L’appel du Nord
Je suis ici depuis mai. Au départ, je me sentais étranger parce que c’est la première fois depuis 2001 que je passe autant de temps en Italie. J’ai perdu quelque peu la manière de communiquer en italien.
J’ai vécu beaucoup à Paris avec ma compagne française, mais dans les dernières années, c’était au Havre. On aime bien le froid. Le Québec nous attirait parce que, d’une part, il y avait la langue française, mais pour le travail aussi, parce qu’il y avait aussi le fait que j’avais été retenu pour un stage à l’Université de Montréal en archivistique. C’était nos premiers pas au Québec et on n’est plus repartis. On a aimé tout de suite.
En fait, ça me rappelle l’Italie. En comparant avec les Français, les Québécois s’en permettent beaucoup plus à l’oral, phonétiquement, ça peut aller dans tous les sens, comme les Italiens. Dans mon stage à l’Université de Montréal, je comprenais tout durant le travail, mais à l’heure du dîner, plus rien. Maintenant, je me suis habitué.
Je crois surtout écrire de façon plus distanciée. Je me remets davantage en question. C’est vrai que je me fais davantage confiance, mais en même temps, à la relecture, je suis plus critique. Depuis que je suis au Québec, le métier d’écrire est devenu plus spontané. C’est un plaisir en tout cas.
Je l’espère ! Ma façon d’écrire a beaucoup changé. Dans le recueil précédent, journal des traces, j’écrivais encore en vers. Désormais, c’est de la poésie en prose, de longs poèmes qui sont mis ensemble puisqu’il s’agit d’une même idée. En fuite, en quelque sorte. Pendant que j’essayais de publier ce recueil, je dois dire que j’écrivais aussi des nouvelles.
Il y aura toujours de la poésie dans ce que j’écris. J’aime le réalisme merveilleux. J’aime perdre un peu le contrôle dans la tête ou la mémoire du narrateur. C’est avec des auteurs comme l’Espagnole Almudena Grandes [Vents contraires] ou Gabriel García Márquez [Cent ans de solitude] que je me retrouve. Avant de me mettre au travail, je lis à voix haute des auteurs que j’aime. J’écris comme en résonance.
EXTRAIT
« j’ouvre la porte la traverse et descends la seule marche qui sépare ma liberté de ma pelouse // depuis ma naissance je n’avais pas encore respiré // Aïda m’appelle du seuil // pour lui échapper je dévisse et prends avec moi la porte // la porte aussi doit apprendre à être libre // Aïda répète une seule phrase une deux trois quatre fois // ton pays est un rêve//ton pays est un rêve // mais mon attention est attirée par la petite tache verte sur son pantalon »
hallucinations désirées et origines en fuite
Mattia Scarpulla
L’Harmattan
114 pages