Steven Guilbeault, candidat pour le plc

« Je me rallie à l’ensemble de l’œuvre »

Ottawa — Même s’il continue de s’opposer à la décision du gouvernement Trudeau d’autoriser le projet d’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain, l’écologiste Steven Guilbeault se dit plus « terrifié » à l’idée que les conservateurs d’Andrew Scheer puissent prendre le pouvoir aux élections fédérales du 21 octobre.

C’est l’une des raisons pour lesquelles il compte être candidat à l’investiture du Parti libéral du Canada (PLC) dans la circonscription de Laurier–Sainte-Marie afin de défendre les couleurs des troupes de Justin Trudeau au prochain scrutin.

Militant environnementaliste de longue date et reconnu pour ses talents de communicateur, M. Guilbeault confirmera ses intentions ce matin au cours d’une conférence de presse à Montréal. Il deviendra ainsi l’un des candidats vedettes du PLC au Québec – province jugée cruciale pour les libéraux, qui solliciteront un deuxième mandat l’automne prochain.

Dans une entrevue accordée à La Presse, hier soir, M. Guilbeault a indiqué que le premier ministre Trudeau avait accepté qu’il soit candidat libéral même s’il est réfractaire au projet d’agrandissement de Trans Mountain – projet approuvé par le gouvernement fédéral cette semaine.

« J’ai eu quelques conversations avec le premier ministre sur la possibilité que je me présente. Évidemment, la question du pipeline Trans Mountain est venue rapidement sur le tapis. Je lui ai dit que je ne pouvais pas défendre ce projet, que je ne pouvais pas revenir sur toutes ces années de militantisme contre les pipelines en me présentant pour le Parti libéral et en retournant ma veste. […] Le premier ministre est très à l’aise avec cela », a affirmé M. Guilbeault.

« Je ne vais pas changer d’idée. Je continue de penser que ce n’est pas une bonne idée que l’on fasse le pipeline. Je ne vais pas défendre cette décision. On s’est entendus, lui et moi, [sur le fait] qu’on ne s’entendait pas à ce sujet. Par contre, je me rallie à l’ensemble de l’œuvre. »

— Steven Guilbeault

L’ensemble de l’œuvre, selon lui, c’est le résultat des efforts du gouvernement libéral, qui a fait de la lutte contre les changements climatiques sa priorité depuis son arrivée au pouvoir il y a presque quatre ans. Cela s’est traduit par une politique nationale sur la tarification du carbone, l’élimination des centrales au charbon d’ici 2030 ainsi que des investissements colossaux dans les transports collectifs (30 milliards de dollars), dans les infrastructures vertes (20 milliards) et dans l’électrification des transports. Les politiques progressistes des libéraux fédéraux en matière d’immigration et de lutte contre les inégalités sociales s’ajoutent aux mesures qui ont séduit M. Guilbeault.

« Depuis que le Parti libéral est au pouvoir, nous avons pour la première fois un gouvernement fédéral qui prend cette question-là au sérieux. Ç’a pesé dans la balance. Il y a quatre ans, nous n’avions rien en matière de lutte contre les changements climatiques au fédéral », a-t-il affirmé.

Des différends ailleurs

M. Guilbeault a souligné que des différends, il en a aussi eu quand il travaillait pour des organisations telles que Greenpeace et Équiterre. Selon lui, « ce n’est pas vrai qu’on est d’accord 100 % du temps avec 100 % des décisions prises quand on est dans une organisation. Ce n’est pas possible. Mais on décide de s’y joindre ou de rester parce qu’on peut faire une contribution et que l’on veut continuer à avancer dans la bonne direction. C’est pour cela que je me joins au Parti libéral ».

Cette position bien tranchée pourrait nuire à ses chances d’accéder au cabinet : le principe de la solidarité ministérielle oblige tous les ministres à appuyer les décisions de l’exécutif. Le gouvernement étant propriétaire de l’oléoduc Trans Mountain, le cabinet pourrait être appelé à prendre d’autres décisions touchant ce projet, notamment si les coûts liés aux travaux d’agrandissement de l’oléoduc doivent être revus à la hausse.

M. Guilbeault n’a pas voulu s’aventurer sur ce terrain.

« Je dois d’abord remporter l’investiture libérale dans Laurier–Sainte-Marie. Ensuite, il y a l’élection que je dois gagner. Ça fait longtemps que le comté n’a pas été libéral. Après ça, c’est la prérogative du premier ministre de décider qui fait partie de son conseil des ministres. »

— Steven Guilbeault

Jean-Claude Malépart est le dernier député libéral qu’a connu Laurier–Sainte-Marie. Gilles Duceppe avait été élu après sa mort lors d’une élection partielle, en 1990.

La nouvelle recrue libérale a indiqué qu’il aurait pu faire le saut en politique avec le Parti vert ou le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui s’opposent farouchement au projet Trans Mountain. Mais rejoindre les rangs de l’un de ces deux partis ne lui aurait pas permis « de faire changer les choses de l’intérieur », le NPD ou le Parti vert ayant des chances minimes de prendre le pouvoir, selon lui.

M. Guilbeault a dit s’attendre à ce que les militants environnementalistes qu’il a côtoyés pendant des années attaquent sa crédibilité en raison de sa décision de faire le saut en politique avec les libéraux. « Ç’a déjà commencé, d’ailleurs. Mais tu ne fais pas ça pour faire plaisir à tout le monde, sinon tu te trompes de vocation. »

Mais l’idée de voir gagner le Parti conservateur, qui mène dans les sondages à quatre mois des élections, le préoccupe grandement.

« Le retour possible des conservateurs au pouvoir me terrifie. Andrew Scheer est un émule de Stephen Harper. J’ai été aux premières loges de toute la destruction de l’appareil canadien de lutte contre les changements climatiques. Je l’ai vu s’effondrer sous mes yeux sous le gouvernement Harper, sans compter le dossier des droits des minorités et les droits de la personne. […] Je n’ai pas envie de revivre cela en tant que citoyen. Je soupçonne qu’au moment de voter, beaucoup de progressistes vont avoir la même réaction », a-t-il dit.

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