OPINION MÉDECINS

Nous sommes aussi humains

Les propos tenus à notre égard ne nous coulent pas sur le dos comme l’eau de pluie

Depuis le départ de M. Péladeau de ses fonctions pour raisons familiales, beaucoup d’entrevues sont accordées et de débats lancés sur le fait que derrière les politiciens, il y a des êtres humains. Je respecte d’autant plus la difficile décision de M. Péladeau considérant la raison humaine et émotionnelle derrière sa réflexion.

Cependant, même après les débats sur ces aspects au sujet des politiciens (ainsi que d’autres professionnels), je continue à entendre, autant dans les médias qu’autour de moi, des commentaires qui vont dans le sens contraire au sujet des médecins.

Je suis médecin de famille, tout comme ma conjointe. Nous avons eu notre deuxième enfant en mai 2015. J’ai pris un congé de paternité de quatre semaines, autant pour aider ma conjointe (qui a repris le travail en janvier 2016) que pour être présent pour le nouveau-né (et pour son grand frère), ce qui me semble raisonnable.

Vous ne pouvez imaginer les propos tenus à mon égard pour avoir osé prendre ce congé de paternité (alors que tous mes patients avaient accès à notre service sans rendez-vous et qu’un collègue gérait les fax et laboratoires en mon absence). Des qualificatifs tels que « lâche », « égocentrique », des commentaires tels que « vous n’êtes jamais là quand on en a besoin » et certains autres que je ne peux même pas écrire pour ne pas être censuré.

Je suis un être humain, tout comme mes collègues. Les propos tenus à notre égard ne nous coulent pas sur le dos comme l’eau de pluie. Me faire dire que je suis paresseux, que je suis un voleur et autres propos dans le genre ne me laisse pas de glace.

Certains propos me fâchent, d’autres me blessent, d’autres m’attristent. Certains propos soufflent aussi sur la flamme de la passion pour mon métier.

Heureusement, elle résiste toujours à la tempête, mais pour combien de temps ? Comme je suis humain, j’ai peur qu’un jour le cynisme ne prenne la place de l’empathie. Que de toute façon, peu importe le dévouement et les batailles engagées pour mes patients, je me retrouverai tout de même lapidé sur la place publique.

PAS UNE MACHINE

Je ne suis pas une machine, je ne suis pas un être dénué de sentiments. Lorsque j’annonce une mauvaise nouvelle à un patient, je suis aussi touché. Il arrive parfois que certains diagnostics m’affectent suffisamment pour m’ébranler pendant plusieurs journées. Il ne faut pas penser qu’après avoir annoncé un cancer à un enfant (et à ses parents), je tourne ensuite la page une fois qu’il est sorti de mon bureau. Il m’arrive de pleurer avec mes patients et de ramener ces émotions à la maison. L’inverse est aussi vrai.

Je ne suis pas que médecin. Je suis un homme, un membre de l’espèce humaine. Je suis un père de famille. Je suis un conjoint, un fils, un frère, un oncle. J’ai aussi une vie, laquelle n’a pas moins d’embûches que les autres, comme nous en avons toutes et tous. Je vis aussi des événements heureux, tristes, difficiles et magiques à la maison, en dehors du travail.

Je suis ouvert à la critique en tout temps, pour autant qu’elle soit constructive. Les suggestions pour m’améliorer sont toujours appréciées, car étant humain, je ne suis pas parfait (loin de là !).

Mais je dis non aux insultes, aux jugements gratuits. Je suis las de cette mode du « médecin bashing ». Quand je suis rendu au stade de mentir sur le métier que je pratique par peur des jugements qui y seront associés, c’est qu’il y a un problème. Alors, la prochaine fois, avant de nous insulter, n’oubliez pas que ce n’est pas une machine qui vous lit, mais bien une personne, avec un vécu et des émotions…

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