Opinion  Le Québec dans l’œil du monde

Le supermarché de l’information

Vous êtes-vous jamais demandé si vous étiez trop informés ?

Du lever à votre arrivée au bureau, vous avez déjà été exposés à une quinzaine de nouvelles. À 10 h, votre quotidien a du poil au menton. La nouvelle vieillit très rapidement. À midi, 80 % des nouvelles du matin se sont transformées ou sont déjà remplacées par autre chose.

Il y a 25 ans, le Québec comptait 300 médias traditionnels en incluant les hebdos. Maintenant, près de 400 médias publient ou diffusent de l’information plusieurs fois par semaine dont moins de la moitié sont des médias traditionnels.

Pour satisfaire la soif de contenu des chaînes d’information en continu est apparu le facteur de répétition. Le 11 septembre 2001, vous avez vu un avion s’encastrer dans une tour plus de neuf fois chaque heure. Aujourd’hui, même la nouvelle la plus insignifiante bénéficie souvent d’un traitement similaire.

Le volume global de sujets abordés par les médias croît chaque année. Or, nos journées ont encore 24 heures et les quotidiens ne sont pas plus volumineux.

Comment font-ils ?

Au début des années 2000, 65 % des nouvelles disparaissaient en 24 heures ou moins. Aujourd’hui, 75 % des véritables nouvelles meurent en moins de 120 minutes. Ironiquement, les fake news documentées vivent quant à elles quatre heures et plus.

Nous vivons une période du consommé-jeté en information.

Cela fait également partie du plan d’affaires des médias. Demeurer compétitifs en traitant du plus grand nombre de sujets possible pour ne pas se faire damer le pion par la concurrence. Le résultat ? Des sujets que l’on épuise rapidement.

Je me souviens d’une époque où l’on enseignait qu’au moment où les chroniqueurs et éditorialistes s’emparaient d’un sujet, la nouvelle était en phase terminale. Ceux-ci s’exprimaient généralement après tout le monde pour avoir plus de recul. Il est impossible d’appliquer le même principe aujourd’hui.

La nouvelle n’a pas encore fini d’évoluer que l’on a déjà des chroniques, des commentaires et beaucoup de coups de gueule. Plus du quart de l’information imprimée est constituée d’opinions. Prenez une quelconque étude ou un rapport rendu public et, en moins d’une heure, les médias en ont fait le tour. Le sommaire de direction fait le travail. Pourquoi se taper 350 pages alors qu’avant que vous ayez terminé votre café, la nouvelle sera morte ?

Nous sommes la génération des perceptions au micro-ondes. Bip ! Voilà une nouvelle idée.

Nos opinions se forgent sur de l’information de surface parce que nous avons de moins en moins de temps pour faire le point. Nous surfons sur nos convictions. Ça affaiblit la vigueur du débat.

Pas facile de s’y retrouver. Difficile de demeurer fidèle à des marques ou à des idées. On est de plus en plus sollicités avec de moins en moins de temps pour comprendre.

Nos ancêtres avaient une connaissance très verticale. Les miens auraient pu vous parler de la culture de la patate pendant des heures. Pour ma part, la surabondance d’information m’a doté d’une intelligence très horizontale. Je pourrais vous parler de presque n’importe quoi, mais… pas longtemps !

Quoi faire alors ?

Encore une fois, la solution repose sur des actions très individuelles et non sur nos médias. Diversifions nos sources d’information pour comparer, juger et prendre une distance. Même si nos médias ont momentanément abandonné un sujet d’actualité, faire l’effort de chercher un complément d’information est un départ honnête. Ne pas se laisser dicter nos intérêts par la « saveur du moment ».

Et si, certains jours, on prenait une pause de l’opinion pour ne lire et ne voir que de la nouvelle ?

Et si on remplaçait le cynisme par la curiosité ?

Et si on cherchait à savoir plutôt que de trouver l’opinion qui nous convient ?

Nous savons de plus en plus de choses, mais nous avons de moins en moins les moyens de les comprendre. C’est un paradoxe à une époque où nous disposons de tous les moyens pour bien jauger notre environnement public. Le poisson est en train de se noyer.

C’est à se demander ce que nous attendons réellement de notre écosystème médiatique.

Cherchons-nous d’abord à être divertis, outillés ou remis en question ?

Pour paraphraser un ami, j’ai parfois l’impression que nous consommons l’actualité pour nous magasiner une opinion…

L’édition espagnole du magazine GEO comprend 40 pages sur le Québec.

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