Opinion : Auditorium André-Prévost

Déjà oublié des siens

Il était une fois, à Saint-Jérôme, un auditorium nommé André-Prévost, en hommage à ce compositeur de réputation internationale, originaire de cette ville.

Une salle située à l’école polyvalente et principal lieu de diffusion de spectacles dans la capitale des Laurentides depuis plus de 45 ans.

Voilà qu’on vient d’annoncer que l’auditorium sera rebaptisé du nom d’une technicienne en loisirs de l’école, morte subitement après 20 ans de contribution remarquable. Un honneur sans doute bien mérité. Mais fallait-il pour autant débaptiser la salle ? N’y avait-il donc aucun autre lieu significatif dans l’école ?

Exit, donc, le nom André-Prévost, en même temps que la référence culturelle, patrimoniale et historique qu’il représentait.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, personne à la polyvalente ne savait apparemment de qui il s’agissait. Bien sûr, la musique classique, et de surcroît la musique contemporaine, ne se retrouve jamais à la une des journaux, ni en tête des palmarès, et elle se fait bien rare à la télévision. Elle n’en constitue pas moins une part significative de notre richesse culturelle.

COMPOSITEUR ET PROFESSEUR

Les Jérômiens pouvaient être fiers d’avoir ainsi reconnu en mai 1970 le talent d’André Prévost. Alors âgé de 35 ans seulement, il cumulait déjà les honneurs. Son œuvre Terre des Hommes, sur un poème de Michèle Lalonde, avait d’ailleurs inauguré le Festival mondial de la célèbre Expo 67.

Parallèlement à sa carrière de compositeur, dont témoignent plus d’une cinquantaine d’œuvres jouées au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, André Prévost aura été pendant 30 ans un professeur apprécié à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Qui sait ce qu’il aurait encore apporté, n’eût été son décès prématuré à 66 ans, en 2001…

Le choix de son nom pour l’auditorium s’avérait d’autant plus significatif qu’André Prévost était issu d’une famille fondatrice de Saint-Jérôme, une ville où les Prévost ont joué, à une certaine époque, un rôle déterminant, qu’il s’agisse du docteur Jules, médecin et ami du curé Labelle, ou encore de son fils Jules-Édouard, député, sénateur et journaliste, dont André Prévost était le fils cadet. Tout cela n’a pas pesé bien lourd dans la réflexion qui a mené au changement de nom de la salle.

MANQUE DE RESPECT POUR L'HISTOIRE

Personne n’était évidemment de mauvaise foi dans cette décision. Il faut dire que celle-ci s’inscrit dans la vocation désormais moins publique qu’aura l’auditorium, puisque Saint-Jérôme aura enfin une nouvelle grande salle de spectacle, dont la construction est en cours au centre-ville.

Cette mise au rancart du nom André-Prévost n’en témoigne pas moins d’un regrettable manque de respect pour l’histoire et la culture. Sans compter que la famille Prévost n’en a pas été avertie à l’avance. Les « recherches » menées par l’école n’avaient semble-t-il pas permis de retracer de proches… Pourtant, il y a deux ans à peine, la Ville et la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord désignaient officiellement 10 personnages marquants du patrimoine jérômien, parmi lesquels quatre Prévost dont… André Prévost !

En cette époque où la culture générale s’étiole et où les jeunes, en particulier, démontrent peu d’intérêt pour les choses du passé, cette situation s’avère bien paradoxale. Tout établissement scolaire n’a-t-il pas un rôle à jouer pour perpétuer le souvenir de personnages qui ont marqué l’histoire et la culture locale, nationale, sinon internationale ?

Devrait-on craindre que le cégep de Saint-Jérôme songe à son tour à changer le nom de sa salle Germaine-Guèvremont, sous prétexte que peu de gens aujourd’hui connaissent cette écrivaine d’origine jérômienne ? Ou que l’on débaptise pour la même raison le cégep Lionel-Groulx, la salle André-Mathieu et, pourquoi pas, la salle Wilfrid-Pelletier ?

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