À votre tour

Y a-t-il un employeur pour moi ?

Je suis une mère à la maison. Mes enfants ont maintenant 9 et 13 ans, il est donc urgent que je retourne sur le marché du travail pour l’argent, mais encore plus pour le statut social, car, disons-le, être mère à la maison dans le Québec d’aujourd’hui est une incongruité qui me vaut bien des jugements.

Alors, quoi faire et comment ? Ça fait dix ans que je suis « arrêtée ». Il y a donc un trou énorme qui plombe mon CV. En plus, mes expériences de travail passées sont plutôt limitées et mon parcours scolaire date et n’est pas très spectaculaire. J’ai envisagé un retour aux études l’an dernier, au cégep, puisque les frais de scolarité y sont moins élevés. Avec un seul revenu qui finance la famille, c’est un argument considérable. 

On m’a acceptée en me disant que je devais reprendre certains cours obligatoires. Bon. J’avais 42 ans, je souhaitais me former en éducation spécialisée, un secteur où, apparemment, il y a un manque criant de ressources, et on me retournait sur les bancs d’école parmi des jeunes de 18 ans pour faire du français, de l’anglais et même de l’éducation physique ! J’ai choké. Pardon pour l’anglicisme, c’est tout ce qui me vient.

Retour à la case départ. On m’a parlé d’un programme de reconnaissance des acquis pour obtenir le même diplôme. Peut-être que ce serait plus adapté à ma réalité ? Je m’inscris donc à la rencontre d’information, où j’apprends que ce programme est destiné aux personnes déjà à l’emploi dans un domaine connexe. Ah bon.

Je reprends encore tout au début.

L’université ? C’est coûteux, long, et la fameuse cote R à l’admission risque de me couper l’herbe sous le pied. Je me cherche un emploi.

Le site d’Emploi-Québec me dit que dans ma région, on cherche surtout des soudeurs, des conducteurs de machinerie lourde et des infirmières, beaucoup d’infirmières. OK. J’ai travaillé douze ans dans la vente (SAQ). Un poste de vendeuse, ça pourrait faire l’affaire ? Soirs et fins de semaine, à la condition d’acheter les vêtements vendus en boutique. Il faut ce qu’il faut, je postule. Rien. Je m’abonne aux alertes-emplois de l’entreprise, on me propose des postes à Gatineau ou Lévis ; j’habite à Saint-Jérôme !

Tentons autre chose. Le dernier emploi pour lequel on m’a donné ma chance et qui m’a comblée, c’était celui de responsable des communications pour le Carrousel international du film de Rimouski. Je cherche donc dans ce créneau. Les exigences sont élevées ; je m’essaie tout de même sur une offre. Je n’ai jamais reçu de nouvelles. C’est là où j’en suis rendue et je ne sais plus.

Je suis peut-être peureuse, pas assez fonceuse, trop vite découragée, mais j’ai parfois envie de me boucher le nez, les yeux et les oreilles et de continuer à faire mon « travail ». Je reçois souvent des compliments pour mes filles, on me dit qu’elles sont extraordinaires. Ah oui ? Comment ça ? Je ne fais rien qui mérite des superlatifs, je les aime et les éduque du mieux que je peux, c’est tout ! Et ça, ça m’attire des louanges ! Eh bien ! Est-ce que je peux l’écrire dans mon CV ? Ce que j’entends de leur vie à l’école m’inquiète souvent : irrespect, agressivité, intolérance, démobilisation, nombrilisme, superficialité, etc. C’est dans ce monde-là que je dois reprendre du service ? J’essaie de cultiver le positivisme à la maison, mais j’avoue que je trouve ça difficile certains jours. Je devrais peut-être me mettre au jogging, il paraît que ça fait des miracles !

Quand j’entends « Il n’y a pas d’âge pour tout recommencer » ou « Tout est possible si tu y crois », ça me fait grincer des dents. Oui, c’est sans doute vrai tout ça, théoriquement, mais dans la vraie vie…

La prochaine fois que vous serez tentés de dire ces mots à quelqu’un qui vit une situation semblable à la mienne, soyez un peu empathique et essayez de vous imaginer en train de repartir à zéro. Pas dans une chanson, dans la réalité. Vous me direz si vous y croyez tant que ça !

Mais bon, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir à ce qu’on dit ! Y a-t-il un employeur dans la salle ?

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