Hockey

Le plus long vol de Vincent Damphousse

La date limite des échanges rappelle toujours un étrange souvenir à Vincent Damphousse. Peu de joueurs de la Ligue nationale de hockey ont vécu un échange aussi particulier que le sien, le 23 mars 1999.

« On jouait contre Edmonton, le lendemain de la date limite des échanges, et comme à l’habitude, on partait la veille, raconte-t-il. Notre vol nolisé avait été fixé à midi, soit trois heures avant la limite. La veille, Réjean Houle avait pris la peine de nous rencontrer, Stéphane Quintal et moi, pour nous aviser que nos chances d’être échangés étaient grandes, puisque nous devenions joueurs autonomes sans compensation à la fin de la saison. En plus, les négociations contractuelles n’aboutissaient pas dans mon cas, ni sur le moment, ni sur le nombre d’années. Réjean Houle avait en outre les mains liées, car Molson s’apprêtait à vendre l’équipe. »

Damphousse se souvient du commentaire de Quintal sur la piste de décollage. Est-ce que ça valait vraiment la peine de se taper un long vol de plus de cinq heures pour être échangé pendant ce temps ?

« On ne savait pas trop quoi faire, mais Réjean [Houle] nous avait dit qu’on devait accompagner l’équipe parce que nous n’avions toujours pas changé de camp. »

Damphousse, qui a alors 31 ans et dont la production est à la baisse à Montréal, s’installe au fond de l’appareil, comme à chaque vol, pour jouer aux cartes avec ses compagnons Martin Rucinsky et Brian Savage.

« On demandait des nouvelles toutes les heures. Puis, vers trois heures moins dix, [le thérapeute sportif] Gaétan Lefebvre est venu m’aviser que l’entraîneur Alain Vigneault voulait me parler. Je me suis présenté à l’avant de l’avion et Alain m’a annoncé que j’avais été échangé aux Sharks de San Jose et que j’étais le seul du club à partir. »

Vigneault l’avise aussi qu’il doit rester à bord une fois l’appareil posé à Edmonton afin de rentrer sur-le-champ à Montréal pour cueillir ses effets personnels.

« Il restait deux heures de vol pour Edmonton. Les adieux à mes coéquipiers ont été chargés d’émotion. Puis, quand ils ont quitté l’appareil, j’ai eu trente minutes pour faire tous mes appels pendant que l’on faisait le plein de carburant sur la piste : mes parents pour qu’ils préparent mes valises, mon nouveau directeur général Dean Lombardi et le directeur des services des Sharks pour mon permis de travail. Puis on est repartis. J’ai fait dix heures de vol, ce jour-là, pour retourner à la case départ... »

« JE COMPRENDS MIEUX »

Damphousse a brillé à son premier match avec les Sharks. « J’ai compté deux buts et on a gagné 8-5. Ils m’ont dit les bonnes choses pour me motiver, cet échange a vraiment relancé ma carrière. »

L’ancien capitaine du CH a signé un nouveau contrat avec les Sharks à la fin de la saison et a joué cinq années supplémentaires là-bas. Il y a même connu des saisons de 70, 61 et 58 points.

Avec le recul, il comprend un peu mieux la réaction de son entraîneur Alain Vigneault alors que son séjour chez le Canadien tirait à sa fin.

« Il n’y avait aucune communication dans les dernières semaines. Je comprends mieux pourquoi aujourd’hui. Alain s’était fait dire par Réjean que je serais échangé et il avait tourné la page. Je ne lui en ai jamais vraiment reparlé, mais j’ai écouté une émission à RDS où il a parlé de moi. Il a rappelé son manque d’expérience, à l’époque, et le fait qu’il aurait agi différemment avec moi si c’était à refaire. Si je le recroise, je vais lui dire que j’ai apprécié ce qu’il a dit à la télé, parce qu’il savait que ça viendrait à mes oreilles. Je m’étais toujours demandé pourquoi il ne parlait plus à son capitaine. »

CHANGEMENT DE PRIORITÉS

À l’époque où il jouait, Vincent Damphousse caressait le rêve de devenir directeur général d’un club de la LNH. Ses priorités ont changé. Il se dit très heureux dans ses fonctions d’analyste à RDS et de gestionnaire de quatre établissements Scandinave Spa.

« Ma priorité a toujours été mes enfants. Je me suis rendu compte que ce n’était pas un travail compatible avec le fait d’être père de jeunes enfants. J’ai fait un choix de carrière pour me permettre de faire les deux, de rester dans le hockey et d’être présent pour mes gars. »

Le nom de Vincent Damphousse circulait dans les médias lorsque Geoff Molson et Serge Savard cherchaient un successeur à Pierre Gauthier, mais Damphousse s’est chargé de mettre fin aux rumeurs.

« Avant même que les interviews avec les candidats ne débutent, j’ai téléphoné à Geoff et à Serge pour leur dire que ça ne fonctionnerait pas. Je me battais en plus à l’époque pour la garde de mes enfants. Je voulais obtenir la garde une semaine sur deux, et j’ai réussi à l’obtenir, mais j’aurais hypothéqué mes chances si j’avais été nommé directeur général. Marc fait de l’excellent travail et il aurait probablement eu l’emploi de toute façon. Mais j’ai voulu mettre les pendules à l’heure avant que le processus ne commence. »

Vincent Damphousse est très présent auprès de ses enfants, des garçons de 10 et 7 ans, et un troisième, un bébé de 3 mois, avec sa nouvelle blonde ! « J’ai commencé tard. J’avais 36 ans quand j’ai eu mon premier. Je suis un peu à l’envers... », explique-t-il en riant.

Il est très actif dans le hockey mineur avec ses deux plus vieux. « Je fais avec mes fils ce que mon père a fait avec moi. Mon père m’a coaché jusqu’à l’âge de 10 ans. Il faisait aussi une patinoire dans la cour. Mon père m’a toujours dit que si tu faisais beaucoup de sport, il ne te resterait plus d’énergie pour faire des niaiseries. J’ai dirigé le plus vieux pendant quatre ans, et maintenant, c’est au tour du deuxième. J’aime beaucoup ça. Je suis vraiment heureux en ce moment avec tout ce qui arrive dans ma vie. »

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