OPINION

DROITS DES FRANCOPHONES Ensemble pour le français

Avec le résultat des dernières élections au Nouveau-Brunswick et la récente décision du gouvernement Ford, les annonces malheureuses contre la francophonie canadienne se multiplient cet automne après une embellie lors des dernières décennies.

Les progrès de l’immersion francophone ; ceux des écoles francophones, même au Yukon ; la décision unanime des premiers ministres des provinces et des territoires de fixer une cible de 5 % d’immigration francophone, l’adhésion de l’Ontario à l’Organisation internationale de la Francophonie, etc. ; on se demande alors pourquoi il faut toujours reprendre la lutte.

Pourquoi faut-il expliquer encore ?

Peut-être parce que nous n’en avons jamais vraiment parlé « ensemble », entre nous tous, en anglais et en français. Peut-être parce que nous évitons depuis trop longtemps de nous demander ce que cela veut dire « être Canadien ». Ce silence apporte son lot de problèmes pour les Premières Nations en quête de reconnaissance, pour les Québécois à la recherche d’autonomie, pour la francophonie canadienne toujours en combat alors que sa contribution est un avantage pour tout le Canada, pour l’Atlantique et l’Ouest qui, trop souvent, critiquent l’incompréhension du centre du pays.

La nouvelle ontarienne a fait parler d’elle au Québec, avec raison. Mais pas un mot, ou si peu, dans les médias anglophones du Canada. Mauvaise foi ou ignorance ? Donnerons-nous raison à ceux qui ne voient dans nos relations que celles de deux solitudes ? Avouons que c’est tentant. Pourtant, nos relations canadiennes économiques, sociales et politiques sont plus intenses que nous ne le croyons.

De nombreux Québécois se convaincront qu’il n’y a aucun avenir pour le français à l’extérieur du Québec et ils inviteront nos compatriotes à venir s’installer au Québec.

Cet appel ne sera pas bien reçu par ceux-ci. Ils sont franco-ontariens ou fransaskois, ils veulent parler français là où ils vivent et c’est cet appel que nous devons entendre au Québec.

Le Québec, le gouvernement et la société civile doivent manifester leur soutien à la francophonie canadienne.

Pas pour reprendre la vieille rengaine de la mort imminente qu’entraînerait la décision Ford. Depuis le temps, on devrait avoir compris que ce qui s’annonce, c’est un autre combat d’une communauté fière et forte ; pas sa disparition. 

Manifestons notre appui d’abord pour se dire que nous sommes ensemble. Nous sommes 10,5 millions de « parlant français ». D’abord en s’incluant dans cette francophonie canadienne. On peut être Québécois et s’inclure dans la francophonie canadienne. On s’inclut bien dans la francophonie internationale, non ? Alors, commençons par affirmer haut et fort que nous serons « ensemble pour le français ».

Le temps d’agir

Et puis ajoutons le geste à la parole. Dans un premier temps, en participant activement à la concertation de la francophonie canadienne face à la décision ontarienne. Le gouvernement du Québec a des programmes pour cela. Dans un deuxième temps, le gouvernement pourrait proposer sa collaboration à la francophonie canadienne pour rallier les autres gouvernements et la société civile canadienne avec l’objectif d’inclure la communauté anglophone dans la discussion. Il est peut-être temps qu’on se parle « ensemble » en français et en anglais.

Nous pourrions demander aux universitaires du pays de nous sortir du tabou et de nous aider à comprendre ce que cela veut dire, « être Canadien ». De conférences en forums, rappelons-nous que la démocratie n’est pas un mode de gouvernance où la majorité obtient une licence pour imposer son diktat sur la minorité, mais plutôt une façon de rallier tous les citoyens. Encore faut-il chercher à les rassembler tous.

Et puis revenons aussi à nos racines. La minorité francophone du Canada n’est pas un groupe parmi les autres, elle est une minorité constitutionnelle.

La francophonie est inscrite dans l’ADN du Canada depuis les premières discussions de la fondation du pays.

Cela ne donne pas juste des garanties constitutionnelles, cela trace le chemin politique à suivre lorsque vient le temps des décisions. Sortir du tabou, c’est aussi redécouvrir nos origines pour mieux saisir la direction à prendre pour l’avenir.

Le 150e anniversaire du Canada aurait pu être cela : une occasion de revoir notre parcours et de se projeter « ensemble » vers l’avant. Si, demain, quelqu’un se levait pour lancer la conversation, personne ne lui en voudrait de le faire à la 152e année.

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