projet lab-école

« L’école doit redevenir le cœur de la communauté »

Le budget Leitão a révélé cette semaine le projet Lab-École plus rapidement que ne l’auraient souhaité ses trois instigateurs, Ricardo Larrivée, Pierre Lavoie et Pierre Thibault. Le but de ce trio bigarré : sortir l’école québécoise de sa boîte, rêver, faire mieux et durable. Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a rencontré La Presse hier matin, en compagnie de Pierre Thibault. Ricardo Larrivée, en tournage, s’est joint à la conversation par téléphone. Manquait Pierre Lavoie, à l’extérieur du pays. Leurs explications sur le projet, à partir de quelques mots-clés.

Prototypes

L’équipe va faire le tour de la province et recenser des villes et villages pour implanter des lieux où construire des prototypes. Le mot-clé : diversité. On veut construire de nouveaux bâtiments, mais aussi travailler avec du patrimoine bâti, peut-être même de mauvais exemples d’écoles existantes, pour voir comment les transformer. Le projet s’intéresse surtout aux écoles primaires, mais il y aura aussi des écoles secondaires. 

« On ne veut pas changer la vocation. La vocation, c’est d’apprendre. On veut apprendre mieux et apprendre plus. »

— Sébastien Proulx, ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport

Cœur

« On veut que les écoles deviennent les plus beaux bâtiments du quartier et des foyers communautaires », dit l’architecte Pierre Thibault, qui imagine des cours de yoga le week-end dans le gymnase, des potagers sur les toits et une bibliothèque ouverte le soir, où les élèves pourraient revenir avec leurs parents. « L’école doit redevenir le cœur de la communauté, ajoute le ministre Proulx. Je ne peux pas concevoir que, dans certains milieux, on construise des écoles neuves et à côté, on construit aussi une bibliothèque et un centre sportif. »

Dix

Dans un premier temps, Lab-École sera réfléchi en 10 chantiers précis. Par exemple, l’architecture et l’alimentation, mais aussi le développement durable.

Concertation

Les syndicats d’enseignants ont vivement réagi au lendemain de cette annonce. Le projet, dans sa première phase, bénéficie d’un budget de 1,5 million, de l’argent qui serait mieux investi immédiatement dans le système scolaire, disent certains, plutôt que pour un projet mené par trois personnalités qui viennent de l’extérieur du milieu. « Pour chacun des projets, il y aura un comité composé de parents, d’enseignants et de représentants de la communauté et de la municipalité, explique Pierre Thibault. Ils vont être consultés du début à la fin. »

Inspiration

Quelques bons exemples internationaux repérés par L’Atelier Pierre Thibault.

Urbanisme

Les municipalités joueront un rôle-clé, car la réflexion du laboratoire va sortir de la cour d’école qui, par ailleurs, sera libérée à jamais de sa clôture Frost. « Les enfants qui marchent pour aller à l’école arrivent dans un meilleur état d’esprit, leur cerveau est oxygéné et ils ont une meilleure capacité de concentration », dit Pierre Thibault. Selon lui, il faut même penser à un réseau cyclable qui se rend jusqu’à l’école.

Déjeuner

Les élèves prennent couramment deux repas à l’école. Et si on les faisait cuisiner un peu, eux qui n’ont plus de cours d’économie familiale ? « Ils vont se faire à déjeuner, comme à la maison, tranche Ricardo Larrivée. Le pain va être là, le beurre d’arachides, les céréales. Ils vont préparer leur déjeuner. On va leur enseigner ce qui est bon pour la santé, et lorsqu’ils iront en classe, ils auront eu 20 minutes de cours sur l’alimentation du petit-déjeuner. »

Repas

Les repas à l’école sont pris en vitesse, alors que c’est un moment qu’on doit savourer, déplore Ricardo Larrivée. L’école doit enseigner ça. « Les repas sont des moments privilégiés dans la vie, que ce soit à la maison ou à l’école, insiste le chef. On dit que ce n’est pas à l’école d’enseigner ça, que c’est à la famille de le faire. On est rendu à une autre étape. […] Dans certains milieux scolaires, l’école va favoriser le transfert de connaissances. Dans d’autres milieux, ce sont les parents qui vont pousser l’école à aller plus loin. » 

Différence

On ne fait pas une école à Gaspé comme dans Hochelaga-Maisonneuve, annonce déjà l’architecte Pierre Thibault. Et on ne mangera pas la même chose à la cafétéria non plus. « Les menus doivent être adaptés à la région, dit Ricardo Larrivée. On doit travailler sur la fierté régionale. Ma famille vient de Cap-Chat. La façon dont on mangeait ne correspond pas à ce qui se fait Montréal ou au Lac-Saint-Jean. »

Que faire avec les cafétérias scolaires qui sont tenues par des multinationales ? 

« M’asseoir à une table avec une multinationale, ça va me faire plaisir, répond avec aplomb Ricardo. On va trouver une solution. »

« Nous ne sommes pas là pour investir des champs de compétence qui ne sont pas les nôtres. Nous voulons toucher la qualité de vie des professeurs et des enfants qui sont dans l’école. »

— Ricardo Larrivée

Budget

Combien pour ces écoles parfaites ?

Réponse de l’architecte

« C’est sûr que ça va coûter plus cher, ce qu’on fait. […] Mais la différence sera peut-être si minime que ça ne vaut pas la peine de s’en passer comme société. C’est pour ça qu’on doit faire des projets-pilotes. [...] C’est ce qui est intéressant quand on regarde ce qui se fait à l’étranger. Peut-être que l’école coûte 15 % plus cher, mais elle est utilisée 50 % de plus par l’ensemble de la communauté. »

Réponse du ministre 

« On peut déjà faire mieux avec le même dollar investi. [...] Si on veut faire ce à quoi on rêve, ça pourrait coûter plus cher. On a déjà des ressources pour construire différemment. Si on veut de très belles écoles innovantes et adaptées aux nouvelles réalités, on fera des choix en fonction de ce qu’on aura comme projet. Si on veut offrir ce qu’il y a de mieux à nos enfants, on y mettra les dollars qu’il faudra, en fonction de notre capacité de payer. »

Léon 

Le papa du petit Léon, 2 ans et demi, se demande si son fils pourra un jour mettre les pieds dans une école née de ce laboratoire. « On n’aura pas construit ou rénové toutes les écoles du Québec, répond Sébastien Proulx. Mais quand Léon sera dans ses années primaires, il y aura des écoles inspirées de Lab-École. »

Comment est né Lab-École ? 

À son passage à l’émission Tout le monde en parle, l’architecte Pierre Thibault a confié son rêve de faire des écoles au Québec. Il a été contacté par Pierre Lavoie, le père des cubes énergie et du Grand défi Pierre Lavoie, afin de jeter les bases de Lab-École. Ils ont joint Ricardo Larrivée pour assurer le volet alimentation, et c’est en commun qu’ils ont approché le ministre de l’Éducation. « Leur démarche est exceptionnelle, intéressante, enrichissante, mais elle ne se fera pas seule. Les gens qui travaillent dans les écoles sont aussi interpellés et impliqués », précise Sébastien Proulx, qui donne carte blanche au Lab-École dans sa première étape. Les détails du projet, et l’équipe complète, seront dévoilés dans une conférence de presse prévue en mai. Les trois porte-étendards ne recevront aucune rémunération directe pour leur travail.

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