RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

La vie après le viol

Arme de guerre utilisée dans nombre de conflits, le viol laisse des victimes stigmatisées. Mais il y a une vie après le viol, tant pour les victimes que pour les enfants qui en sont issus. C’est ce que souligne la campagne Look at me, I am beautiful (Regardez-moi, je suis belle), qui présente une série de clichés de la photographe belge Patricia Willocq. La Presse s’est entretenue avec elle.

Le rose de sa longue robe détonne avec le vert du treillis des militaires qui l’entourent, une gerbe de fleurs de bougainvilliers attachée au canon de leur arme. Dans ses bras, la femme tient un enfant. Un enfant né à la suite d’un viol.

L’image, puissante, est au centre d’une campagne photo visant à braquer les projecteurs sur les victimes de violences sexuelles. La série de clichés a été prise en République démocratique du Congo, mais « c’est un problème qui existe vraiment partout dans le monde », souligne Patricia Willocq.

La photographe belge de 34 ans, qui est née et a passé une partie de son enfance au Congo, a lancé le projet avec une amie. Les deux jeunes femmes souhaitaient aborder la question « de manière un peu plus positive », sans inspirer « la pitié », explique Mme Willocq.

« Ces femmes ont été victimes de violences sexuelles, mais elles sont survivantes. Maintenant, elles aspirent à une vie normale. »

— Patricia Willocq

Le projet montre « toutes les étapes de la vie d’une femme », explique la photographe : « la naissance, la rentrée à l’école, le mariage, la maternité, le travail et puis quand elles sont grands-mères ».

La série de photos ne met en scène aucun comédien, il montre des femmes qui ont réellement subi des violences sexuelles, des enfants issus de viols ou des familles de victimes. Même les militaires sont authentiques.

« On voulait montrer le vrai rôle des militaires, dit Patricia Willocq, c’est-à-dire de protéger la population. » Dans un pays où les militaires sont davantage réputés pour leurs exactions que pour leurs faits d’armes, l’image est un symbole fort.

MONTRER LA BEAUTÉ

Le projet a été réalisé en collaboration avec l’organisation non gouvernementale HOLD-DRC, qui soutient les victimes de violences sexuelles en les aidant à réintégrer la société.

Le titre de la campagne, Look at me, I am beautiful (Regardez-moi, je suis belle), affirme une volonté de se débarrasser de l’étiquette de victime qui colle à la peau de ces femmes souvent rejetées, de « sensibiliser sans stigmatiser ».

Son impact s’est d’ailleurs fait sentir dès la séance de photos, réalisée en août. « La première remarque que beaucoup [de participantes] nous ont faite, c’est “ah mais je suis belle, je peux me marier, maintenant” », raconte Patricia Willocq.

L’organisation n’a toutefois pas été simple. Par crainte de représailles, les photos n’ont pas été publiées tout de suite, les noms des participantes ont été changés et leurs histoires ont été inversées.

Les deux instigatrices du projet auraient souhaité lancer officiellement la campagne le 8 mars, Journée internationale de la femme, mais elles devront probablement patienter un peu plus longtemps, le temps de mettre au point certains détails.

Patricia Willocq souhaite organiser des expositions un peu partout dans le monde durant la prochaine année. Elle cible Kinshasa, Londres, Genève… L’objectif est de trouver des partenaires internationaux et des fonds pour assurer la pérennité de HOLD-DRC.

Si le projet obtient du succès, la photographe envisage une suite dans d’autres pays qui sont le théâtre de conflits, pour ne « pas s’arrêter au Congo », dit-elle. « L’Ukraine, ça me parle assez, pour l’instant. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.