Pour un débat ouvert et inclusif sur l'identité de genre

En réponse au texte « La fabrication de l’indignation », publié vendredi dernier 

J’aimerais apporter une courte réponse à la réplique publiée par un groupe de militants et d’universitaires à la suite de la parution de ma chronique sur l’« identité de genre ».

D’abord, les auteurs parlent d’une décennie de débat public sur le sujet. Si ce débat a eu lieu, c’est peut-être dans des groupes restreints de personnes averties, mais certainement pas sur la scène publique. D’ailleurs, à en croire l’annulation de la conférence de Rhéa Jean, docteure en philosophie, qui devait avoir lieu le 4 novembre 2016 à l’UQAM, il semblerait que le débat ne soit autorisé que pour les personnes qui partagent l’idéologie transgenre.

Cette conférence avait pour objet les questionnements éthiques soulevés par le mouvement transgenre et la distinction entre la notion de sexe, basée sur l’anatomie, et celle de « genre », relevant d’une construction sociale. Des dizaines de militants sont venus chahuter l’événement. Marie-Pier Boisvert, directrice générale du Conseil québécois LGBT, qui est l’une des auteurs de la réplique à ma chronique, appelait elle-même à l’annulation de la conférence en déclarant dans un communiqué: « Nous nous attendons à ce que cette conférence soit annulée »1.

On reprochait notamment à la conférencière de dire que de « naître dans le mauvais corps » ne repose pas sur une réalité objective. Peut-on croire que de tels propos entrainent l’annulation de débats et des accusations de transphobie ?

Des arguments contestables

Venons-en maintenant aux arguments avancés dans la réplique. 

En lien avec les compétitions sportives, les auteurs nous disent que l’hormonothérapie éliminerait les avantages physiques masculins. Or, ne serait-ce que ceux strictement liés à la testostérone, ils ont été largement confirmés notamment par une étude publiée en 2017 dans le British Journal of Sports Medicine.

Pourtant, le CIO autorise un niveau de testostérone de trois à quatre fois plus élevé chez les hommes se disant femmes et voulant concourir à des compétitions féminines, et ils gagnent ! Jusqu’à maintenant celles qui ont contesté cette décision ont été invitées à se taire ou, pire, ont été suspendues.

Un autre argument avancé par les auteurs de la réplique est que les inhibiteurs de croissance seraient sécuritaires et réversibles. Or, le fabricant du Lupron lui-même, l'inhibiteur de croissance le plus utilisé, indique qu’il n’y a pas d’études démontrant la « réversibilité de la suppression de la fertilité ». 

Cette médication, normalement utilisée sur une courte période pour des problèmes de dérèglement de croissance, a de nombreux effets secondaires. Son utilisation par des enfants n’ayant aucun problème de santé devrait soulever des questionnements éthiques de la part de l’ensemble de la société. Et que dire des interventions chirurgicales sur des enfants sains ?

Le suicide

Pour ce qui est des chiffres sur le suicide, les auteurs de l’étude la plus fiable sur le sujet, celle du Williams Institute, font des mises en garde sérieuses quant à l’utilisation de leurs chiffres qui seraient notamment surestimés en raison des limites de leur propre sondage.

D’ailleurs, selon les données du sondage TransPULSE mentionné par les auteurs de la réplique eux-mêmes, 70 % des répondants disaient avoir subi des abus sexuels et physiques dans l’enfance. Ces facteurs peuvent aussi expliquer un haut taux de tentatives de suicide. 

Bref, il faut rester prudent avec les chiffres, d’autant plus que ce discours sur le suicide, brandi pour faire taire tous ceux qui émettent la moindre critique sur le discours transgenre, contamine le débat et empêche toute réflexion apaisée qui pourrait réellement aider les jeunes.

Finalement, cette réplique ne fait que confirmer le fait qu’aucun débat public n’a eu lieu sur cette question très délicate, et que les politiciens ont agi de façon précipitée et peu démocratique. 

Remettre en question toute affirmation ou argumentaire de l’idéologie transgenre est visiblement un terrain miné qui conduit à être accusé des pires anathèmes. Les auteurs de la réplique mentionnent que je suis professeure en informatique et sous-entendent que je devrais m’en tenir à mon domaine d’expertise. Ils se trompent. Ce sujet a des conséquences sur l’ensemble de la société, et le droit de parole n’est pas réservé à un groupe d’initiés. Cela s’appelle la démocratie.

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