OPINION

INVENTAIRE DES GAZ À EFFET DE SERRE Ce que le gouvernement dit et ne dit pas

Cette semaine paraissait le plus récent inventaire d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec pour 2016. À entendre les acteurs politiques et les médias, ça ne va pas bien au Québec.

Les émissions stagnent, voire augmentent, les politiques sont inefficaces, les gouvernements seraient les principaux responsables de ce malheureux échec. Le bilan serait si décevant que le gouvernement Legault s’apprêterait à revoir les cibles prévues pour 2020.

À la lecture de l’inventaire, une question nous est pourtant venue à l’esprit : mais qu’en est-il du marché du carbone ? Où se situe-t-il dans cet inventaire ? À aucun moment, il n’est fait mention des droits d’émission (crédits carbone) et de l’ambitieux marché du carbone que le Québec a pourtant mis en place en 2013. 

Le principe du marché du carbone est pourtant clair : imposer une réduction des émissions des GES là où ça coûte le moins cher, que ces réductions d’émissions soient produites au Québec ou ailleurs – en Californie dans le cas de notre partenariat.

Or, si les entreprises assujetties au marché du carbone ont acheté des droits d’émission sur le marché, cela jouera inévitablement sur notre cible de 2020, qui est, rappelons-le, une réduction des émissions de GES de 20 % sous les niveaux de 1990, et ce, en comptant le marché du carbone et, donc, les émissions qui auraient été négociées par ce mécanisme.

En d’autres termes, notre cible actuelle au Québec n’est pas basée uniquement sur l’inventaire des émissions de GES, mais repose aussi sur le marché du carbone avec la Californie, qui nous permet de réduire les émissions là où cela coûte le moins cher.

Pourtant, ce qui se passe ces jours-ci au Québec est inquiétant, tant comme chercheurs que comme citoyens. Le nouveau gouvernement Legault pourrait prendre une décision basée sur un inventaire à jour, ce qui est certes louable. Pourtant, cette décision serait établie sur une information partielle. 

Comment pouvons-nous décider de revoir une cible de réduction en ne comptant pas les données relatives au marché du carbone ? On dit que le Québec stagne, mais stagne-t-il vraiment ?

Avant de débattre d’une question si importante, il faut avoir en main toutes les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée.

La problématique des changements climatiques est l’urgence de notre siècle et il serait irresponsable de prendre une décision sur le coin d’une table, sans véritable réflexion. Les jeunes Québécois qui ont entrepris une action judiciaire contre le gouvernement canadien nous le rappellent avec éloquence : les dernières années nous ont montré un manque de leadership et d’action dans la lutte contre les changements climatiques, et tant les gouvernements que les citoyens doivent amorcer un virage vers une société sobre en carbone.

Que pouvons-nous faire ?

Le principal déficit que nous pouvons voir au Québec concerne des actions structurantes dans le secteur des transports, mais aussi dans le secteur agricole.

Sur le plan des transports, le diagnostic est clair : nous avons un parc automobile trop grand et trop énergivore et un système autoroutier qui favorise l’étalement urbain. Les pistes de solution sont multiples pour améliorer ce bilan : favoriser le transport actif, développer le covoiturage et l’autopartage, freiner le développement des autoroutes (comme le troisième lien), imposer des tarifs supplémentaires aux gros cylindrés, sur le stationnement et sur l’usage même du système routier, financer substantiellement les transports collectifs en ville et en région.

En agriculture, des solutions existent aussi du côté du gouvernement : revoir le financement afin de promouvoir l’agriculture biologique au détriment de l’agriculture conventionnelle (plus de 2 millions de tonnes sont issues des engrais azotés), et favoriser le développement des fermes maraîchères, qui auront un impact sur la réduction des émissions de GES par rapport aux fermes porcines et bovines.

Les solutions à l’échelle individuelle ne manquent pas non plus. Promouvoir une alimentation moins riche en protéines animales, locale et biologique, revoir nos modes de déplacement vers des modes de transports collectifs, actifs ou électriques. Bref, les solutions sont variées et à la portée de tous.

À force de croire que tout va mal, cela nous incite à abandonner. Cela donne des armes aux adversaires d’une véritable lutte contre les changements climatiques.

La présentation de l’inventaire du Québec de 2016 n’est donc pas une occasion de baisser les bras ni d’en faire une question partisane.

Il faut exiger plus de transparence de la part de nos gouvernements, et surtout, qu’ils mettent en place de véritables solutions pour lutter contre les changements climatiques ; c’est cela qui devrait ressortir de ce rapport.

* Annie Chaloux est codirectrice du Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec (GÉRIQ).

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