Opinion : Santé publique

Et si on se préoccupait du bruit…

On peut trouver normal qu’il y ait du bruit*, car il y en a presque partout. Mais quand le bruit perturbe notre milieu de vie, surtout en sachant qu’il peut avoir des répercussions sur notre santé, il est temps d’agir. Nous avons la responsabilité de changer les choses, comme citoyen et membre d’une collectivité.

Pourquoi agir ?

À cause de ses effets

Le bruit est plus qu’une nuisance ; il a des effets sur la santé et la qualité de vie. C’est un problème de santé publique aux nombreuses conséquences physiques, psychologiques et sociales : troubles du sommeil, de concentration, de mémoire, d’apprentissage, de compréhension ; dérangement, fatigue, hypertension, infarctus, risques d’accidents, etc.

C’est la deuxième menace environnementale pour la santé, après la pollution de l’air.

À cause de ses coûts

Au Québec, les coûts sociétaux des effets du bruit environnemental sont estimés à environ 830 millions de dollars pour la seule année 2017. Il s’agit des coûts pour intervenir, corriger ou réduire le bruit, mais aussi des coûts de l’inaction et des conséquences (coûts de santé, pertes de valeurs immobilières, etc.).

À cause du grand nombre de lieux bruyants et de personnes exposées

En 2014-2015, 1 125 000 Québécois de 15 ans et plus ont déclaré avoir été fortement dérangés par une source de bruit à leur domicile au cours des 12 mois précédents (EQSP, 2016).

Une multitude de gens vivent à proximité d’une source de bruit (autoroute, voie ferrée, aéroport, industries) et sont exposés, la nuit, à un niveau de bruit qui dépasse le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, pour protéger le sommeil.

Ce phénomène empire avec la densification.

Certains quartiers défavorisés avoisinent souvent plusieurs sources bruyantes. Les enfants qui y vivent et fréquentent la garderie ou l’école du quartier peuvent subir ce bruit jusqu’à 24 heures sur 24.

Comment agir ?

Agir avant que le bruit devienne fléau

Au Québec, 10 ministères et 11 organisations se partagent des responsabilités en matière de bruit. Depuis que la Politique gouvernementale de prévention en santé a vu le jour en 2017, un plan d’actions a été lancé et inclut le bruit. Les ministères ont déjà amorcé un travail collaboratif afin de réduire le bruit et d’améliorer la qualité de vie des citoyens. On salue cette collaboration, puisque des actions isolées contre le bruit auront peu d’effet.

D’autres solutions peuvent aussi être proposées : une politique publique sur le bruit ; une réglementation et des critères harmonisés ; la déclaration et l’étiquetage des niveaux de bruit…

Un travail concerté de toutes les organisations, incluant les municipalités, permettra de véritables changements et l’application de solutions efficaces. Les municipalités commencent à en connaître plus sur les méfaits du bruit. Les informer et les outiller permettra une planification urbaine qui atténuera le bruit de manière durable, en concevant, par exemple, des habitations bien disposées, suffisamment séparées par des espaces sécuritaires, végétalisés, ou par des édifices bloquant la propagation du bruit. Les municipalités pourront densifier en planifiant des zones compatibles au voisinage de secteurs résidentiels, en préservant les zones calmes, tout en prévoyant les futurs changements (trafic augmenté, nouvelles industries, etc.).

Agir après, quand le bruit est trop présent

Quand le bruit devient source de plaintes, c’est un indice qu’il y a un problème. Il faudrait arrêter de coller une étiquette négative à une population particulièrement exposée au bruit, qui réclame son droit au répit, et plutôt encourager les citoyens à documenter le bruit et à s’impliquer dans les décisions municipales. La gestion des plaintes est instructive et nécessaire.

Enfin, la communication est un enjeu majeur, essentiel pour arriver à trouver des solutions.

Sur quoi agir ?

Sur plusieurs fronts. Pour bien s’attaquer au problème, on devrait envisager plusieurs mesures de réduction du bruit. Voici quelques exemples d’actions à combiner : 

Sources de bruit

– Revoir les moments et la fréquence d’événements bruyants (heures, critères pour la nuit).

– Contrôler le nombre et le type de véhicules en circulation.

– Davantage contrôler les « silencieux » inadéquats ; promouvoir les pneus à faible bruit.

– Réduire la vitesse, à proximité des secteurs résidentiels.

Dispersion du bruit

– Placer des édifices-écrans, des écrans antibruit.

– Éloigner les habitations des sources bruyantes.

– Revoir le zonage, la disposition des bâtiments et des pièces à l’intérieur.

Limitation du bruit reçu

- Rendre l'insonorisation des façades obligatoire pour isoler les habitations contre le bruit extérieur.

Outils, procédés, méthodes, matériaux et équipements

- Identifier et cartographier les zones bruyantes problématiques (obligatoire pour les villes en Europe).

- Produire des guides adaptés aux besoins des municipalités et des promoteurs. 

- Développer des moyens de communication efficaces, et renseigner les citoyens, pour qu’ils prennent des décisions éclairées sur leur choix de milieu de vie…

Les outils existent, les solutions aussi. Recherchons ces solutions, ensemble, en pensant au long terme et aux plus vulnérables (enfants, écoles, garderies, hôpitaux et domiciles).

*Bruit environnemental : tous les bruits sauf ceux produits en milieu de travail

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