne sont que quelques exemples. Non seulement les enjeux n’ont rien de nouveau, mais des problèmes se sont aggravés, souligne le VG. Tout le contraire de son français qui, lui, s’est passablement amélioré.

L’unilinguisme de Michael Ferguson, on s’en souvient, avait fait scandale lors de sa nomination.

Interrogé par le Comité permanent des comptes publics, il s’était exprimé presque uniquement en anglais, relisant des passages de l’allocution qu’il venait de prononcer pour fournir un bout de réponse en français. Il avait toutefois promis d’y travailler pour « atteindre un niveau suffisant ».

Résultat ? On n’est pas encore chez Molière, mais en conférence de presse cette semaine, le contraste était frappant. Les réponses, à défaut d’être formulées parfaitement, venaient spontanément et avec assurance.

Ça ne change rien à notre position : la maîtrise des deux langues officielles est un préalable pour quiconque aspire aux plus hautes fonctions fédérales, nous l’avons maintes fois souligné. Le parcours de Michael Ferguson montre cependant que l’amélioration est possible dans la fonction publique fédérale. Comment ? Il suit des cours, participe à des réunions et écoute la radio en français. Et, sans diminuer son mérite, il faut dire qu’il n’avait pas le choix : la pression était énorme.

C’est un peu ce que vient de faire le VG en mettant son poing sur la table un an seulement après l’arrivée du gouvernement : mettre de la pression dès le début, pour qu’il n’ait pas le choix d’améliorer la situation. On peut blâmer les fonctionnaires tant qu’on veut, mais si les ministres ne leur donnent pas des objectifs clairs, ainsi que les ressources et les incitatifs pour les atteindre, ça ne sera pas mieux dans cinq ans.

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