Opinion En route vers les élections

Pour l’amour d’Éva

Ma petite-fille madelinienne est en ville et découvre avec fascination les balançoires, les écureuils, les jeux d’enfants dans ma ruelle verte, les camions de pompier. On est loin des dunes et du vent des Îles merveilleuses, mais après tout : sous les pavés, la plage !

À 18 mois, la vie peut être simple. Cette enfant si aimée est confiante, sociable, rieuse. Et moi, je me nourris de son bonheur. Mais je m’inquiète aussi.

Vous connaissez la phrase classique de beaucoup de politiciens : nous faisons cela pour nos enfants et nos petits-enfants. Les libéraux en ont parlé abondamment lorsqu’ils appliquaient leurs mesures d’austérité qui ont dévasté les systèmes d’éducation et de santé. Il fallait agir tout de suite pour ne pas augmenter la dette des générations futures.

Mais jamais ce gouvernement n’a parlé de dette environnementale. Je m’en inquiète beaucoup !

L’environnement, voilà un enjeu primordial du XXIe siècle. Les mauvaises nouvelles se multiplient à l’échelle de la planète : océans imbibés de matériaux plastiques avec des impacts désastreux sur la flore et les poissons, réchauffement de la planète aux conséquences incalculables, multiplication de catastrophes qui n’ont plus rien de naturel, maladies liées à des environnements malsains, terres agricoles vendues à des multinationales pour spéculer sur leur valeur… la liste est interminable et déprimante.

Pourtant l’immense majorité des gouvernements détournent le regard, trop occupés qu’ils sont à discuter de croissance économique avec leurs amis multimillionnaires de l’industrie et de la finance. Vous me direz : il y a tout de même l’accord de Paris sur le climat. Vrai. Mais qu’est-ce qui a vraiment changé depuis ?

Chez nous, on commence à prendre les écologistes au sérieux. Un sondage publié dans La Presse+ du 27 mai nous indique qu’un Québec vert inspire de nombreuses personnes, que 85 % des répondants font confiance aux scientifiques et 61 % aux groupes environnementaux, loin devant les médias sociaux (31 %) et les politiciens (18 %).

Lutter contre les changements climatiques

Cela devrait inciter la classe politique à se questionner. Mais surtout à écouter les organismes écologistes regroupés dans Vire au vert et à proposer d’ici au 1er octobre prochain une vision globale d’un Québec qui donne la priorité à la lutte contre les changements climatiques par un aménagement du territoire traversé de transports collectifs.

On doit parler de terres agricoles et de fermes familiales, d’énergies vertes, de cours d’eau. Je demande aux partis politiques d’être courageux. 

Le Québec vaut mieux que des propositions électoralistes qui ne dérangent pas trop nos habitudes. Ici même, l’heure est grave sur le plan de l’environnement.

On a – encore – des terres agricoles et des fermes familiales, l’agriculture biologique gagne un peu de terrain, des jeunes entrepreneurs proposent des produits écologiques et socialement responsables. On parle enfin de transports collectifs, on consent à protéger certaines espèces menacées.

Bravo ! Mais comme on est loin d’une vision ambitieuse et cohérente pour le Québec de nos enfants ! Des exemples ? On recycle, mais on ne sait plus quoi faire avec des milliers de tonnes de verre inutilisé ; on hésite à obliger la SAQ à reprendre nos bouteilles de vin en consigne. 

Des partis politiques présentent des projets structurants de transports collectifs, mais entendent prolonger l’autoroute 19 et ouvrir un troisième lien entre Québec et Lévis, au mépris des recherches démontrant que l’ajout de ponts et d’autoroutes ne fait que provoquer de nouvelles congestions.

Au Québec, 70 % des investissements du ministère des Transports vont aux routes et 30 % aux transports collectifs ; c’est le contraire en Ontario !

Bon an, mal an, des compagnies à numéro achètent des terres agricoles et les jeunes ont toutes les misères du monde à acheter une ferme. Autour des grandes villes, les promoteurs immobiliers et même les gouvernements s’acharnent sur le maigre 2 % de bonnes terres disponibles au Québec.

Plusieurs partis hésitent à s’attaquer résolument à l’étalement urbain alors que l’avenir est dans la densification des territoires déjà bâtis et dans le développement de services et commerces à proximité des gens. Mes concitoyens des banlieues ont droit à mieux que la multiplication d’autoroutes et de mégacentres commerciaux autour de chez eux. Pourquoi ne pas leur offrir des milieux de vie, des écoles à proximité de la maison, des transports collectifs variés, fiables, confortables ?

Bref, je plaide pour du courage et de la détermination chez nos politiciens. Il en faudra, car les habitudes de la population, les miennes et les vôtres, sont difficiles à changer. Mais pour les petites Éva, Myriam et Nathalie, pour les petits Léo, Jose et Tommy, nos choix actuels sont cruciaux. Le temps presse, c’est maintenant qu’il faut agir pour que demain soit viable, tout simplement.

* Ex-députée de Québec solidaire de 2012 à 2017, Françoise David a été présidente de la Fédération des femmes du Québec.

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