SOCIÉTÉ 

L’apnée du sommeil en hausse chez les jeunes

Le nombre de jeunes patients qui reçoivent un diagnostic d’apnée obstructive du sommeil est en augmentation. Environ 15 nouveaux cas sont rapportés chaque semaine au CHU Sainte-Justine seulement, selon le Dr Kevin Vézina, pneumologue pédiatre. Parmi eux, le tiers souffre d’embonpoint ou d’obésité, une tendance à la hausse qui inquiète les spécialistes.

C’est le cas d’Étienne Vanier, 15 ans, qui a reçu un diagnostic d’apnée du sommeil il y a un peu plus de deux ans. « Je dormais tout le temps, j’étais vraiment fatigué, raconte l’adolescent de Mirabel, qui se réveillait plusieurs fois par nuit. J’avais le cœur qui pompait beaucoup, c’était vraiment énervant. »

« L’obésité est la cause première de l’apnée obstructive du sommeil chez l’adulte, explique le Dr Vézina, tandis que chez l’enfant, c’est l’hypertrophie des amygdales et des végétations adénoïdes [qui ont un rôle immunitaire] et les déformations craniofaciales, mais les problèmes d’embonpoint et d’obésité chez les jeunes sont en train de devenir la cause première d’apnée chez les enfants. »

Le Dr Vézina a choisi d’alerter la population et les autorités gouvernementales de la situation à quelques jours de la Journée internationale du sommeil (le 15 mars).

Interruptions de la respiration

L’apnée du sommeil se manifeste par de légères interruptions de la respiration pendant le sommeil, lesquelles provoquent de lourds ronflements et des sueurs. « Les personnes qui font de l’embonpoint ont plus de tissu adipeux autour du cou qui va peser sur les voies respiratoires, explique le pneumologue pédiatre, ce qui finit par bloquer le passage de l’air et entraîne une fragmentation du sommeil. »

Cette fragmentation du sommeil n’est ni plus ni moins qu’une réduction de notre temps de sommeil profond (réparateur).

« Lorsqu’on fait une pause respiratoire, notre cerveau essaie de nous réveiller pour prendre une respiration, ce qui perturbe le sommeil pendant la nuit. »

— Le Dr Kevin Vézina, pneumologue pédiatre

Conséquence chez les plus jeunes : un manque d’attention et une hyperactivité que l’on confond souvent (à tort) avec un trouble de l’attention (TDAH). Les plus vieux, comme Étienne, auront tendance à être somnolents.

Évidemment, dès que le Dr Vézina fait un diagnostic d’apnée du sommeil attribuable à un problème de surpoids ou d’obésité – grâce à une polysomnographie, qui enregistre les données physiologiques pendant le sommeil –, il recommande ses patients à des nutritionnistes et les dirige vers des programmes d’aide (comme CIRCUIT à Sainte-Justine) pour tenter de remédier au problème à la source.

C’est ce qu’il a fait avec Étienne, qui pèse aujourd’hui 359 lb (pour une taille de 5 pi 11 po). L’adolescent a commencé le programme sans le terminer. « C’était loin de chez nous, nous confie sa mère Elizabeth Bourgoin, ce n’était pas pratique. Et puis, il faut vouloir. Étienne ne voulait pas continuer… »

« Je manque de motivation, avoue Étienne. J’ai beaucoup de mauvaises habitudes, et c’est plus difficile qu’on pense de les changer. En ce moment, je ne fais pas vraiment attention à ce que je mange. Faudrait que je me bouge », concède-t-il.

« Les interventions semblent plus efficaces lorsqu’elles sont faites le plus tôt possible, nous dit le Dr Vézina, mais lorsqu’ils ne sont pas pris en charge, les jeunes parviennent rarement à perdre du poids. »

Le recours au CPAP

Le traitement de première ligne pour les enfants ou les ados aux prises avec l’apnée du sommeil est de retirer les amygdales et les végétations adénoïdes. « Chez les non-obèses, cette intervention a un taux de succès de plus de 80 %, note le Dr Vézina. Mais chez les jeunes en surpoids, le taux de succès varie entre 24 % et 46 %, ce qui est nettement moins intéressant. »

Si les problèmes persistent, c’est le recours au CPAP, cet appareil qui pousse de l’air dans les voies respiratoires pendant le sommeil.

C’est ce qu’a fait Étienne à l’automne 2017. Un traitement qui lui a permis de régler son problème d’apnée (et de sommeil), mais qui le rend dépendant de sa pompe. « C’est sûr que ça m’empêche de faire des choses », admet l’adolescent, qui ne sort ni le soir ni les fins de semaine.

« Avant d’avoir le CPAP, Étienne prenait en moyenne 50 livres par année. Depuis qu’il a commencé le traitement et qu’il a été initié aux programmes d’aide, il n’a pas augmenté de poids. C’est un début. »

— Elizabeth Bourgoin, mère d’Étienne Vanier

Le CPAP demeure le traitement le plus efficace en ce moment, mais il n’est malheureusement pas couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Il faut débourser environ 3000 $ pour la machine et des frais d’entretien de 300 $ par an (à moins que les parents bénéficient de l’aide sociale).

L’augmentation du nombre d’enfants qui font de l’embonpoint ou qui sont obèses est pourtant constante. Le Dr Vézina n’hésite pas à parler d’épidémie.

« On parle d’un jeune sur trois, je crois qu’on peut parler d’une crise. Pensez-y, l’apnée du sommeil touche de 1 à 5 % de la population pédiatrique générale », nous dit le Dr Vézina. 

« Chez les jeunes patients qui souffrent d’embonpoint ou d’obésité, le risque d’avoir une apnée obstructive du sommeil est quadruplé et peut même atteindre 50 %. »

— Le Dr Kevin Vézina, pneumologue pédiatre 

Les problèmes de surpoids, en hausse, entraînent évidemment des problèmes cardiovasculaires de plus en plus importants chez les jeunes.

Il y a quelques semaines, l’American Heart Association a d’ailleurs diffusé un avis ajoutant l’obésité à la liste des facteurs de risque qui peuvent entraîner des maladies cardiovasculaires chez les enfants et les adolescents. Une situation exceptionnelle qui touche maintenant des enfants canadiens et québécois, de plus en plus nombreux à vivre avec un CPAP.

D’où l’appel aux autorités publiques d’investir dans des campagnes de prévention et des programmes d’aide. « L’aide des gouvernements dans le financement des programmes d’aide comme CIRCUIT n’a pas suivi l’augmentation de l’embonpoint et de l’obésité chez les enfants et les ados, déplore le Dr Vézina. Et on craint vraiment que la situation continue de se détériorer. »

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