Des milliards de soleils
Quel rôle jouent les trous noirs ? C’est la question que se pose depuis son doctorat Julie Hlavacek-Larrondo, astrophysicienne de l’Université de Montréal. À la mi-février, grâce au télescope spatial Chandra, elle a montré que les plus gros trous noirs de l’Univers grossissaient plus rapidement que leur galaxie, contrairement à ce qu’on croyait jusqu’à maintenant.
Puissance destructrice
L’objectif de Julie Hlavacek-Larrondo était de trouver les plus gros des « trous noirs supermassifs » pour en étudier les propriétés. « On avait un échantillon de dizaines de trous noirs, dans des galaxies très vieilles et très grandes. Au centre de ces galaxies, il y a toujours un trou noir. Logiquement, ce devait être les plus gros de l’univers. Ce qui nous a surpris, c’est leur masse : 10 fois plus grande que ce à quoi on s’attendait. Ce sont des titans parmi les géants. » Ces trous noirs « ultramassifs » ont grossi plus vite que leur galaxie. « On pensait qu’il y avait une corrélation entre l’âge et la taille d’une galaxie et la masse de son trou noir. Visiblement, quelque chose aide ces trous noirs à grandir plus vite que leur galaxie. » Environ 40 % des trous noirs étudiés avaient une masse supérieure à 10 milliards de fois celle de notre Soleil. L’étude de l’astrophysicienne montréalaise, qui a travaillé avec une étudiante au postdoctorat d’origine espagnole ainsi qu’avec des astrophysiciens ontariens et britanniques, a été publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Trous noirs
Les trous noirs sont des corps célestes si massifs que leur gravité phénoménale empêche la lumière de s’en échapper. C’est pour cette raison qu’ils sont noirs. « Si notre Soleil devenait un trou noir, il se condenserait dans un diamètre d’à peu près trois kilomètres », dit Julie Hlavacek-Larrondo, qui s’intéresse aux trous noirs depuis un projet d’Expo-Sciences en cinquième secondaire. Juste à l’extérieur de l’« horizon » d’un trou noir, la limite en deçà de laquelle la lumière est emprisonnée, la matière tourne très vite, presque à la vitesse de la lumière. Cette vitesse augmente la chaleur de la matière, qui émet alors des rayons X, ce qui permet l’utilisation de télescopes à rayons X pour détecter les trous noirs.
En chiffres
4 millions de fois la masse du Soleil
Masse du trou noir Sagittaire A, situé au centre de la Voie lactée et découvert en 1974 à 26 000 années-lumière de la Terre
66 fois le rayon du Soleil
Rayon du trou noir Sagittaire A
10 à 100 milliards de fois la masse du Soleil
Masse du trou noir le plus massif observé par Julie Hlavacek-Larrondo
100 fois la masse de la Voie lactée
Masse des galaxies les plus vieilles de l’univers, qui ont en leur centre des trous noirs ultramassifs
Sources : NASA, Université de Montréal
Jets
L’un des grands mystères des trous noirs est leur tendance à émettre de gigantesques et mystérieux jets de « matière extrêmement énergétique ». « On ne sait pas exactement d’où ces jets partent, dit l’astrophysicienne montréalaise. C’est très proche de l’horizon du trou noir. On pense que c’est peut-être lié au disque d’accrétion, la matière qui tourne très vite autour du trou noir. Ces jets sont tellement puissants qu’ils peuvent détruire la galaxie qui entoure le trou noir. Ils vont très vite : ils peuvent sortir de leur galaxie en quelques millions d’années. C’est pour ça qu’on vise les plus gros trous noirs, pour trouver combien d’énergie ils peuvent injecter dans leur système et comment ils en modifient les propriétés. » Même s’ils sont un milliard de fois plus petits que leur galaxie, les trous noirs ultramassifs décrits dans l’étude peuvent émettre des jets de la taille de cette galaxie.
Chandra et James Webb
La prochaine étape des recherches de Mme Hlavacek-Larrondo est d’utiliser des données toutes fraîches du télescope spatial Hubble pour mesurer plus exactement la masse du plus gros des trous noirs ultramassifs qu’elle a détectés. « On pense qu’il a une masse de 1000 milliards de Soleils. » Le télescope spatial James Webb, qui doit être lancé l’an prochain, permettra quant à lui de mieux étudier les trous noirs les plus éloignés de nous, dans les premières galaxies qui se sont formées dans l’univers. Le télescope spatial Chandra, lui, a été lancé en 1999.
Pas de danger
Devons-nous craindre les trous noirs et leurs jets ? Julie Hlavacek-Larrondo se fait rassurante : le trou noir qui se trouve au centre de la Voie lactée, notre galaxie, est « un peu ennuyant ». Il n’attire pas beaucoup de matière vers lui, ce qui l’empêche probablement d’émettre de forts jets d’énergie.