Sagan exclu du Tour

Le Slovaque a commis un geste « dangereux » à l’endroit du Britannique Mark Cavendish

D’un côté, la plus grande vedette du cyclisme. De l’autre, un sprinter légendaire à la chasse aux records. Au coude à coude, lancés à 65-70 km/h le long d’une barrière, avec un « trou de souris » comme issue unique...

Seul Peter Sagan est passé, mais à quel prix. Dans une mesure exceptionnelle et controversée, le double champion du monde a été exclu du Tour de France pour un geste « dangereux » commis à l’endroit de Mark Cavendish dans le sprint final de la quatrième étape, hier, à Vittel.

À 100 mètres du fil d’arrivée, Sagan et Cavendish ont voulu prendre la roue du champion français Arnaud Démare. Légèrement en avance, le Slovaque a semblé fermer la porte en levant le coude droit devant le Britannique, qui tentait de se faufiler le long de la barricade. Coincé et déséquilibré, Cavendish a frappé un coussin publicitaire avant de heurter violemment le bitume.

Sagan a poursuivi son chemin pour croiser le fil derrière Démare, qui a enfin signé sa toute première victoire sur le Tour. Deuxième sur la ligne, le meneur de la formation Bora a d’abord été pénalisé de 30 secondes et relégué au 115e rang. Mais après une longue réunion, le jury des commissaires l’a carrément mis « hors compétition » pour un « sprint irrégulier » qui « a mis sérieusement en danger la santé de plusieurs coureurs ».

Après l’arrivée, Sagan a présenté ses excuses à Cavendish. Il s’est défendu d’avoir commis un geste répréhensible. « Je ne savais pas que Cavendish était derrière moi, a-t-il affirmé aux journalistes sur place. Je voulais prendre la roue [de Démare], mais [Cavendish] arrivait très vite de l’arrière. Après, je n’ai pas eu le temps de réagir et d’aller à gauche. Il m’a foncé dessus et il est allé dans la clôture. » Bora en a appelé de la décision du jury des commissaires.

Une première depuis 2010

Cette exclusion est une première au Tour de France depuis celle de Mark Renshaw qui, en 2010, avait donné des coups de tête à un rival en préparation d’un sprint de… Cavendish, son coéquipier actuel chez Dimension Data. En 1997, le Belge Tom Steels avait subi le même sort après avoir lancé un bidon vers le sprinter Frédéric Moncassin.

L’éviction de Sagan revêt une autre dimension en raison de son statut au sein du peloton. Personnage fantasque en proie aux facéties, le cycliste de 27 ans est surtout une bête de course qui domine son sujet d’une tête. Il en avait encore fait l’étalage lundi à Longwy en remportant la troisième étape malgré un pied qui est sorti de sa pédale dans l’emballage final. Le gagnant du dernier Grand Prix de Québec est monté sur le podium avec au cou des lunettes de... motocross.

Sagan s’annonçait comme le grand favori pour enlever un sixième maillot vert de meilleur sprinter, ce qui lui aurait permis d’égaler le record de l’Allemand Erik Zabel.

En sortant de la clinique, le bras droit en écharpe, Cavendish a fait la moue en apprenant l’exclusion de Sagan.

« Je m’entends bien avec Peter », a précisé l’homme aux 30 victoires d’étape sur le Tour, à quatre de la marque d’Eddy Merckx. « S’il s’est déporté, c’est une chose, mais le coude... Je ne suis pas très heureux de ce coup de coude. Comme je l’ai dit, je m’entends bien avec Peter. Une chute est une chute. J’aimerais seulement en savoir plus à propos du coude. »

« Il l’a plaqué ! »

Les avis sont partagés quant à la responsabilité de Sagan. Furieux après avoir traversé la ligne, l’Allemand André Greipel s’est ravisé quelques heures plus tard. « Des fois, je devrais regarder les images avant de dire quelque chose, a admis le troisième de l’étape. Mes excuses à Peter Sagan, je pense que la décision du juge est trop sévère. » Pour Pier-André Côté, nouveau champion canadien du critérium, le Slovaque a plutôt agi par réflexe.

« J’ai l’impression qu’il a sorti son coude après l’impact avec Cavendish, a jugé le membre de l’équipe Silber Pro Cycling. Si tu roules côte à côte avec quelqu’un et que tu perds l’équilibre, le réflexe est de sortir l’épaule ou le coude pour t’appuyer contre lui. »

Ancien cycliste professionnel, François Parisien a fait la même lecture de l’incident, jugeant la sanction contre Sagan « un peu poussée ». « Cavendish essayait de passer un peu dans un trou de souris », a réagi celui qui est maintenant analyste à RDS. 

« À ses grandes années, Cavendish n’affichait pas le plus grand respect pour les autres. C’est peut-être le retour de l’ascenseur. Maintenant qu’il est un ton en dessous, il prend plus de risques. »

— François Parisien

Martin Gilbert, ex-coéquipier de Parisien, croit plutôt que le geste de Sagan « était quand même intentionnel ». « Il l’a plaqué dans les barricades ! », s’est exclamé l’ancien sprinter après avoir visionné la reprise sous deux angles. « C’est très difficile de juger à quel point c’était intentionnel, mais à un moment donné, il faut mettre des limites. »

Les trois cyclistes ont souligné que le jury des commissaires s’était montré impartial en sanctionnant un coureur de la trempe de Sagan.

« Mais c’est très bizarre de la part de Sagan, a souligné Gilbert. Ce n’est pas quelqu’un qui a l’habitude de faire des gestes irréfléchis. Il est raide, fort, il tient sa place, mais il a un esprit sportif qui a du bon sens. »

En soirée, Dimension Data a annoncé que Cavendish avait subi une fracture de l’omoplate. Il ne sera pas du départ aujourd’hui à Vittel. Tout comme Sagan, privant ainsi le Tour de son principal animateur.

Tour de France

Le classement général

1. Geraint Thomas (GBR) 14 h 54 min 25 s

2. Christopher Froome (GBR) à 0 : 12

3. Michael Matthews (AUS) 0 : 12

4. Edvald Boasson Hagen (NOR) 0 : 16

5. Pierre Latour (FRA) 0 : 25

6. Philippe Gilbert (BEL) 0 : 30

7. Michal Kwiatkowski (POL) 0 : 32

8. Tim Wellens (BEL) 0 : 32

9. Arnaud Démare (FRA) 0 : 33

10. Nikias Arndt (ALL) 0 : 34

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