Chronique

L’erreur numérique

À la campagne, l’été, il n’y a rien de plus magique qu’un livre numérique. Je ne compte plus le nombre de fois où, après avoir lu la critique élogieuse d’un bouquin, je me suis précipitée dans ma librairie virtuelle. Sans bouger, sans monter dans mon auto, sans avaler de l’asphalte ou dépenser de l’essence, sans chercher pendant des heures une librairie qui avait fermé ses portes, j’ai pu mettre la main sur le bouquin convoité. D’un seul clic de souris, le bouquin était là au bout de mes doigts, prêt à être dévoré.

Les livres numériques sont magiques surtout quand on habite loin des grands centres. Mais tout magiques qu’ils soient, ces livres comportent une grande énigme : leur prix.

Comment se fait-il qu’ils coûtent si cher ? Comment expliquer que l’argent économisé en frais de distribution, d’impression, en papier, en carton, en graphisme et en couleurs n’entraîne pas une réduction substantielle du prix de vente ? Pourquoi le consommateur est-il encore une fois perdant au change ? Est-ce une erreur ou une arnaque ?

Cette question est au cœur, en ce moment même, d’un énorme bras de fer entre Amazon, le géant de la vente en ligne, et Hachette, le géant de l’édition.

Amazon milite activement et parfois de manière pas très catholique pour un livre numérique dont le prix ne dépasserait pas 9,99 $. La direction du groupe Hachette refuse catégoriquement ce rabais.

L’ennui, c’est que depuis quelques semaines, la bataille pour le 9,99 $ a été détournée du débat public, par la faute, la très grande faute, d’Amazon.

Dans le feu de la négociation, Amazon a en effet eu la mauvaise idée de punir les auteurs de Hachette en retardant la livraison de leurs livres ou en plaidant la rupture de stock de leurs titres. Or bloquer la vente et la distribution de livres est un geste parfaitement antidémocratique que se sont empressés de dénoncer la plupart des éditeurs et quelque 909 auteurs, pas tous publiés par Hachette, mais tous également révoltés par les pratiques déloyales d’Amazon.

LA BATAILLE DE L’OPINION PUBLIQUE

Ces écrivains en colère n’ont pas hésité à dénoncer publiquement Amazon en signant une lettre ouverte publiée dimanche dernier sur une pleine page du New York Times… au coût de 104 000 $ !

Se mettre à dos des écrivains connus et appréciés comme Stephen King, Donna Tartt, Malcolm Gladwell, Nancy Huston, Dennis Lehane et Paul Auster n’est pas la meilleure façon de gagner la bataille de l’opinion publique. À ce chapitre, Amazon a perdu la première manche.

Pour l’instant, peu de voix s’élèvent pour défendre Amazon, ce qui se comprend aisément. Amazon est en effet une entreprise d’une efficacité tyrannique et à la limite totalitaire, comme l’affirme le journaliste français Jean-Baptiste Malet.

Celui-ci s’est infiltré dans un entrepôt d’Amazon à Montélimar, en France, pendant la période des Fêtes. La description qu’il y fait des conditions et de l’organisation du travail dans le livre En Amazonie, paru chez Fayard en 2013, est proprement terrifiante. N’importe qui animé par le moindre soupçon de conscience sociale ne saurait cautionner les pratiques d’Amazon, qui asservit ses employés pour mieux servir le client-roi.

Le problème dans la bataille du prix numérique, c’est que pour une fois, Amazon veut notre bien. S’il gagne, sa victoire aura une incidence sur toutes les ventes de livres numériques, y compris chez nous, ce qui ne serait pas de refus.

Pour ceux qui l’ignorent, les livres numériques vendus sur les sites d’Archambault ou de Renaud-Bray sont outrageusement et inutilement chers. Rien, en effet, ne justifie qu’un polar suédois de Camilla Lackberg de plus de 300 pages, qui se détaille à 36,95 $ en version papier, coûte seulement 15 $ de moins (21,99 $) en version numérique. Idem pour tous les autres livres, depuis Métis Beach  (21,99 $) de Claudine Bourbonnais jusqu’à Muchachas  (21,99 $) de Katherine Pancol en passant par Mes trois zèbres (25,99 $) d’Alexandre Jardin. Dans ce dernier cas, à peine quatre dollars séparent la version numérique de la version papier. Quatre dollars !

L’été, loin de tout à la campagne ou à Tombouctou, les livres numériques sont magiques. Mais jamais autant qu’un livre en vrai dont on peut sentir l’encre, toucher le papier et écorner les pages. Tenir un livre entre ses mains est un plaisir que rien ne peut remplacer. Pourquoi s’en priver si, en plus, il n’y a pas d’économie à faire avec son double numérique ?

ON EN A BEAUCOUP PARLÉ

De la détresse et du désespoir des gens dont le métier est de faire rire les autres. Et du fait qu’une douleur masquée par le rire n’est pas soignée ni guérie pour autant. Ne serait-ce que parce que les événements tragiques de cette semaine nous ont permis d’aborder cette question, la mort de Robin Williams n’aura pas été complètement inutile. Du moins pour ceux qui continuent à vivre.

ON EN PARLERA ENCORE BEAUCOUP  

De René, de Céline et de l’avenir qui s’annonce plus noir que rose pour le couple. Depuis que la chanteuse a annoncé son retrait de la scène pour une période indéterminée, les médias n’ont cessé de faire état des pertes économiques colossales déclenchées par son éclipse, comme si Céline était avant tout une machine à imprimer de l’argent en panne. Le moment est peut-être venu de laisser la machine souffler un peu.

À 46 ans, avec tout ce qu’elle a accompli, Céline mérite non seulement de se reposer, de prendre soin de son mari, mais, surtout, de prendre le temps de vivre. Une fois (tous les 30 ans) n’est pas coutume.

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