Marché

S’éloigner pour acheter à moindre coût

Devenir propriétaire à Montréal coûte de plus en plus cher. Le prix médian d’une maison unifamiliale atteint désormais 320 500 $ dans la métropole. Or, dès qu’on s’éloigne de l’île, les prix baissent rapidement à moins de 200 000 $. Et ailleurs au Québec, on peut même devenir l’heureux propriétaire d’un bungalow pour la modique somme de 109 200 $… à Shawinigan. 

UN DOSSIER DE NOTRE COLLABORATEUR YVON LAPRADE

La « prime » Montréal

Il y a une « prime » à payer pour acheter une propriété à Montréal. La Fédération des chambres immobilières du Québec rapporte que le prix médian d’une maison unifamiliale a crû de 5 % pour atteindre 320 500 $ au cours de l’été 2017. Par conséquent, certains acheteurs n’ont d’autre choix que de s’éloigner de la métropole.

Le courtier immobilier Jean Vanasse, de RE/MAX, actif dans le marché montréalais, voit régulièrement de jeunes acheteurs se tourner vers la banlieue, faute de pouvoir se payer la maison convoitée à Montréal.

« Ils réalisent bien souvent, après avoir fait leurs calculs, que c’est hors de portée, même dans les quartiers situés un peu plus à l’est de Montréal, où les prix sont un peu moins élevés », souligne-t-il.

« La décision s’impose alors de chercher ailleurs et de traverser le pont, pour acheter une maison de 200 000 $ à Le Gardeur. C’est au moins le double à Montréal », ajoute le courtier.

Il estime toutefois que ces écarts de prix, entre Montréal et la banlieue périphérique, bénéficient bien souvent à des villes comme Repentigny et L’Assomption, « et même une ville comme Joliette », dans Lanaudière, où les acheteurs en ont davantage pour leur investissement.

« Il ne fait pas de doute que les jeunes familles veulent avoir une grande maison, avec un terrain, observe le courtier de 31 ans d’expérience. Ce n’est pas à Montréal qu’ils vont trouver ce qu’ils cherchent, à un prix abordable. »

Quatre offres en deux jours

Le phénomène ne semble pas sur le point de se résorber, car le marché montréalais continue de chauffer. Dans le centre de l’île, il arrive même que les acheteurs se bousculent pour faire l’acquisition d’une propriété.

Quand ils ont mis leur belle victorienne du Plateau Mont-Royal à vendre, Jennifer Sishman et son conjoint Nick s’attendaient à recevoir de la visite, mais pas autant ! Pendant deux jours, le week-end dernier, ils ont ouvert la porte à plus de 80 visiteurs, dans le cadre d’une visite libre organisée par leur courtier immobilier.

Ça s’est traduit par quatre offres d’achat sur la propriété pour laquelle ils demandaient, à l’origine, 699 000 $.

« Je peux vous confirmer qu’il y a beaucoup d’activité, non seulement dans le Plateau, mais aussi dans Rosemont, Villeray, Westmount et Outremont », explique leur courtier François Baron, de Via Capitale.

Il était en train « d’analyser » les offres d’achat lorsque nous l’avons joint… pour lui demander de commenter la solidité du marché de la revente à Montréal.

« Il n’est pas rare, comme dans le cas de mes clients du Plateau, que les maisons à peine inscrites sur le réseau Centris des courtiers se vendent en l’espace de quelques jours, précise-t-il. Le marché est effervescent depuis environ six mois. »

« C’est vrai que la ville est attrayante pour les jeunes familles. Les acheteurs aiment la vie de quartier, se rendre à pied à l’épicerie, aller dans les parcs, faire du vélo et moins d’auto. »

– François Baron, courtier immobilier

François Baron ne cache pas que cette effervescence dans les quartiers chauds, très demandés, incite certains vendeurs à « surévaluer » le prix de leur propriété. « Dans le cas de mes clients du Plateau, dit-il, nous avons mis trois semaines avant de déterminer le bon prix afin de faciliter une transaction. » En même temps, des acheteurs « motivés » sont prêts à payer plus cher que le prix demandé pour mettre la main sur la propriété convoitée.

Cela faisait huit ans que Jennifer Sishman vivait, avec son conjoint, dans la maison du Plateau. Elle considère avoir réalisé un profit « acceptable » lors de la vente de sa propriété.

« Notre maison était en excellente condition et nous en avons toujours pris soin », résume-t-elle.

Tour d’horizon

Dans son plus récent bulletin, la FCIQ révèle que quatre des six régions métropolitaines ont connu des augmentations du prix médian et du nombre de transactions.

Régions métropolitaines : prix médian d'une unifamiliale ; variations des ventes

Trois-Rivières : 148 000 $ ; ventes + 17 %

Québec : 250 750 $ ; ventes + 1 %

Montréal : 320 500 $ ; ventes + 5 %

Gatineau : 235 000 $ ; ventes + 2 %

Saguenay : 170 000 $ ; ventes -3 %

Sherbrooke : 209 000 $ ; ventes -8 %

Source : FCIQ, automne 2017

Des hausses dans certains petits centres

Le marché est actif dans certains petits centres urbains du Québec, comme le montre le tableau suivant.

Centre urbain : prix médian d'une unifamiliale ; variations des ventes

Sept-Îles : 160 000 $ ; ventes + 48 %

Joliette : 198 000 $ ; ventes + 36 %

Mont-Tremblant : 238 000 $ ; ventes + 28 %

Rouyn-Noranda : 221 500 $ ; ventes + 25 %

Source : FCIQ, automne 2017

Devenir propriétaire pour 200 000 $

Au Québec, il est toujours possible d’acheter une maison unifamiliale à 200 000 $ et même moins, mais dans d’autres marchés que celui de Montréal. Nous avons demandé à des courtiers immobiliers, qui sont sur le terrain, de se prononcer sur l’état de leurs marchés respectifs.

Trois-Rivières

prix médian d'une unifamiliale : 148 000 $

« Le marché de la revente se porte bien chez nous. Il y a trois ans, on avait un acheteur pour 13 vendeurs. Là, c’est un acheteur pour neuf vendeurs. C’est certain que les prix sont peu élevés, et augmentent très peu, mais dans la région, ça n’étonne personne. Les acheteurs savent combien ça vaut, une maison, en Mauricie. À vrai dire, si on compare nos prix avec ceux de Montréal, on pourrait dire qu’à Trois-Rivières, on va payer une maison le prix que vaut un terrain sans maison à Montréal ! » – Martin Filion, courtier Proprio Direct, Trois-Rivières

Sept-Îles

prix médian d'une unifamiliale : 160 000 $

« Ça bougeait beaucoup jusqu’au mois d’août, c’était même excellent, mais depuis deux mois, il y a de l’incertitude en raison du ralentissement dans l’industrie minière. Le projet de Mine Arnaud est sur la glace et des PME ont cessé leurs activités. Les maisons se vendent sous l’évaluation municipale et on voit maintenant plus de maisons invendues sur le marché. Ce n’est pas une bonne nouvelle. »

– Christian Truchon, courtier RE/MAX, Sept-Îles

Saguenay

prix médian d'une unifamiliale : 170 000 $

« C’est un marché très difficile. Il y a de 15 à 20 vendeurs pour un seul acheteur, et ça fait baisser les prix des maisons. L’économie n’est pas à son mieux dans la région, les banques serrent la vis aux emprunteurs, et ceux qui souhaitent vendre leur maison doivent parfois patienter jusqu’à deux ans avant de trouver preneur. D’ailleurs, on commence à voir des courtiers qui prennent des contrats de deux ans. C’est beaucoup ! » – Manon Vaillancourt, courtière Royal LePage, Saguenay

Joliette

prix médian d'une unifamiliale : 198 000 $

« La tendance est à la hausse dans notre marché. Nous avons de plus en plus d’acheteurs qui viennent de l’est de Montréal et de Repentigny pour y trouver des maisons en vue de la retraite. Il faut compter environ quatre mois pour vendre une propriété d’environ 250 000 $, et jusqu’à neuf mois pour une maison de 300 000 $ et plus. Le marché de Joliette est favorisé par la présence d’un hôpital, d’un cégep, d’un musée. Et nous avons une usine, la Firestone, qui emploie 1500 travailleurs. » – François Coulombe, courtier RE/MAX, Joliette

Sherbrooke

prix médian (unifamiliale) : 209 000 $

« Nous avons connu ces derniers mois une baisse d’activité dans le marché de la revente. J’ai organisé deux visites libres le week-end dernier et je n’ai pas eu un seul visiteur ! À Sherbrooke, il se construit beaucoup de maisons neuves [plus de 200 nouvelles unités] et cela a un effet sur le marché de la revente des propriétés existantes. Et je vois de plus en plus de propriétaires essayer de vendre leur maison sans courtier, sans succès. Mais, de façon générale, les prix se maintiennent. » – Jean Saspiturry, courtier Via Capitale, Sherbrooke

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