actualités

Une apprentie policière relance le débat sur le port du hijab

Si Sondos Lamrhari, une élève voilée en techniques policières, souhaite pratiquer son métier pour un corps de police québécois, elle devra retirer son hijab, préviennent le Parti québécois et la Coalition avenir Québec dans l’éventualité où ils seraient portés au pouvoir le 1er octobre. Cette sortie a outré le gouvernement Couillard, qui envoie ainsi le signal aux corps de police de permettre le port de ce signe religieux.

Le PQ dit défendre les « victimes »

Le débat sur les signes religieux a désormais un visage, celui de Sondos Lamrhari, élève en techniques policières au collège Ahuntsic dont Le Journal de Montréal a réalisé un portrait hier. Dès le début de la journée, le PQ et la CAQ ont prévenu que s’ils prennent le pouvoir, Mme Lamrhari se verra interdire d’exercer son métier, à moins qu’elle ne retire son voile. La porte-parole péquiste en matière de laïcité, Agnès Maltais, a expliqué que sa formation politique se place du côté des femmes « victimes » d’abus parce qu’elles refusent de porter le hijab. Elle exige, en conséquence, que Québec interdise aux policières de le porter.

« Une jeune femme de Gatineau est allée [par le passé] à la police pour dénoncer son père parce qu’elle était battue puisqu’il refusait qu’elle enlève son hijab quand elle allait à l’école. Je me demande aujourd’hui ce que penserait cette jeune femme, qui a eu le courage de dénoncer son père à la police, si la policière qui l’avait reçue portait un hijab », a déclaré Mme Maltais.

« Une autopatrouille, ce n’est pas un lieu de culte »

Le cas de Sondos Lamrhari « est la traduction concrète de ce qu’on répète depuis des jours et que M. Couillard s’entête à qualifier d’imaginaire », a déclaré la députée caquiste de Louis-Hébert, Geneviève Guilbault. Si elle est élue, sa formation politique prévoit interdire – tout comme le PQ – le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, dont les policiers. « Il est clair qu’une personne en position d’autorité ne peut pas servir Dieu et l’État dans un même quart de travail. Comprenez-vous qu’une autopatrouille, ce n’est pas un lieu de culte ? », a lancé sa collègue Nathalie Roy au Salon bleu.

Couillard met au défi ses adversaires

Le premier ministre Philippe Couillard a sommé ses vis-à-vis Jean-François Lisée et François Legault d’aller eux-mêmes expliquer leur prise de position à l’élève de 17 ans. « Je vais mettre au défi M. Legault, M. Lisée de rencontrer cette jeune femme et de lui dire, les yeux dans les yeux, qu’ils ne veulent pas qu’elle soit policière au Québec. On parlera des choses réelles », a-t-il affirmé. Il a félicité Mme Lamrhari, qui a accepté de prendre la parole en pleine connaissance du contexte politique explosif que son choix risquait de provoquer. Il y voit un témoignage de « l’image souriante, confiante du Québec de 2018 et de l’avenir ». Il ne peut « pas comprendre qu’on envoie » le message à cette jeune femme qu’elle ne peut devenir policière au Québec en raison de son foulard.

Malgré son préjugé favorable, M. Couillard affirme que c’est à chaque corps policier de décider s’il autorise ses agents à porter des signes religieux comme un turban ou un hijab. Il a fait siens les propos de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui a fait valoir qu’un service de police doit refléter la communauté qu’il dessert. Hier, la World Sikh Organization of Canada a écrit à Mme Plante et au chef du SPVM Martin Prud’homme pour leur demander de permettre le port de signes religieux comme le turban et le hijab.

Signal de Vallée aux corps de police

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, s’est montrée plus catégorique que son patron. Elle a envoyé un signal assez clair que les corps de police doivent permettre le port du hijab. Elle a soutenu que « les critères [pour encadrer les accommodements] sont clairs » : « le port de signes religieux, il n’est pas proscrit, il est permis ». « Permettons à cette jeune Québécoise d’aller au bout de ses rêves, ne brisons pas les rêves d’une jeune fille de 17 ans » de « devenir policière ici au Québec » et « d’intégrer les corps policiers », a-t-elle dit.

Elle a accusé l’opposition de vouloir « casser les rêves » de cette élève « née ici au Québec qui souhaite s’intégrer dans un métier non traditionnel ». Selon elle, l’argument invoqué par Agnès Maltais est « du gros n’importe quoi ». « Prétendre qu’une fille en hijab viendrait porter atteinte à une autre jeune fille, voyons donc ! », a-t-elle lancé. La ministre de la Condition féminine, Hélène David, se dit « fière » de Sondos Lamrhari et « espère qu’elle va pouvoir pratiquer son métier au Québec », autre invitation faite aux corps de police par un membre du gouvernement à permettre le port de ce signe religieux.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.