Santé

Québec veut revoir les hausses salariales des médecins

Alors que s’amorce une nouvelle ronde de négociations entre Québec et ses médecins, le ministre Gaétan Barrette a invité les fédérations médicales à rouvrir leurs ententes pour revoir les hausses de rémunération qui doivent leur être versées au cours des prochaines années. Une offre aussitôt critiquée par les fédérations.

Début des négociations

Sans entente depuis mars 2015, les médecins ont entamé leurs négociations avec Québec, hier. Le ministre Barrette leur a aussitôt lancé un message clair : selon lui, le rattrapage avec les médecins du reste du Canada « est fait ». Et si la tendance se maintient, les médecins du Québec seront même mieux rémunérés que leurs collègues canadiens au cours des prochaines années, selon le ministre. « La viabilité de notre système de santé est en jeu », a déclaré M. Barrette, qui invite les médecins à revoir leurs ententes.

Hausse de la rémunération

Lorsqu’il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Gaétan Barrette a lui-même négocié d’importantes hausses de rémunération pour ses membres. Compte tenu de l’état des finances publiques, les fédérations médicales ont par la suite accepté d’étaler ces hausses dans le temps. Depuis 2011, la hausse annuelle de la rémunération des médecins québécois s’est élevée en moyenne à 7,4 %. Et d’autres hausses sont prévues jusqu’en 2021. À cela s’ajoute une clause remorque qui permettra aux médecins de bénéficier des augmentations accordées aux employés de l’État (5,25 % sur trois ans).

Des dépenses par habitant de 875 $

Le ministre Barrette souligne que lorsqu’il a négocié les hausses de rémunération des médecins, l’objectif était de « rattraper la moyenne canadienne pour faire en sorte que la rémunération soit compétitive » au Québec. Selon des données présentées hier par le ministre, les dépenses par habitant pour les médecins s’élèvent aujourd’hui à 875 $ au Québec, soit un écart de - 10,9 % avec l’Ontario (970 $). « Ça indique que le rattrapage est fait », dit-il.

Écart de rémunération entre les médecins du Québec et ceux du reste du Canada

1975 - 10 %

1991 - 70 %

2006 - 47 %

2015 - 10,9 %

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Un statu quo « inacceptable »

Selon M. Barrette, le rattrapage avec les autres provinces « s’est accéléré » au cours des dernières années, notamment parce que les hausses de rémunération des médecins des autres provinces ont « ralenti », une situation qui n’avait pu être prévue. L’Alberta vient de signer une entente prévoyant des hausses de 1,5 % sur deux ans pour ses médecins et l’Ontario a quant à lui une entente prévoyant des hausses de 2,5 % sur cinq ans. « Donc si la tendance se maintient, le Québec va rattraper l’Ontario et, à terme, la moyenne canadienne », dit M. Barrette. Selon lui, le statu quo « est inacceptable ». Le ministre se défend de « renier » les ententes qu’il a lui-même négociées. « Mais on invite les fédérations médicales à mettre à jour ces ententes sur la base de leur finalité, soit le rattrapage et non le dépassement de la moyenne canadienne », affirme le ministre, qui croit avoir l’appui de la population et d’une « majorité de médecins » avec cette demande.

2010-2011

30,8

milliards

Dépenses en santé

15,6 %

Part des médecins

2014-2015

32,2

milliards

Dépenses en santé

20,2 %

Part des médecins

Aucun recul prévu chez les médecins

Selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Québec « doit respecter les engagements convenus ». « Après tout, si l’État renie continuellement sa signature et ses engagements, comment faire confiance à nos élus dans un tel contexte et à quoi bon négocier, tout simplement ? », plaide le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin. Il affirme que les médecins de famille québécois « ont de tout temps agi de manière responsable » et qu’ils continueront de le faire. Le Dr Godin a aussi précisé que l’écart de rémunération entre les médecins omnipraticiens québécois et ontariens est « beaucoup plus élevé » que le chiffre de 10,9 % avancé par le ministre.

La FMSQ, qui représente 10 000 médecins spécialistes, accuse pour sa part le ministre Barrette de faire « cavalier seul ». « Comment peut-on accorder de la crédibilité à Gaétan Barrette, lui qui renie sa première signature, en novembre 2014, en tant que ministre de la Santé ? Pourtant, le ré-étalement de l’entente de 2006 et la clause remorque étaient ses propositions », a écrit la FMSQ, qui souligne avoir « toujours été de bonne foi dans ses négociations » et dit « en exiger autant du ministre ».

Gel réclamé

Tant la Coalition avenir Québec (CAQ) que le Parti québécois (PQ) ont réclamé hier un gel de la rémunération des médecins. Le porte-parole de la CAQ, François Paradis, a indiqué que depuis 2007, les revenus moyens nets des médecins de famille ont augmenté de 60 %, pour atteindre 231 000 $, alors que les médecins spécialistes ont vu ces revenus bondir de 77 %, pour passer à 439 000 $. « En 2016, les médecins gagnent suffisamment », dit-il. Selon la députée péquiste et porte-parole en matière de santé Diane Lamarre, M. Barrette n’est « pas apte à négocier » avec les fédérations médicales et un groupe d’experts devrait être nommé pour superviser les pourparlers afin de s’assurer que les services à la population soient améliorés.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

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