CRISE DU RECYCLAGE

Quatre centres de tri pourraient fermer

La crise du recyclage s’aggrave. Les centres de tri de Montréal, de Châteauguay et de Saguenay du groupe TIRU ont l’intention de fermer leurs portes. Le gouvernement se réunira d’urgence vendredi pour trouver une solution, a appris La Presse.

Des options sont sur la table : trouver un repreneur, ou encore injecter des fonds pour donner de l’oxygène à TIRU. Les 20 millions en cinq ans annoncés dans le dernier budget s’avèrent insuffisants pour soutenir les centres de tri, incapables d’écouler leurs stocks, notamment de papier. La fermeture des marchés chinois et indien leur fait mal.

Le gouvernement Legault a été alerté au cours des derniers jours d’une fin prochaine des activités dans les centres de tri de TIRU. « La menace, elle est réelle, elle est sérieuse », a affirmé le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, lors d’un entretien avec La Presse, mercredi.

TIRU fera « possiblement une annonce dans les prochains jours » sur une cessation des activités, selon lui.

« Dès qu’on a eu écho de cette possibilité bien réelle, on a mis en place des mesures », a-t-il ajouté. « On regarde, sans rien pouvoir confirmer à ce moment-ci, s’il n’y a pas un repreneur qui pourrait être disposé » à prendre la relève.

La rencontre de vendredi réunira des représentants du gouvernement, de la Ville de Montréal, de Recyc-Québec et de TIRU.

La fermeture des centres de tri aurait un impact majeur pour Montréal. 

150 000

Les deux centres de tri de Montréal, celui de Saint-Michel et le nouveau de Lachine, traitent plus de 150 000 tonnes de matières par année en provenance de l’agglomération.

« Ça nous préoccupe, a reconnu la mairesse Valérie Plante. On sait qu’on a de la difficulté à écouler nos papiers mixtes, avec les décisions de la Chine et maintenant de l’Inde. Il faut vraiment qu’on trouve des solutions. »

Mme Plante veut éviter que les matières recyclables ne prennent le chemin du dépotoir. « Mais en même temps, la Ville de Montréal a difficilement la capacité de donner encore plus d’argent dans ces centres-là. On a besoin de Québec », a-t-elle ajouté.

En 2018, l’administration Plante avait débloqué 29 millions pour empêcher la fermeture du centre de tri de Saint-Michel.

« Éviter l’enfouissement »

« La solution facile dans tous les cas, celle que l’on veut éviter, c’est l’enfouissement », a dit de son côté le ministre Charette. Il a rappelé qu’au cours des derniers mois, des États américains avaient renoncé au recyclage et avaient recours à l’enfouissement, « et c’est ce qu’on veut éviter à tout point de vue ».

Trouver un repreneur, « c’est quelque chose qui doit être envisagé pour [éviter] que les opérations du jour au lendemain cessent. On parle quand même de grands centres, et on peut imaginer ce que ça représente comme volume ».

M. Charette compte annoncer un plan prochainement pour moderniser les centres de tri et améliorer le système de recyclage. « Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’aide ponctuelle pour une situation particulière, mais il ne faut pas se limiter, comme ç’a été le cas au cours des dernières années, à dire que dès qu’il y a un centre de tri qui lève la main, on y va d’une aide ponctuelle. Il faut revoir [le système], remonter aussi loin dans la chaîne que la collecte sélective, remonter aussi loin dans les démarches qu’à la standardisation ou la qualité qui est produite de ces centres de tri. Pour trouver des débouchés à de la matière, c’est très, très difficile lorsque l’on n’arrive pas à justifier une qualité minimale », a-t-il expliqué.

Le ministre Charette a souligné que les 20 millions en cinq ans annoncés dans le budget pour la modernisation des centres de tri, « ça ne sera[it] pas suffisant, on en a déjà la garantie ».

Il annoncera d’ici la fin du mois un système de consigne sur les bouteilles d’eau en plastique et les bouteilles de vin qui se concrétisera partout au Québec après les élections de 2022. C’est un dossier qui traîne depuis longtemps à Québec.

Benoit Charette accuse d’ailleurs les gouvernements précédents de ne pas avoir agi alors que la crise du recyclage se profilait clairement. Des rapports sur cet enjeu ont été mis de côté, et des recommandations ont été ignorées, selon lui.

Un acteur majeur

Le Groupe TIRU, filiale de la multinationale française EDF, est responsable de 4 des 26 centres de tri du Québec par l’entremise de ses entreprises Rebuts Solides Canadiens et Compagnie de papiers MD.

TIRU gère ainsi les opérations des deux centres de tri de Montréal ainsi que de ceux de Saguenay et de Châteauguay – ce dernier étant le seul dont il est également propriétaire.

Environ 300 000 tonnes de matières recyclables transiteraient ainsi chaque année par les installations gérées par le Groupe TIRU, estime un acteur du milieu qui a demandé à La Presse de taire son identité parce qu’il n’est pas autorisé à dévoiler cette information.

Recyc-Québec, qui a les données propres à chaque centre de tri, affirme qu’elles « ne peuvent être communiquées à une tierce partie », a déclaré à La Presse sa porte-parole, Brigitte Geoffroy.

Le Groupe TIRU était aussi responsable des opérations du centre de tri de Longueuil, mais a mis fin à ses activités en novembre dernier en raison de son incapacité à obtenir une couverture d’assurances pour cet établissement.

Les matières qui y étaient traitées ont été réacheminées principalement vers les centres de tri de Châteauguay et du complexe environnemental Saint-Michel, à Montréal.

Absence de débouchés

La Presse rapportait lundi que l’Inde avait considérablement restreint ses importations de papiers mixtes depuis décembre, emboîtant ainsi le pas à la Chine, qui avait fait de même il y a deux ans.

Les centres de tri ont donc de plus en plus de difficulté à écouler ces matières, composées notamment de cahiers publicitaires et de journaux, de boîtes de céréales et d’autres papiers que les Québécois mettent dans leur bac de récupération.

D’ailleurs, La Presse rapportait vendredi dernier le débordement du centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel, à Montréal, et de celui de Châteauguay, gérés par le Groupe TIRU, une situation que l’entreprise attribuait notamment à la difficulté de trouver preneur pour le papier.

Cette fois, le Groupe TIRU n’a pas répondu aux questions de La Presse.

Benoit Charette a constaté que le centre de tri de Saint-Michel débordait lorsqu’il s’est rendu à la TOHU, située tout près, pour un événement public. Des amoncellements de matières pêle-mêle et des ballots de papiers se trouvaient à l’extérieur. « Tout ce qu’on voyait à l’extérieur en plein hiver, et il neigeait… Si tu veux que ton papier mixte maintienne un minimum de qualité, tu ne peux pas l’exposer en permanence aux intempéries », a-t-il affirmé.

« Il est grand temps »

Recyc-Québec dit de son côté travailler à une solution avec les parties concernées.

« La situation confirme la nécessité de revoir le système de collecte sélective au Québec et des annonces seront faites en ce sens prochainement », a indiqué la porte-parole Brigitte Geoffroy.

Éco Entreprises Québec (ÉEQ), l’organisme qui représente les entreprises fabriquant et vendant sur le marché québécois contenants, emballages et imprimés et qui finance la collecte sélective, abonde dans le même sens.

« Il est grand temps que la modernisation de la collecte sélective se mette en place et que les entreprises jouent un rôle accru alors qu’elles financent le système de collecte sélective depuis 15 ans », a déclaré à La Presse la porte-parole de l’organisme, Yourianne Plante.

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