ANALYSE

Le Québec en avance

Rien ne réussit mieux que le succès, selon l’adage. Il se vérifie aisément dans la gestion des finances publiques et le financement de la dette du Québec.

Vendredi, l’agence de notation new-yorkaise Standard & Poor’s a rehaussé d’un cran la note de crédit qu’il accorde au Québec. Avec la note AA-, la qualité de la dette du Québec est devancée seulement par celles de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan qui est elle-même sous surveillance avec perspective négative.

Quelques jours plus tôt, l’agence torontoise Dominion Bond Rating Service a maintenu la note A (élevé) pour la dette publique du Québec, même si elle demeure très élevée à plus de 200 milliards. « La province a une performance de solide gestion fiscale. Elle tire profit maintenant de l’élan économique pour donner des allégements fiscaux, pour augmenter les dépenses dans les secteurs prioritaires et pour continuer de réduire la dette », lit-on dans le commentaire accompagnant l’attribution de la note.

Depuis le début du présent exercice qui a commencé le 1er avril, la société distincte est parvenue à emprunter 9,165 milliards, ce qui correspond à 81,4 % de ses besoins de financement en 2017-2018. L’an dernier à pareille date, elle avait emprunté 5,232 milliards.

Le Québec est la province la plus avancée dans son programme d’emprunts, et de loin. Suit le Manitoba à hauteur de 43 % seulement.

L’Ontario est à 36 %, ce qui signifie qu’il lui reste encore 17 milliards à financer d’ici le 31 mars.

Plus mal prise, l’Alberta a réalisé à peine 20 % de son programme d’emprunts de 18,7 milliards. Et Standard & Poor’s vient d’abaisser de deux coches sa note de crédit, désormais à A+, comme celle de l’Ontario.

« Au rythme actuel, Québec pourrait être en mesure de commencer à préfinancer ses besoins de 2018-2019 dès septembre », analyse Jean-François Godin, vice-président et analyste principal chez Desjardins, marchés des capitaux.

Les marchés étrangers

Opportuniste, la province a beaucoup exploité les marchés étrangers jusqu’ici. Des 9,165 milliards empruntés, 5,527 l’ont été sur les marchés américain, britannique et européen. Fait à noter, les 521,4 millions récoltés au pays de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II étaient les premiers depuis des lustres. La force de la livre sterling rendait jusqu’à récemment les coûts d’emprunt très chers au Royaume-Uni pour les étrangers. Le Brexit a ses avantages…

L’an dernier à pareille date, Québec avait ramassé 2,759 milliards sur les marchés américain, australien et hongkongais.

Nul doute que la belle note de Standard & Poor’s va intéresser davantage de prêteurs étrangers.

Québec a jusqu’ici très bien su profiter des taux obligataires à moyen et long termes qui ont fléchi cette année jusqu’à cette semaine. Ainsi, les 500 millions empruntés pendant 10 ans, la semaine dernière, garantissent un rendement de 2,280 % aux prêteurs. Pour un emprunt identique réalisé au début d’avril, ils avaient pu exiger 2,479 %.

Les 500 millions empruntés jusqu’en 2048, à la fin de mai, avaient été financés à 2,951 % contre 3,028 % pour un emprunt semblable réalisé à la fin d’avril.

Bref, Québec parvient à vendre très cher sa dette en raison de sa bonne conduite des finances publiques.

Le virage amorcé par la Banque du Canada cette semaine va entraîner bientôt une augmentation des taux d’intérêt et des coûts d’emprunt. Depuis lundi dernier, ce sont avant tout les taux d’intérêt sur les obligations à court terme qui montent.

Les taux d’intérêt à la hausse

L’amélioration des perspectives de croissance de l’économie mondiale ainsi que la volonté annoncée cette semaine de la Réserve fédérale américaine de diminuer progressivement la taille de son bilan dès cette année devraient, à moyen terme, pousser aussi à la hausse les taux d’intérêt des obligations dans les échéances plus longues. Ce sont celles où les provinces, y compris le Québec, préfèrent emprunter.

On ne parle pas de montée en flèche, mais chaque centième de point en plus du coût d’emprunt alourdit le service de la dette.

Le ministre des Finances Carlos Leitāo a prévu dépenser 7,776 milliards à ce poste pour l’exercice en cours, mais 209 millions de moins l’an prochain. Ici encore, l’agence new-yorkaise sera d’un certain secours.

Reste que Québec a très bien joué ses cartes en prenant une telle avance dans la réalisation de son programme d’emprunts.

Au revoir

Chers lecteurs, après plus de 30 ans à La Presse, la présente est ma dernière analyse. Merci pour vos commentaires, critiques, encouragements et suggestions qui m’ont été bien utiles au fil des ans.

Salut, Rudy !

Voilà que le temps du départ est venu pour un collègue estimé et un journaliste respecté. Passionné et défenseur de l'information économique, vigoureux avocat de la langue française, Rudy a été un pilier de la section Affaires de La Presse. L'économie et ses statistiques n'avaient plus de secrets pour l'érudit Rudy, qui s'est démarqué tout au long de sa carrière par sa maîtrise des sujets et la finesse de ses analyses. Allez, salut, Rudy !

— L’équipe de La Presse Affaires

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