Critique  L’imparfaite amitié

Le parfait amour

L’imparfaite amitié
Mylène Bouchard
La Peuplade, 387 pages
4 étoiles

Le quatrième roman de Mylène Bouchard parle du sujet éternel, incontournable, inépuisable qu’est l’amour. À moins que ce ne soit de l’amitié. Dans un cas comme dans l’autre, ce ne sera jamais assez.

« Il faut aimer très fort », écrit Amanda Pedneault à sa fille Sabina. Ce leitmotiv est celui d’une voyageuse au long cours. De la fille d’une femme née à une autre époque et qui a beaucoup aimé, elle aussi. De la mère d’une fille qui a tout à apprendre de l’amour et de l’amitié.

On n’échappe pas à la filiation, semble dire Amanda à Sabina. Amanda en sait quelque chose. Elle porte aussi le nom d’un bateau, Amanda Transport, de L’Isle-aux-Coudres, vedette du film Les voitures d’eau de Pierre Perrault. Partir, voguer, et aimer. Voilà Amanda, ce cœur en mouvement, hors normes, loin des lieux communs et des sentiers battus.

Amanda est amour et, en tant que telle, femme libre. Elle laisse mari malade et enfants pour poursuivre son insatiable quête. Elle s’ennuie de ses amies d’enfance, se souvient de ses amants d’avant. Elle écrit de Prague qu’elle quittera bientôt sur un coup de tête où l’art donnera le signal du départ. Amanda aime, quoi !

Tous les verbes de l’amour et de l’amitié sont recensés ici, mais aussi vécus pleinement dans ce roman intelligent et touchant. Profond sans être lourd.

Avec ses tableaux typographiques, ses registres et ses définitions, ses notes et ses carnets, il s’agit également d’un livre à tendance encyclopédique, en ce sens qu’il trace la géographie, la poétique et la politique du verbe d’action qu’est aimer.

Amanda vit et réfléchit sur ce qu’elle vit dans de courtes séquences, très bien rythmées, très fragmentées, mais jamais sans lien entre elles. C’est beau et c’est fort. 

Fluide et vibrante

L’écriture fluide et vibrante de Mylène Bouchard fait en sorte qu’on reste totalement absorbé par les mouvements du désir de la protagoniste. Parce qu’il y a du désir, de l’affection, de la camaraderie. De la réflexion aussi. L’amour se vit et se pense.

Il est un continent désertique et luxuriant tout à la fois. L’auteure-narratrice étudie chaque plante et retourne chaque pierre. Au-delà de ses inquiétudes, incertitudes ou passions, l’aimante Amanda redonne confiance en l’amour et l’amitié.

La romancière a parlé sur les réseaux sociaux de son livre comme d’un labyrinthe dans lequel elle nous invite à la suivre. Nous y voyons davantage un kaléidoscope avec ses éclats limpides et colorés. L’amour n’est pas une mission impossible, dit Amanda, mais au contraire la seule et unique voie possible, sinon vitale.

Aimer plus d’une personne à la fois ? Vaut-il la peine d’aimer ou de même chercher l’amour ? Aimer un enfant, un ami ou un amant, est-ce la même chose ? Quoique non définitives, les réponses qu’Amanda boit durant son marathon amoureux surprennent toujours. 

Et si l’amour est une imparfaite amitié, alors l’amitié est le parfait amour. 

EXTRAIT

« Par moments, je maudis la vie théorique de l’amour unique, bien que j’admette la résistance. Une fois qu’on a trouvé, il faut de toute évidence résister et viser la durée. Ce qui me fait réagir le plus, c’est l’idée que nous sommes entraînés dès l’enfance à rechercher un partenaire à tout prix et conditionnés à nous tourner vers le sexe opposé. Colère qui gronde en dedans. Je lutte, je suis fâchée. La société nous pousse à acquérir l’amour unique. Cette philosophie arrive très tôt dans la vie, chez l’enfant, le garçon qui cherche la fille, la fille qui découvre le garçon. Se restreindre à n’aimer qu’une seule personne, pourquoi ? » 

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