PORTRAITS D’ÉCONOMISTES

Une voix dans le désert

Un ancien militant du mouvement étudiant qui devient directeur de la recherche du très conservateur Institut économique de Montréal, ça semble une trajectoire improbable.

Pas pour Youri Chassin. « Je fais ce que j’ai toujours voulu faire, explique-t-il. Mon travail répond à l’appétit que j’ai pour le débat public. »

C’est son passage à la Fédération étudiante universitaire du Québec, dont il a été vice-président et administrateur, qui a ouvert l’appétit de Youri Chassin. « C’est ça qui m’a donné la piqûre », dit-il.

À l’époque, le mouvement étudiant militait pour la qualité de l’éducation, pas pour une baisse des droits de scolarité, rappelle-t-il. « On voulait des profs, des livres, des ordis. »

Youri Chassin a été bien déçu de la tournure du débat étudiant en 2012. Mais il ne militait plus dans le mouvement depuis un bon bout de temps déjà…

« Avant l’économie, c’est la politique qui m’intéressait. J’ai suivi deux cours d’économie et je me suis aperçu que ça donnait des outils drôlement puissants pour analyser les politiques publiques. »

— Youri Chassin, Institut économique de Montréal

Comprendre comment se font les politiques publiques, les expliquer et chercher à les infléchir, c’est maintenant le métier de Youri Chassin.

Ce n’est pas toujours de tout repos. Quand on propose de se donner des moyens d’évaluer les professeurs et de congédier les incompétents, comme il l’a fait récemment, on se fait des ennemis. Et on porte l’étiquette d’économiste de droite.

« Ça ne me dérange pas, dit le principal intéressé. Les positions de l’Institut détonnent au Québec, c’est vrai. On est souvent la voix dans le désert quand on remet en question le statu quo. »

SE TENIR DEBOUT

Youri Chassin estime toutefois que l’Institut économique n’est plus seul dans son coin. Après 17 ans d’existence, son travail a porté ses fruits. « Aujourd’hui, on est moins des énergumènes, on nous prend plus au sérieux. Et il y a des émules comme Robert Gagné et le Centre sur la prospérité de HEC Montréal. »

Il est souvent difficile de se tenir debout quand on est tout seul, mais le chercheur ne changerait de place pour rien au monde. « C’est un emploi de rêve », maintient-il.

L’Institut économique de Montréal a beau être à droite du spectre, il n’est pas anti-gouvernement, plaide-t-il.

Lui-même est considéré comme un modéré au sein de l’organisation, qui fonctionne un peu comme un conseil des ministres. « On prend une décision et on se rallie », précise-t-il.

Il se dit profondément insatisfait de la pauvreté du Québec et déplore la volonté de se doter malgré tout de programmes sociaux toujours plus généreux.

L’économiste ne renie pas pour autant ses années de militantisme. Dans ses temps libres, il s’occupe de logement social et fait du bénévolat pour Gai Écoute.

Économistes

Faut-il privatiser Hydro-Québec ?

LA RÉPONSE DE YOURI CHASSIN

Oui

« Une privatisation partielle d’Hydro-Québec (HQ) aurait deux avantages principaux, à mon avis. L’industrie de l’énergie est très vigoureuse sur le plan mondial. De nombreuses entreprises possédant des expertises très pertinentes pourraient souhaiter prendre des parts dans HQ, y compris des entreprises québécoises. Le gouvernement utilise présentement HQ à des fins politiques, pour subventionner divers secteurs (alumineries, producteurs en serres) et parfois pour favoriser des régions (achat d’énergie éolienne surtout concentrée en Gaspésie). La privatisation partielle aurait pour conséquence de dépolitiser la société d’État. »

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