Protection de la jeunesse

Alors que les conclusions de l’enquête interne sur la mort de la fillette de Granby étaient dévoilées hier, l’histoire d’un enfant autiste placé dans un foyer pour adolescents où il a été battu à répétition a fait réagir à Québec. Compte rendu de la journée.

Enfant autiste battu dans un foyer pour ados

Pas d’enquête sur la DPJ de la Montérégie

Québec — Aucune enquête ne sera lancée sur la DPJ de la Montérégie, qui a placé un enfant autiste de 6 ans dans un foyer pour adolescents où il a été battu à plusieurs reprises.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a indiqué que le cas du jeune enfant, révélé hier par La Presse, a été pris en charge « localement » par la DPJ. Aucune enquête n’a été lancée dans la foulée de l’affaire, a-t-il dit.

« Cet enfant n’était peut-être pas placé au bon endroit, avec des adolescents », a concédé le ministre. 

« Il faut éviter que la situation se reproduise. Il faut que les ressources puissent suivre les enfants de plus près. Donc, on a besoin de plus de ressources dans les DPJ pour éviter ce genre de situation. »

— Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Il s’en remet à la DPJ locale pour la suite des choses. Ce même organisme a placé le garçon dans un foyer pour adolescents. Là-bas, il a été frappé, mordu, griffé et étranglé. Il a fallu l’intervention d’une juge pour qu’il soit finalement déplacé.

Est-ce que le foyer où l’enfant a été placé est toujours en activité ? Le ministre Carmant n’a pas répondu à la question. « La DPJ m’a dit que les enfants étaient en sécurité actuellement », a-t-il dit.

Le ministre entend injecter de nouvelles ressources dans la protection de la jeunesse, et il a promis des annonces « prochainement ».

« Terrible »

Plus tôt dans la journée, François Legault a qualifié cet épisode de « terrible ».

« Il faut tout faire pour protéger nos enfants qui sont dans des familles d’accueil. C’est inacceptable, ce qui est arrivé. »

— Le premier ministre François Legault

La ministre de la Santé, Danielle McCann, a pour sa part qualifié la situation de l’enfant de 6 ans d’« absolument déplorable ». Elle a dit ne pas encore savoir comment cet enfant a pu se retrouver dans un établissement où il a été maltraité par des enfants plus âgés que lui.

Elle a toutefois convenu que des problèmes plus larges touchent le réseau. Elle a assuré que le gouvernement s’y attaquera sous peu.

« C’est un ensemble de facteurs qui fait en sorte qu’il y a des situations comme ça qui se produisent, a dit la ministre McCann. Et nous, ce qu’on veut, c’est y remédier totalement. Évidemment, on aimerait procéder plus rapidement encore et que ça ne se passe plus. Mais ce sont des mesures majeures qu’il faut prendre dans le réseau actuellement. »

De l’action, demande l’opposition

Le Parti libéral a appelé le gouvernement Legault à agir rapidement dans ce dossier.

« Ça m’affecte profondément, j’en suis très émue, parce que je suis mère de deux enfants qui sont sur le spectre de l’autisme », a affirmé Jennifer Maccarone, parole-parole de l’opposition officielle en matière de famille.

« Le gouvernement doit agir rapidement. Le temps est venu. Je comprends que la situation peut être difficile, mais on est toujours en attente d’un plan. »

— Jennifer Maccarone, porte-parole libérale en matière de famille

À la fin de mai, Québec a lancé la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dirigée par l’ex-syndicaliste Régine Laurent. Ce groupe réunit tous les partis politiques et doit proposer des mesures pour faire le ménage dans la prise en charge des enfants vulnérables.

— Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

Mort de la fillette de Granby

Le « système au complet » a failli

Personne n’est à blâmer pour la mort d’une fillette de 7 ans à Granby, a conclu le rapport d’enquête interne rendu public hier par le CIUSSS de l’Estrie-CHUS. C’est plutôt le « système au complet » qui a failli à la protéger.

L’enfant est morte de ses blessures après avoir été trouvée ligotée dans le domicile de son père et de sa belle-mère. Elle était suivie depuis plusieurs années par la DPJ de l’Estrie.

Or, personne à la DPJ n’a commis de faute dans le traitement de son dossier, conclut l’enquête interne lancée dans la foulée du drame. Il s’agit plutôt du « système au complet qui a failli de plusieurs façons et à plusieurs moments », peut-on lire dans les conclusions.

« L’enquête nous a démontré qu’il n’y avait pas un événement qui a influencé fortement la fin de vie de cette jeune fille-là », a dit en entrevue téléphonique le président-directeur général du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie–Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CIUSSS de l’Estrie–CHUS), le Dr Stéphane Tremblay.

« Par contre, l’enquête a démontré aussi que l’établissement et le système actuel ont présenté à quelques moments ou à plusieurs moments des failles, et c’est sous la responsabilité de notre établissement. »

— Le Dr Stéphane Tremblay, président-directeur général du CIUSSS de l’Estrie–CHUS

La fillette a été suivie toute sa vie par la protection de la jeunesse et elle a reçu une « panoplie de services ». Selon le rapport, l’engagement des intervenants et des gestionnaires du réseau à son endroit ne fait guère de doute.

Sauf qu’une « succession d’événements qui n’auraient pas dû se produire ont placé cette enfant dans une situation à haut risque avant son décès », constate le rapport.

Améliorer le suivi

Le document propose 14 recommandations pour améliorer le suivi des enfants vulnérables.

Parmi ces recommandations, on retrouve celles de « s’assurer que les intervenants en protection de la jeunesse se rendent dans le milieu de vie des enfants le plus souvent possible », d’harmoniser les services en CLSC et de revoir la Loi sur la protection de la jeunesse pour pouvoir intervenir auprès des conjoints des parents. Les divers intervenants sont aussi invités à mieux communiquer et collaborer.

Des travailleurs sociaux ont déjà sonné l’alarme sur la lourdeur de leurs tâches. Le Dr Tremblay admet que beaucoup de travail administratif est demandé aux intervenants et qu’il faudra revoir certains volets. 

« Il y a certaines recommandations qui demandent une réflexion de notre société, qui probablement seront répondues lors de la commission nationale sur les droits et la protection de l’enfance. »

— Le Dr Stéphane Tremblay, président-directeur général du CIUSSS de l’Estrie–CHUS

Le Dr Tremblay reconnaît que les recommandations sont basées sur le principe d’avoir les bonnes ressources au bon moment. L’une d’elles aborde d’ailleurs la nécessité d’« intensifier les démarches pour attirer et retenir le personnel en protection de l’enfance et de la jeunesse ».

Certains éléments sont sous la responsabilité du CIUSSS, d’autres doivent être revus sur le plan national, juge le Dr Tremblay. Le manque de ressources ne peut pas être un obstacle. « Au-delà de l’argent, qu’un enfant de 7 ans décède, fort probablement en lien avec de la maltraitance, et l’enquête policière nous le démontrera, je ne pense pas que ça a un coût dans notre société », a-t-il ajouté.

Les recommandations « vont être appliquées »

Les recommandations seront toutes suivies, a assuré le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant.

« Il faut attendre les autres enquêtes avant de blâmer quelqu’un, a indiqué le ministre. Mais on a pris les recommandations, et elles vont être appliquées. »

L’enquête policière se poursuit. Le coroner et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n’ont pas encore rendu leurs conclusions.

Le père de la fillette de 7 ans, morte à la fin d’avril, a été accusé de séquestration, de négligence criminelle ayant causé la mort, d’avoir omis de fournir des choses nécessaires à la vie de la fillette et d’abandon d’enfant. Sa conjointe est accusée de meurtre non prémédité, de séquestration et de voies de fait graves.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.