Enfant oublié dans une voiture

« Est-ce qu’il va falloir attendre la prochaine mort ? » 

L’ex-coroner Michel Ferland réclame de nouveau l’installation d’un dispositif d’alarme sur les sièges d’auto pour enfants

L’ancien coroner Michel Ferland s’explique mal qu’une tragédie comme celle qui a coûté la vie à un bébé oublié toute une journée dans une voiture, mercredi à Saint-Jérôme, puisse encore survenir en 2016 : il y a 12 ans, il avait fait à Transports Canada des recommandations qui, si elles avaient été appliquées, auraient pu selon lui réduire grandement le risque qu’un tel accident se reproduise.

Dans son rapport de 2004 sur le décès de la petite Audrey Dubé-Martin, morte d’hyperthermie l’année précédente après que son père l’eut oubliée dans la voiture familiale, le coroner Ferland recommandait à Transports Canada de « développer, de concert avec les fabricants d’automobiles et de sièges d’auto pour enfants, un dispositif d’alarme indiquant la présence d’un enfant dans le siège, quand le conducteur coupe le moteur et quitte son véhicule ».

MFerland, qui a été coroner pendant 20 ans avant de prendre sa retraite en juin, suggérait qu’un tel dispositif devienne un équipement de série sur tous les véhicules vendus au Canada.

« De nos jours, il y a des senseurs pour tout dans les voitures, mais pas pour ça. Je ne comprends pas. Est-ce qu’il va encore falloir attendre la prochaine mort ? », a-t-il commenté quand La Presse l’a joint au téléphone.

« Qu’est-ce que ce serait d’avoir un senseur qui nous donne une alarme quelconque quand on éteint le moteur pour nous rappeler qu’il y a quelqu’un dans le siège pour bébé à l’arrière ? » — L’ancien coroner Michel Ferland

À l’époque où il a rédigé son rapport, des signaux d’alerte existaient déjà pour une foule de choses dans les voitures : la ceinture de sécurité, les phares, le niveau d’essence ou de lave-glace, par exemple. Mais depuis, souligne-t-il, les constructeurs ont rivalisé d’ingéniosité : caméras arrière, signal d’avertissement quand on dévie de sa voie ou qu’une autre voiture est dissimulée dans l’angle mort du conducteur. « Et ce n’est pas juste à bord des voitures de luxe ! », relève-t-il.

DES SOLUTIONS AUX ÉTATS-UNIS

Transports Canada, qui n’a pas répondu hier à notre demande d’information, n’a jamais donné suite aux recommandations du coroner. L’idée de MFerland semble toutefois commencer à trouver un écho au sud de la frontière. Une start-up de Tampa, en Floride, Sense a Life, espère offrir d’ici le printemps prochain un système d’alerte utilisable dans tous les sièges pour enfants, a indiqué hier son PDG, Fadi Shamma, qui a fondé la société avec un voisin ingénieur électrique.

Le système de Sense a Life, en attente d’un brevet, requiert à peine 30 secondes pour son installation, fonctionne avec la technologie Bluetooth et ne nécessite aucun branchement. Il repose sur un capteur installé sous l’enfant et capable de détecter un minimum de deux livres de pression. Lorsque le conducteur quitte le véhicule, son départ est observé par un détecteur optique et un avertissement verbal retentit immédiatement pour rappeler la présence d’un enfant à l’automobiliste, qui reçoit de plus une alerte sur son téléphone intelligent. En l’absence de réaction, une deuxième alerte peut même être envoyée à un autre membre de la famille.

« Il y a trois couches de protection. On préfère que vous soyez gêné que de laisser mourir un enfant », dit M. Shamma, lui-même père de jeunes enfants.

Les morts d’enfants par coup de chaleur dans les voitures sont un véritable problème aux États-Unis, souligne-t-il. « Un enfant en meurt tous les neuf jours en moyenne, dit-il. On est rendu à 27 morts cette année, alors qu’on en avait eu 25 l’an dernier. »

S’il voit le jour – M. Shamma dit être en pourparlers avancés avec un important manufacturier électronique –, le système de Sense a Life devrait coûter « largement moins que 100 $ » et sera compatible avec tous les sièges d’auto pour enfants. En attendant, au moins un autre système, Driver’s Little Helper, est déjà sur le marché.

Au moins un fabricant de sièges, Evenflo, offre un modèle doté d’un système d’alerte. Le siège d’Evenflo n’est toutefois pas compatible avec les voitures antérieures à 2008. L’entreprise n’a pas rappelé La Presse, mais une recension des principaux détaillants de sièges d’auto à Montréal semble indiquer que le modèle n’est pas offert au Canada.

La SQ enquête toujours

La Sûreté du Québec n’a pas terminé son investigation sur les circonstances qui ont mené à la mort du bébé de moins de 12 mois, mercredi à Saint-Jérôme. « On collige toujours différents éléments d’enquête et par la suite, un dossier sera éventuellement transmis aux procureurs pour être soumis à leur appréciation, s’il y a lieu », s’est borné à indiquer le sergent Claude Denis.

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